Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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A PROPOS D’ANTON PANNEKOEK ET DU « COMMUNISME DES CONSEILS ».

vendredi 14 février 2003

Difficile lorsque l’on parle d’auto-organisation des luttes sociales, d’autonomie populaire et de conseils de travailleurs de ne pas s arrêter, ne serait-ce que succinctement, sur le travail théorique d’Anton Pannekoek.

D’abord, l’homme en lui-même est intéressant. Erudit, astronome renommé, il va suivre un parcours politique très critique. Au début du XXe siècle, il est membre de la social-démocratie hollandaise et a de nombreux contacts avec la social-démocratie allemande. Peu à peu, il va s’éloigner du "socialisme" réformiste et parlementaire.

Interpellé par les luttes qui se radicalisent et s’autonomisent surtout à partir de 1910, il voit dans l’action quotidienne et auto-organisée des masses le moyen d’aboutir à la transformation sociale. Déjà classé à gauche de la social-démocratie, il se radicalise donc et devient de plus en plus révolutionnaire.

Durant la 1ère guerre mondiale, il est de ceux, et ils furent trop rares, qui restèrent fermement attaché aux principes de l’internationalisme. La rupture avec la social-démocratie est alors consommée. C’est désormais avec les groupes radicaux que Pannekoek travaille.

L’année 1917 voit la révolution s’imposer en Russie. Pannekoek la soutient. En 1918, c’est l’Allemagne qui s’embrase. Défaites militaires, privations, grèves, manifestations de rue, mutineries, agitation endémique débouchent en fin d’année sur une situation insurrectionnelle et révolutionnaire. Les conseils d’ouvriers et de soldats se multiplient rapidement.

Encore inexpérimentés et surtout trop souvent dominés par la social-démocratie qui suit le mouvement pour mieux le juguler, le mouvement des conseils échoue même si, jusqu’en 1921, la situation reste très chaude.

Proche, au début, de la IIIème internationale, Pannekoek s’en éloigne bientôt. Le mépris des bolcheviks pour les masses, leur prétention à imposer leur vues à toutes les sections de la IIIème internationale, leur défense du parlementarisme, le caractère bourgeois, bureaucratique et étatique de plus en plus marqué de la révolution russe, la conception léniniste de l’organisation... autant de choses qui amenèrent Pannekoek à rompre avec le bolchevisme et à rallier les courants dits "extrémistes" partisans du "communisme des conseils", c’est à dire d’un communisme :
-  qui ne s ’incarne pas dans l’Etat ( et pour cause ) mais dans les conseils ouvriers fédérés, expression de l’autonomie ouvrière.
-  qui ne s’appuie pas sur un parti d’avant-garde centralisé et militarisé mais sur l’action auto-organisée des masses prolétaires.
-  qui refuse parlementarisme, réformisme politique et syndical et tout type de délégation de pouvoir.

Tout cela présente bien des points communs avec notre communisme libertaire. Mais il y a aussi des différences. Surtout, en fait, en ce qui concerne la question de l’organisation. Les communistes des conseils, et parmi eux Pannekoek, concevaient souvent l’organisation comme devant être un réseau coordonné d’information et de débat entre groupes de propagande. Ceci nous semble, surtout au vu de la situation actuelle, nettement insuffisant.

Mais, au delà de ces convergences et de ces quelques différences, ce qu’il y a également d’intéressant dans le communisme des conseils, et cela l’oeuvre de Pannekoek le reflète bien, c’est une certaine optique, une certaine manière d’aborder et d’analyser les choses. Le problème de la transformation sociale y est en effet abordé sous l’angle de la lutte des classes réelle, dans le cadre des conditions pratiques de la lutte, conditions imposées par la forme que prend le capitalisme à un moment et à un endroit donné. Il s’agit donc d’une pensée révolutionnaire évolutive et non doctrinaire. Etant bien entendu que ce caractère évolutif n’est en aucun cas de l’opportunisme. Fondamentalement, cela signifie qu’un mouvement qui se veut révolutionnaire ne le sera vraiment que s’il est capable de promouvoir des formes d’organisation et de luttes adaptées à la situation sociale face à laquelle il se trouve. Cela passe, entre autres, par une critique serrée des formes de luttes et d’organisation passées.

"Evident " diront certains. Faut voir. Force est de constater que cela n’a rien d’évident lorsqu’on voit dans quelles compromissions et capitulations, dans quelle inefficacité pratique, dans quelle bouillie idéologique, dans quel infantilisme baigne la quasi totalité des organisations dites révolutionnaires, fussent-elles "anarchistes".

On ne s’étonnera donc pas de ne pas trouver dans la pensée de Pannekoek, et en particulier dans son ouvrage majeur "Les conseils ouvriers" ,de recettes miracles et de vérités absolues. En fait, dans ce livre, écrit de 1942 à1947, Pannekoek s’est attaché à tirer les enseignements d’une période de lutte alors déjà terminée ( celle qui couvre I’ "entre deux guerres" en Europe ) et à dégager les traits et principes fondamentaux qui caractérisent l’auto-organisation de masses et l’autonomie populaire. C’est ce dernier point qui fait qu’il garde toute son actualité.

En résumé, c’est avec profit que l’on lira le livre de ce marxiste hétérodoxe que fut Anton Pannekoek, un ouvrage qui incite à la réflexion sur la question de l’autonomie populaire, ce qui ne peut, à notre avis, qu’enrichir l’anarcho-syndicalisme. Tâche ardue mais nécessaire si nous voulons avoir un jour les moyens de nos désirs.


CNT-AIT



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