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jeudi 8 décembre 2005

En 1905, à l’heure ou mourraient de grandes figures de l’anarchisme du XIX° siècle (Louise Michel et Élisée Reclus), naissait à l’Est un espoir révolutionnaire qui marquera tout le siècle : le soviet.

Durant l’année 1905, la Russie tsariste connut une suite d’évènements politiques et d’insurrections d’importance. Les premiers soviets furent crées durant ces évènements. Le soviet, fut la forme d’organisation des ouvriers durant la révolution. Comme, à cette époque les partis politiques et les syndicats étaient inexistants en Russie, les ouvriers ne trouvèrent pas d’obstacle à s’organiser en assemblées générales souveraines de travailleurs et à "inventer" ainsi une leur forme d’auto-organisation (dans laquelle d’ailleurs les anarchosyndicalistes peuvent se retrouver) [1]

L’historiographie officielle retient toujours que Trotski fut le premier président du soviet de Petrograd, à la fin de 1905, mais pas que le premier soviet de l’histoire fut créé... au début de l’année par des ouvriers qui s’organisèrent de façon spontanée et autonome, en dehors des partis politiques : "Cependant, la grève tirait à sa fin. Tous les jours des ouvriers reprenaient le travail. En même temps, les fonds s’épuisaient. Alors apparut de nouveau la grave question : Que faire ? Comment poursuivre l’action ? Et que pourrait-elle être maintenant ? […] C’est alors qu’un soir où, comme d’habitude, il y avait chez moi plusieurs ouvriers […] - l’idée surgit parmi nous de créer un organisme ouvrier permanent : une sorte de comité ou plutôt de conseil qui veillerait sur la suite des événements, servirait de lien entre tous les ouvriers, les renseignerait sur la situation et pourrait, le cas échéant, rallier autour de lui les forces ouvrières révolutionnaires. […] Le mot Soviet qui, en russe, signifie précisément conseil, fut prononcé pour la première fois dans ce sens spécifique." [2]. Ce Soviet disparut à cause de la répression, puis resurgit en octobre, mais la publicité qu’il connut alors facilita la propagation de ce modèle d’organisation dans de nombreuses autres villes.

C’est pourquoi en 1917, quand disparut le pouvoir tsariste, les soviets furent naturellement la forme d’organisation des ouvriers, soldats et marins. La société russe était organisée par ces conseils, sous strict contrôle de la base. On peut ainsi considérer qu’il y eut, au début, une révolution en Russie. Il a existé en parallèle un gouvernement de type social-démocrate, dont personne ne se souciait. Le parti bolchevik, alors très minoritaire, préconisa le système des soviets (alors qu’il était déjà en place…) afin de gagner une audience populaire, et ainsi de légitimer sa prise de ce qu’il restait du pouvoir en octobre. Une fois cette "légitimité" acquise, ils reconstruisirent l’Etat, et ils transformèrent peu à peu les soviets en des instruments au service du parti, totalement contrôlés par les commissaires du peuple - et plus du tout par le peuple [3].

Ainsi, "La théorie des soviets n’a rien de commun avec le système de gouvernement soviétique, comme le croient la plupart des gens. Au contraire, nous sommes en droit de soutenir l’inverse, à savoir que l’idée des soviets, l’idée d’une organisation de la vie sociale dans le sens d’un système nouveau, libre et communiste, avec la régulation de la production et de la distribution des biens dans la future société par l’intermédiaire de rencontres, de réunions de travail entre les délégués directs, toujours remplaçables et dépourvus de tout pouvoir, des organisations professionnelles et des centres de distribution ; cette idée n’a rien de commun avec le caractère propre aux bolcheviques, leur tendance étatique et leur système dictatorial dans la réglementation de la vie sociale" [4]

En 1921 ces mêmes bolcheviks écrasent la révolte des marins de Cronstadt, dont la principale revendication se résumait à : "Tout le pouvoir aux soviets".

Au-delà de l’exemple russe, les conseils furent aussi la forme utilisée lors de la Révolution allemande de 1919 (on appelle d’ailleurs souvent "communisme de conseil" certains groupes issus de la gauche révolutionnaire allemande). On pourrait aussi trouver des similitudes avec les formes d’organisations utilisées dans d’autres expériences révolutionnaires (Hongrie, Italie, Espagne, Pologne, Algérie, Argentine...), car, quel que soit le nom qu’on leur donne, il s’agit toujours de la forme d’organisation spontanée des masses quand elles en arrivent à prendre en main leur destinée, la pleine expression de la démocratie directe.

Parfois la répression n’arrive pas à vaincre ce mode d’organisation qui lui échappe totalement. Mais, ces expériences sont souvent frappées d’un mal non moins pire : la récupération politicienne. L’exemple russe constitue à ce niveau là un cas d’école. La privation par une poignée d’individus des organes de décisions populaires, c’est à cela que les militants anarchosyndicalistes se sont toujours opposés, et s’opposeront toujours.

P.L.

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[1] Voir l’ouvrage fondamental de Voline "La Révolution inconnue", réédité aux éditions Verticales.

[2] Ibid. Voline en fut un des acteurs. Ce passage est consultable à l’adresse http://cnt-ait.info/article.php3?id...

[3] Alexandre Skirda a beaucoup écrit sur ce sujet. Un ouvrage de synthèse a paru aux éditions de Paris : "Les anarchistes russes, les soviets et la révolution de 1917"

[4] Pano Vassilev "L’idée des Soviets", réédité en brochure par la CNT-AIT.

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