Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

[ Imprimer cet article ] [ Envoyer cet article ] [ Nous ecrire ]



" C’est seulement en se libérant de la peur que la société pourra s’édifier dans la liberté "

Buenaventura DURRUTI (1896 - 1936)

samedi 20 octobre 2001

Durruti l’a si bien dit qu’il paraîtrait vain au premier abord de redire une fois encore combien la peur est une arme redoutable et un des instruments les plus efficaces pour assurer et entretenir un pouvoir. Pourtant, a voir avec quel succès le pouvoir capitaliste use de ce vieux stratagème pour assurer et entretenir sa totale domination sur chacun d’entre nous, je ne peux m’empêcher de pointer du doigt toutes ces petites ficelles qui font d’un monde où l’espérance de vie s’est accrue de 20 ans en un siècle, un monde de peur, un monde d’angoisse, un monde en fuite. Je parle ici des pays occidentaux bien sûr -des basses-cours aux portes des châteaux d’argent- et non pas des contrées lointaines où d’innombrables barbares mauresques s étripent pour un bol de riz, comme le dirait le Baron Sellière, ce valet du dollar trop grand d’une tête.

Lorsque le Trotskiste taupier Michel Jospin parle de renforcer la lutte contre l’insécurité et la violence, l’effet produit le plus immédiat, mais aussi le plus profond et durable, n’est pas de rassurer l’opinion publique, mais bien au contraire d’instiller la peur.

Car en entendant ce discours, bon nombre de personnes se disent immanquablement que si le premier sinistre parle ainsi, c’est qu’il y a réellement des problèmes liés a la violence et certaine-ment de façon non négligeable, puisque les hommes politiques en parlent. Le tribun politique, lorsqu’il présente un plan de lutte contre l’insécurité, du même coup, institue, officialise, décrète un état d’insécurité.

Le même stratagème frit et est toujours utilisé peur l’usage de stupéfiants. Alors que le nombre de problèmes graves de santé ou de décès liés à l’usage de produits illicites est sans commune mesure avec les dizaines de milliers de morts par an liés aux drogues licites que sont le tabac et l’alcool, la " drogue " (sous entendu, la drogue illicite) est perçue par beaucoup comme un fléau catastrophique.

En matière de violence comme de drogue, on nous abreuve de chiffres, certes, mais de chiffres triés sur le volet.

Ainsi par exemple, on nous explique que le nombre de délits mineurs s’est accru de 34% en 3 ans, mais on oublie de préciser que 50% de ces petits délits sont des vols de téléphones portables. Entre parenthèses, " heureusement " que l’on nous tait ces chiffres, on finirait par croire que c’est l’apparition et la glorification du portable qui a généré cet accroissement de la fréquence des petits délits On crée le besoin en créant le produit, c’est bien connu, avec en prime le prix en Euro et la vitrine sous télé-surveillance pour y ajouter la frustration de l’envie insatisfaite. C’est clair, le coup du 1er sinistre qui décrète l’état d’urgence contre l’insécurité, c’est, comment dire, de la manipulation institutionnelle.

Mais il y d’autres façons de cultiver la peur. Le chômage par exemple, c’est un volant de main d’oeuvre pour pouvoir baisser le coût des charges salariales, on l’a tous bien compris. Car c’est avant toute chose le meilleur moyen de rendre le travailleur docile et craintif, en lui montrant combien sa situation est fragile et n’a rien d’un droit acquis, contrairement à ce que lui serinent les syndicats. Ce chômeur qui quête quelques pièces à un carrefour, ce militant de chez Lu qui, badge F0 à la boutonnière, avoue que c’est cuit, ce SDF poli qui raconte son paradis perdu du temps où il avait du boulot, ce désespéré du travail qui s’est pendu devant son usine, ces statistiques du " non-emploi " par classe d’âge et de sexe, ce sont des avertissements sans frais pour tout travailleur docile ou non. Sans emploi ou sans revenu, tu n’es rien. Et ton emploi tient à presque rien. Que tu sois CDI ou CDD, tu es précaire. Et pourtant ce sont eux, les patrons, les politiques qui t’achètent et te jettent, et t’inventent le RMI et le PARE, cette loi de l’aliénation obligatoire si le marché l’exige. Ce sont eux qui te mettent sur le fil du rasoir, un pied dans la survie, un pied dans la misère.

Autre filon plus tordu, plus sournois le spectacle du tour du monde en sang qui à la fois te fait peur et te fait accepter ton petit monde d’occidentaux " nantis ". Comment ne pas trouver nos pseudo-démocraties humaines et fragiles lorsqu’on nous comptabilise chaque soir sur le petit écran le nombre de morts par VIH, par balles, par catastrophe, par négligence, par machette, par nécessité même ?

Le monde est décidément bien barbare et sauvage, ce qui, paradoxalement, fait apparaître notre petit occident tout dangereux qu’il soit, préférable à la jungle du tiers-monde. Lorsque la barbarie surgit en Yougoslavie, le citoyen européen regarde, la peur au ventre, ces gueules de blancs (tout comme lui) égorger d’autres blancs (comme lui aussi) à la manière de ces " Sauvages " d’Asie ou d’Afrique.

Et pourtant, on ne meurt pas du VIH en Afrique. On meurt par millions de la non-gratuité des médicaments détenus par des firmes américaines et européennes. On ne meurt pas que de Saddam en Irak. On meurt surtout du blocus américain et des bombardements de l’ONU, comme en Yougoslavie où les armes légères vendues par les Européens et les bombardements radioactifs de l’OTAN ont fait bien plus de morts que Milo, le pantin nationaliste. Lorsque le TPI (Théâtre Populiste International) juge Milo l’affreux, il laisse une chaise vide dans le box des accusés, celle du général Colin Powel, ex-commandant en chef des hordes de l’OTAN, et actuel comparse du tueur Bush.

Je pourrais énoncer encore bien d’autres exemples de cette trouille organisée, de cette machine infernale à fabriquer de l’angoisse, de la névrose, du repli sur soi, de la soumission. Le discours actuel sur la santé et la prévention, celui sur l’adaptation au nécessaire progrès technologique, tous sont empreints de chantage au malheur et à la terreur. Le délire récent sur la fièvre aphteuse est encore dans toutes les mémoires. Un calcul opportuniste et cynique de technocrates européens, voulant réguler le marché de la viande, à grands renforts de médias et de policiers, changea la fièvre en épidémie de choléra.

Dernièrement, deux jeunes étudiants de Caen sont venus faire an stage dans la boite ou je travaille. Ils avaient entendu parler du Mirail. Un coin chaud comme ils disent. Je les y ai emmenés. Ils ont vu... C’était comme chez eux ! Alors une copine leur à dit " Moi, j’y vis au Mirail, l’hiver c’est triste, mais l’été c’est vivant et souvent gai. Moi, mes peurs, ce ne sont pas les jeunes, ce sont les flics, les huissiers, les retards de la CAF, les factures de flotte et les impôts locaux, les sans-coeur de la DDASS, les cow-boys de la BAC et leur bagnole blanche, les grèves de bus quand mon copain a enfin trouvé un petit boulot. Et ma plus grosse trouille, c’est que mon fils finisse comme Habib, sur un trottoir, avec une balle de flic dans le dos ".

Nicolas militant de Toulouse


CNT-AIT



-  Contacter des militants anarcho-syndicalistes
-  http://cnt-ait.info est le site d’actualité de l’Anarcho-syndicalisme.
-  La reproduction et la diffusion de l’Actualité de l’Anarcho-syndicalisme sont encouragées

  Présentation
  Contacts
Abstention et résistances populaires
Dossiers
  ESPOIR (Bulletin du SIPN)
  FACE A LA CRISE
International
Luttes : actualité, bilans, archives
  LUTTES DANS LES QUARTIERS POPULAIRES
  Publications
  RESISTANCE POPULAIRE
  SOLIDARITE
Stratégie
  Sur la Toile
Syndicalisme ?
TRAVAILLER PLUS ? POUR QUOI ? PRODUIRE ? COMMENT ?
  YVELINES ROUGE ET NOIR

LISTE DE DIFFUSION
      S'ABONNER
     Votre adresse électronique :
     
     
     Un message de confirmation vous sera demandé par courrier électronique.
      Gérer son abonnement.
     Votre adresse d'abonné :
     
     
      CONSULTER LES ARCHIVES

[ Plan du site ] [ Haut ]
Traduction(s):

[ Haut ]

L'Actualité de l'Anarcho-syndicalisme sur votre site : backend.php3.
Site developpé avec SPIP, un programme Open Source écrit en PHP sous licence GNU/GPL.