Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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POUR UNE REELLE RESISTANCE DES EXPLOITES ET OPPRIMES, POUR UNE UNITE DES LUTTES SOCIALES

samedi 16 septembre 2006

Depuis plus de trente ans, patronat et État enchaînent les plans de restructuration et appliquent la même logique : augmenter la productivité, comprimer la masse salariale, mais aussi précariser, flexibiliser et "pacifier" les salariés par la peur du chômage. À toutes ces mesures, l’État rajoute la réduction du salaire indirect (c’est-à-dire les aides sociales). L’écart entre les niveaux de pouvoir d’achat grandit sans cesse et produit une ségrégation qui exclut une part croissante de la population, surtout en terme de qualité (logement, santé, nourriture, éducation...). Le résultat est patent : dégradation générale des conditions de vie des salariés, et constitution d’une masse de cinq à sept millions de pauvres. Les hauts revenus croissent proportionnellement aux inégalités, avec, en prime, l’arrogance des nantis, les pratiques sécuritaires et répressives, l’absence de démocratie, le contrôle social croissant, la remontée d’idéologies réactionnaires (religions, dirigisme, darwinisme social, anti-culture, militarisme, etc.).

Ayant poussé l’oppression sur les tous petits revenus jusqu’aux limites du supportable, la bourgeoisie concentre maintenant son bellicisme contre les couches qui ont des revenus supérieurs au SMIG, toujours suivant la même logique, en mettant en priorité (idéologie oblige) la fonction publique dans le collimateur. Pour cela, elle s’appuie sur une démagogique baisse des impôts. Malgré de confortables revenus, la grande bourgeoisie trouve la fiscalité "pénalisante", d’autant qu’elle utilise peu les services dits publics, préférant les officines privées. La moyenne bourgeoisie, dont la stupidité n’est plus à démontrer, s’en réjouit, ignorant qu’à terme, elle payera, directement et bien plus cher, des services qui sont pris en charge actuellement par l’impôt. Les pauvres se taisent, n’étant pas directement concernés par la réduction d’impôts. Or, en limitant le déficit budgétaire à 3 % et en aggravant les contraintes budgétaires par la réduction des recettes fiscales, l’État diminue de fait le financement du secteur public et induit une politique encore plus anti-sociale. Il crée aussi, artificiellement, les conditions du dysfonctionnement du service public ... dont il profitera pour dénoncer la mauvaise qualité, les coûts "exorbitants", le faible rendement et le je m’enfoutisme. Sournoise manœuvre qui résulte de l’application accélérée de l’AGCS (Accord Général sur les Commerces et les Services), c’est-à-dire de la mise en concurrence des services publics entre eux ou avec le privé. Public ou privé, dans tous les cas, on nous imposera de sacrifier au dogme de l’économie de marché : réduire les coûts de production pour être "compétitifs". De nouvelles dégradations des conditions de vie des salariés sont donc en perspective.

Face à cette nouvelle phase de l’offensive capitaliste, la résistance populaire doit se manifester. Mais nous devons d’abord analyser ce qui nous divise.

LE CORPORATISME

Pris dans une vision à très court terme empreinte d’un certain individualisme, beaucoup de salariés ne voient leur salut que dans la défense de leur statut particulier, sans réaliser qu’en agissant ainsi, ils se condamnent. Car le corporatisme, en isolant chaque secteur, loin de le protéger fait le jeu de la théorie des dominos : la chute de l’un entraîne inexorablement la chute d’un autre et ainsi de suite. Cela se passe soit directement (les 42 annuités pour la retraite, une fois imposées dans le privé, sont imposées sans coup férir dans le public) soit, plus subtilement, de façon indirecte. En effet, dans le système économique actuel toute amélioration sectorielle de la situation des salariés (et même le simple maintien de leurs conditions) est un obstacle à l’accroissement de la compétitivité (c’est-à-dire de l’augmentation continuelle des bénéfices patronaux) et entraîne rapidement par ricochet des "ajustements" (suivant les cas : restructuration, délocalisation, déqualification...).

Faute d’invariabilité de la valeur de la force de travail, toute amélioration catégorielle se retourne contre les salariés. Nous devons donc poser des revendications anti-corporatistes. Quelques pistes : revenu social, statut unique, égalité de traitement...

L’ELECTORALISME

On nous le dit à chaque fois : les élections seraient le moyen pour les opprimés de renverser la situation. Observons tout d’abord que les alternances gouvernementales n’ont rien produit de semblable. Abusivement présenté comme démocratique, le parlementarisme, produit de la délégation de pouvoir, favorise la démission au quotidien, déshabitue les individus de l’exercice du pouvoir politique et favorise les "spécialistes" de la politique et autres nantis. Défendre le parlementarisme, c’est accepter de se soumettre aux résultats des urnes, aux 82 % de suffrages qui ont hissé Chirac sur le pavois, c’est légitimer la politique anti-sociale qui en découle. C’est aussi attendre éternellement la "prochaine" élection pour espérer un changement, et, dans l’attente, continuer à se faire piétiner. C’est transformer la lutte sociale en champ clos de conflits entre fractions parlementaires qui, lorsqu’elles sont minoritaires se présentent comme "la" solution de rechange, avant de continuer toujours la même politique quand elles reprennent le pouvoir. Un mouvement de lutte qui chercherait à s’appuyer sur le parlementarisme ne peut que s’affaiblir et se diviser et oublierait la masse croissante d’exploités qui refuse le jeu électoral et s’abstient consciencieusement à chaque élection.

Si l’électoralisme divise, l’action directe construit au contraire le rapport de force puisque, par définition, elle est l’action collective et sans intermédiaires des opprimés en lutte. L’action directe est la base originelle du syndicalisme, celle qui lui a permis, un temps, de contrer les attaques du capital. Il est grand temps de renvoyer les bureaucrates, les permanents politiques et syndicaux, les "partenaires sociaux", les élus (politiques ou professionnels), les spécialistes du paritarisme (qui participent à la gestion anti-sociale des caisses et de l’administration) aux poubelles de l’histoire. Ils ont tous amplement démontré que leur objectif n’était pas de "défendre" les salariés. Ils sont là pour encadrer, pour contrôler. La trahison des "élites" syndicales n’est pas gratuite : des milliers de permanents en vivent, grassement payés par l’État, les patrons et les caisses sociales. Et même leurs tous petits services sont rémunérés (par exemple, les patrons payent rubis sur l’ongle à un simple délégué du personnel des heures, dites de délégation, pendant lesquelles il n’a pas travaillé).

QUELS TYPES DE STRUCTURE ?

A chaque lutte d’envergure, cette question se pose. On voit tantôt refleurir les cartels d’organisations, syndicales (derrière lesquelles on voit poindre le nez des organisations politiques), des coordinations plus ou moins préprogrammées. Comment peut-on avancer sur cette question ?

Nous avons déjà souligné la contradiction insoluble entre ceux qui poursuivent des problématiques électoralistes et ceux qui veulent pratiquer l’action directe. Leur cohabitation est impossible dans une lutte. Il n’y a rien à discuter.

Deuxième observation. Les centrales syndicales dites représentatives [1] tout comme les intersyndicales qu’elles constituent au gré de leurs besoins sont de plus en plus souvent rejetées. A juste titre. Car, à moins d’être frappé de niaiserie congénitale, tout salarié qui participe à une lutte se rend compte que les syndicats ne sont là que pour encadrer et mettre des bâtons dans les roues.

De même, il faut être méfiant vis-à-vis de toutes les structures constituées soi-disant "pour être efficace", car, en réalité ceux qui les gèrent sont globalement les mêmes que l’on retrouve dans les partis, syndicats, conseils municipaux ou régionaux, associations... Qu’elle que soit l’étiquette sous laquelle ils se présentent à un moment donné, le but qu’ils poursuivent est toujours le même. Alors, comment faire ?

FONCTIONNEMENT VERTICAL OU HORIZONTAL

Notre expérience de terrain nous amène à penser que le plus efficace, ce sont des structures qui regroupent tous les individus (syndiqués ou pas) en accord avec les buts de la structure en question. Comment de telles structures doivent-elles fonctionner ?

Le mode de fonctionnement vertical (ou hiérarchique) est souvent présenté comme efficace sous prétexte que les débats démocratiques freineraient la prise de décisions. Or, une structuration verticale induit un appareil non-démocratique, des jeux de pouvoir, la quête de bonnes places au détriment des principes, la collaboration avec les bailleurs de fonds pour rétribuer les permanents, et, finalement l’institutionnalisation. Il suffit d’observer ce que sont devenus les partis et syndicats pour avoir un aperçu de cette évolution. Nous sommes loin du syndicalisme du début du siècle dernier, quand la CGT se référait à la démocratie et à l’action directe, à l’interprofessionnalisme et aux bourses du travail, à l’anti-capitalisme et à l’anti-étatisme, au rejet du militarisme, à la défense de la lutte des classes. A l’inverse, le mode de fonctionnement horizontal est, à terme, réellement efficace car il implique tous les membres dans les décisions et favorise une connaissance collective des enjeux, empêche ou rend difficile l’instrumentalisation de la lutte à des fins personnelles.

Le fait que chaque membre est à égalité de droit est réellement démocratique. L’horizontalité permet la mise en réseau des structures de résistance sans qu’aucune ne prive l’autre de ses prérogatives. Elle permet la coordination et l’action collective, favorise l’équilibration du singulier et du pluriel, harmonise l’intérêt particulier et général dans ce qu’il a d’indissociable. Ce choix du fédéralisme offre d’autres avantages en multipliant les centres de décision, il stimule l’empirisme par la multiplication des expériences puis par la sélection des plus adéquates. Il fragilise également l’attaque de l’adversaire qui tentera d’ailleurs d’amener la lutte sur le terrain du verticalisme et du centralisme, car il est plus facile de soudoyer, corrompre, réprimer, contrôler, manipuler quelques-uns que tous. Il suffit d’imaginer un mouvement de lutte dont l’unique centre nerveux serait par exemple à Paris : si le pouvoir met hors de service ce centre, quelle que soit la façon dont il s’y prenne (par la répression ou la corruption), tout s’arrête. S’il y a des centaines de centres fédérés et autonomes, c’est bien plus difficile pour le pouvoir de bloquer la lutte.

EN CONCLUSION

Les attaques de la bourgeoisie ne rencontrent pas d’oppositions sérieuses. Les partis et syndicats de gauche ne permettent pas d’enrayer ces attaques parce qu’ils en sont complices, étant d’accord sur le fond avec les patrons. Il est temps que les exploités et les opprimés entrent en résistance, qu’ils se dotent de comités de lutte indépendants de l’État, des partis, des syndicats, qu’ils réalisent l’autonomie populaire, qu’ils avancent des revendications générales capables d’amener l’unité la plus large en rejetant le corporatisme, des revendications intercatégorielles, qu’ils associent en réseau les structures de lutte selon les bases du fédéralisme, qu’ils élaborent, face à la société bourgeoise et capitaliste, une société égalitaire et démocratique.

Jean Picard Novembre 2003


CNT-AIT



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