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jeudi 10 octobre 2002

Thème de campagne que des dirigeants politiques de gauche comme de droite veulent exploiter afin de pousser l’extrème droite à la surenchère c’est évident. Cela caractérise bien la dérive actuelle de toute la classe politique, mais aussi de la population en général vers un "conservatisme". Que la population soit dans l’ensemble aussi récep-tive à une vision de l’insécurité liée à la délinquance ou au terrorisme, nous allons ici essayer d’y apporter quelques explications.

Réalité et manigance

Cette sensibilisation sécuritaire est certainement due déjà à la puissance de manipulation des médias ou encore de manigances diverses pour entretenir un climat d’insécurité. Cela peut être le fait de délinquants qui s’amusent à faire peur à ceux qu’ils appellent bourges ou faux bourges comme cela peut tout aussi bien être des affaires montées de toute pièce comme celle de ce chauffeur de bus de Marseille qui fut condamné dix-huit mois de prison avec sursis pour avoir organisé une agression contre lui-même et son bus (Canard Enchaîné du 19 juin 2002). Le journal rapporte que cette agression avait provoqué un arrêt de travail chez les 1500 conducteurs de bus et du métro marseillais le 25 mars et ensuite la déclaration du procureur à propos du simulateur comme quoi " il a manipulé le sentiment d’insécurité et porté atteinte à une jeunesse injustement accusé " en conclusion "pendant ce temps-là, les Gaudin et Cie court toujours... " parce que le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (Démocratie libérale) avaient réclamé pour cette agression de bus et son chauffeur " une peine exemplaire "

Mais ce sentiment d’insécurité n’est pas seulement le fait d’affabulations, de manigances quelles soient politiques ou autres.

La justice, les inégalités sociales, sont certaine-ment la cause de beaucoup de violence par les ressentiments qu’elles engendrent. N’empêche que ceux qui at-tendent après l’Etat pour les réduire ou les limiter, risquent d’attendre longtemps, étant donné qu’elles en sont grandement sa raison d’être, son aboutissement, son expression avec l’arrivisme, l’élitisme, le chacun pour soi qu’il encourage. Si l’on ne peut nier une détérioration dans certains quartiers dits à risques, n’est elle pas à l’image ou révélatrice de la tendance d’une société toute entière ? L’agressivité, la violence, les intimidations de sont pas réservés ou la caractéristique exclusive de ces quartiers concentrationnaires. Qui prend sa voiture en est convaincu. La rivalité, la lutte, le rapport de force entre individus sont devenus monnaie courante aussi bien dans le travail qu’ailleurs. Si les zones urbaines et concentrées ont toujours été connues pour leur délinquance plus importante qu’ailleurs, l’insécurité qui en résulte est à notre avis un retour de bâton logique dans ce système méprisant d’exclusion, qui pousse à une guerre permanente entre in-dividus et qui fait office de système d’organisation de la société humaine. Société qui malgré ses prétentions répu-blicaines de "liberté, égalité, fraternité " a oublié manifestement la notion de solidarité, ceci certainement parce que la misère sert trop à valoriser sa hiérarchie sociale, à justifier son ordre. La violence, la déchéance humaine sert en retour d’alibi, de bonne conscience à ceux qui pensent profiter pleinement de cette place au soleil de la consommation, du pouvoir.

Etat organisateur et responsable

La misère justifie la répression et l’Etat, elle valide, elle semble excuser le chacun pour soi, l’arrivisme, l’égoïsme, et la nature humaine est le flou providentiel afin de justifier cet ordre des choses comme immuable. Mais peut-on croire un seul instant que l’insécurité, la violence, la barbarie, les jalousies, les haines, la concurrence, les frustrations, la misère, la folie, ne sont réservés qu’aux quartiers dits sensibles. N’avons-nous pas tout autant à craindre d’un tueur fou, ancien militaire ou pas, qui en veut à toute la terre et se met à faire un carton dans la rue sans discernement ? Ou encore de ces adolescents qui se font un film parce qu’ils finissent par ne plus vivre autrement que dans la peau de barbares sanguinaires. Ou encore ce père de famille qui tue et viole sa fille âgée de quelques mois. Les exemples ne manquent pas afin de souligner une folie qui est très certainement révélatrice du mal de vivre, de l’isolement d’aujourd’hui, et de l’impuissance a s’en sortir. Se préoccuper des raisons de tels actes reviendrait certainement à remettre trop de choses en question, aussi les individus décrétés coupables, détraqués, fous, etc, sont diabolisés afin de mieux innocenter le système tout entier. Système dont l’Etat en est l’organisateur et qui loin de se sentir responsable va jusqu’à se présenter comme le protecteur, le juge suprême, le refuge, la sagesse face aux folies humaines comme s’il n’avait pas été conçu, n’était pas géré par des humains L’histoire des guerres est là pour nous le rappeler. Ce qui nous amène à dire que focaliser cette insécurité sur la criminalité ou la délinquance nous semble pour le moins malhonnête ou réducteur.

Réalité de l’insécurité

L’insécurité c’est déjà le risque de perdre son travail, ses ressources, son logement. L’insécurité c’est aussi des accidents du travail qui augmentent. C’est aussi cette morbidité qui met notre vie en suspens par rapport à tous ces cancers, malformations et autres maladies dues au nucléaire ou à la chimie et que les autorités ne peuvent admettre. L’insécurité c’est une vie de plus en plus aléatoire au regard de tous les dangers ou manigances de ce système industriel. Peut-on encore être assez naïf pour croire après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, l’affaire du sang contaminé, de l’amiante, de la vache folle, des OGM, des manipulations génétiques, etc.... que l’Etat et les industriels oeuvrent pour notre sécurité ? Certainement pas

A qui profite le crime ?

En vérité, la sécurité et la peur que suscitent toutes ces catastrophes s’avèrent être en fin de compte le meilleur justificatif de l’Etat et de son industrie et le meilleur moyen de convaincre la population à renoncer à tout changement conséquent. Si de cet état de fait désécurisant l’Etat et les industriels y ont une responsabilité indéniable, ce n est pas évident pour tout le monde et faut-il encore être bien informé des vrais problèmes, pas ceux du Paris Saint-Germain ou de la princesse de Monaco et des principaux responsables.

Faut-il encore que les personnes veuillent affronter la réalité en face. C’est ce qui nous fait écrire qu’aujourd’hui cette focalisation de l’insécurité sur la délinquance a l’avantage pour les dirigeants de culpabiliser les hommes et déresponsabiliser le système capitaliste.

Pour la population cette conception de l’insécurité liée à la délinquance signifie certainement le refoulement de tous ces dangers. Depuis la bombe atomique avec sa puissance de destruction, les individus ont été amenés à se résigner pour ne pas se rendre la vie insoutenable même si leur angoisse demeure. Leur peur est compensée par la hargne qu’ils portent au petit délinquant, à l’arabe, au voisin, enfin celui qui ne peut guère les inquiéter.

S’il n’y a pas de quoi être fier de ce genre de fuite, de faux fuyant, elle se comprend tout de même au regard d’une société en général qui semble avoir abdiqué toute résistance conséquente et cohérente, abandonné tout projet humain collectif. Car isolé, non organisé, c’est pur fantasme de penser pouvoir s’opposer au système actuel. À suivre.

Jacques de la CNT Essonne

CNT-AIT


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