Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Tout change et pourtant rien ne change

jeudi 11 juillet 2002

Au cours de cette campagne, les principaux partis, ceux qui domi-nent la vie politique, se sont tous accordés pour construire leur argumentaire électoral autour de l’insécurité. Les stratégies de marketing électoral ont permis d’assister à des joutes épiques entre ces vendeurs qui prétendaient tous avoir le meilleur produit pour lutter contre l’insécurité. C’est ce choix qui différencie cette campagne des autres élections présidentielles. Précédemment, les positionnement des acteurs politiques se faisaient par rapport à la valeur travail et à tous les thèmes qui en découlaient (retraites, chômage, sécurité sociale, etc.). Pour nous, ce changement de stratégie correspond à une intention volontaire du système capitaliste pour maintenir et accroître son pouvoir de domination en soumettant les individus à un ordre social centré sur une nouvelle valeur fédérative, l’insécurité.

Les capitalistes, pour accroître leur profit, ont déqualifié la valeur travail et ce depuis les années 1970. Aujourd’hui, la valeur travail s’effondre, elle ne présente plus d’intérêt pour le capital, et de ce fait ne remplit plus sa fonction de construction des identités collectives et par là du lien social. Les capitalistes ont eu intérêt à faire s’effondrer cette valeur pour au moins deux raisons :
-  en 2002, le travail n’est plus la source de la richesse. Il est bien plus facile de s’enrichir en jouant au loto et à la bourse !
-  la recherche effrénée du profit a multiplié les CDD, intérims, licenciements, reconversions, chômage, RMI, etc. Les travailleurs ont bien pris conscience que leurs conditions d’existence n’était plus liée au travail et ont de ce fait désacralisé cette valeur. Cette désacralisation aurait pu constituer une avancée vers la liberté si les capitalistes n’avaient pas aussitôt refermé le clapet en proposant pour leur propre sécurité la valeur devant être partagée par tous les exploités, à savoir l’insécurité.

Ce cadre proposé par les capitalistes s’est imposé grâce au coup de main des médias, valets et acteurs du capital, qui ont fait de l’insécurité leur fond de commerce. Dans le même temps s’effondraient les partis, syndicats et associations qui avaient fait de la valeur travail le sens de leurs luttes.

L’épouvantail de l’insécurité suffit à produire la peur. Chaque individu va la ressentir en fonction de sa propre histoire. Elle ne peut donc en rien être partageable avec les autres et ne peut en aucun cas créer du lien social. Paradoxalement, et c’est là le nouveau tour de force du système, la peur assure la cohésion sociale en regroupant sans les unir les individus autour d’une même bannière : l’insécurité. Les capitalistes ont réussi à nous individualiser tout en nous faisant partager la même peur.

Cette situation d’isolement devant des risques réels ou imaginés explique pourquoi les gens les plus fragilisés s’en remettent à des "sauveurs" sensés les protéger de cette insécurité. De ce fait, Le Pen est le vendeur présentant le meilleur rapport qualité-prix en ce qui concerne la sécurité. Reste à savoir si le prix à payer sera celui affiché Le Pen incarne la figure politique du capitalisme moderne, lequel en a besoin pour continuer son oeuvre de déshumanisation. Mais de quoi avons-nous peur et quelles sont les figures que le système nous propose pour incarner cette peur, figures qu’ils agitent et qui leur permet de continuer à mettre nos vies en danger réel et permanent.

Commençons par la figure emblématique, la figure de l’immigré. C’est celui qu’on représente comme vivant dans un HLM délabré, qui faute de qualification reconnue ne trouve pas de boulot, qui est amené à commettre des larcins pour pouvoir accéder à la marchandise qu’on étale avec opulence devant lui. Mais c’est aussi celui qui continue à construire des liens communautaires dont nous avons été dépossédés au nom de la modernité. De par sa situation au bas de l’échelle sociale, il représente le lieu ultime, celui où chacun redoute d’être jeté. Ce qui explique que les plus isolés par le système soient les plus sensibles au message repoussoir qu’on leur transmet à travers cette figure.

En réalité, le capitalisme nous a fait intégrer que l’insécurité, le risque majeur, c’est celui de ne pas pouvoir accéder à la marchandise.

L’immigré, le SDF, le Rmiste, le jeune sauvageon sont les figures modernes du lépreux moyenâgeux. Construites par les capitalistes pour augmenter leurs profits, elles sont uti-lisées en même temps par eux pour agiter le risque suprême encouru : le non accès à la marchandise. Contagieuse comme la lèpre, l’épidémie de misère se répand comme une traînée de poudre, et les plus atteints sont ceux qui la côtoient ! Ainsi, lors de ces élections, tous les partis ayant enfourché le thème de l’insécurité nous ont donc appelé à voter, au choix, pour le capitalisme, ou... pour le capitalisme. Hier comme aujourd’hui, notre refus d’accepter un tel système, notre détermination à ne pas voter, à appeler à l’abstention, se trouvent, s’il en était besoin, conforté par ce spectacle.

Conclusion : tout change, mais rien ne change. Le génocide du Rwanda (Mitterrand a souligné le peu d’importance d’un génocide dans ces pays) les guerres capitalistes en Serbie, Palestine, Algérie, les crimes commis par les firmes phar-maceutiques qui refusent de délivrer les médicaments contre le SIDA aux pays pauvres, ou du moins qu’ils ont appauvri, les mines antipersonnel qui tous les jours font des centaines de morts parmi les enfants, la dévastation de la planète, de Tchernobyl à AZF sont bien l’expres-sion du fascisme toujours allié du capitalisme.

La France, comme les autres pays capitalistes, en voulant concilier l’inconciliable, à savoir un système capitaliste et une soi-disant démocratie basée sur les droits de l’homme, fait aujourd’hui le grand écart, et ne peut que continuer à s’enfoncer dans une politique où le profit des uns au détriment de tous continuera à être la loi. Tous les partis, syndicats appelant à manifester contre le fascisme, comme s’il venait d’apparaître, et ce sans remettre radicalement en question le capitalisme, c’est-à-dire sa cause, font le jeu de ce qu’ils dénoncent.

Lutter contre le fascisme sans lutter contre le capitalisme stérilise et rend vaine la lutte. Ce qu’on nous propose comme modèle sociétal, comme lien social, ce n’est plus un rapport à l’autre, c’est un rapport à la marchandise. C’est pourquoi il n’y a pas d’autre alternative que de détruire le capitalisme et de s’employer à exorciser radicalement les vieux fantômes sur lequel il construit son développement, pour que la solidarité et le partage trouvent leurs places dans notre projet de vie.

Texte collectif de militants de Montauban et du Quercy


CNT-AIT



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