Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Derrière le mirage de la consommation, l’exploitation de pauvres par d’autres pauvres.

mardi 14 septembre 2010

Véritable conte de fée pour ses propriétaires et actionnaires, la société H&M est un cauchemar pour des milliers de personnes : les « petites mains » des sous-traitants qui risquent leurs vies dans des ateliers vétustes pour un salaire de misère, les designers sous pression qui travaillent à flux tendu en permanence, les vendeurs précaires soumis à un management inflexible et anti-syndical.

L’histoire commence en 1947 quand le Suédois Erling Persson, inspiré par un séjour aux États-Unis, fonde le magasin « Hennes » avec une devise : « Vendre de la mode féminine et de qualité à des prix imbattables. » Vingt ans plus tard, il rachète les magasins Mauritz AB, spécialisés en vêtements de chasse et pêche. L’enseigne Hennes & Mauritz, H&M, est née. Après s’être implanté en Allemagne et aux Pays-Bas dans les années 80, H&M est aujourd’hui une multinationale présente dans 37 pays, compte plus de 70 000 employés et près de 2 000 points de ventes. En 1998 était inauguré le premier magasin en France ; il y en a aujourd’hui plus de 130 [1]. En 2009, le chiffre d’affaires était de 11,87 milliards d’euros pour une marge opérationnelle [2] de 21,3 % et une valeur boursière de 38 milliards.

Le monde merveilleux d’H&M

En trois générations, la petite entreprise familiale est devenue un empire insatiable et incontournable. Dans un élan effréné d’uniformisation, les mêmes publicités s’étalent un peu partout dans le monde. Qui a oublié les panneaux 4 par 3 où s’affichaient en sous-vêtements Claudia Schiffer, Naomi Campbell ou Cindy Crawford ? Fort de ces campagnes putassières, H&M nous a fait croire qu’on pouvait devenir un top-model pour une poignée d’euros. Quand elle ne provoque pas l’hystérie pure [3], sa communication glamour à prix discount déclenche un désir compulsif d’identification aux images dont nous abreuvent les médias.

En s’acoquinant avec de « grands » noms de la mode grassement payés, le frippier confère à ses produits une touche de classe et de respectabilité. « C’est abordable, d’accord, mais c’est de la qualité. » Non content d’engendrer des « fashion victims  », H&M se veut aussi éthique, en s’interdisant par exemple d’utiliser la fourrure « par respect des animaux ».

Mais se prendre pour un top sans trop débourser a un prix. Car, hormis de proposer des fringues standardisées à toute la planète, H&M est avant tout à la pointe de l’exploitation humaine. Ses résultats financiers faramineux se font sur le dos des travailleurs. Les premières victimes de la mode sont les ouvriers du textile qui triment dans les ateliers de ses sous-traitants en Chine, en Inde, au Bangladesh, aux Philippines, en Turquie, en Italie, etc. Interdiction des syndicats, absence de contrats de travail, horaires hebdomadaires atteignant les 80 heures, salaires au rabais en dessous des seuils minimaux - quand ils existent -, conditions d’hygiènes et de sécurité désastreuses [4] ... la liste est encore longue. Quant à l’éthique, H&M s’était fait épingler en 1997 pour l’emploi d’enfants dans une usine des Philippines [5]. H&M, c’est tellement « fun » qu’ils font pire que Walmart, c’est dire. Ce dernier, géant US de la distribution, a cessé de travailler avec Garib&Garib justement en raison des mauvaises conditions de sécurité chez ce fournisseur. À croire qu’il y a une hiérarchie dans le cynisme capitaliste.

Ils peuvent néanmoins dormir sur leurs deux oreilles : ce n’est pas le pouvoir bengali qui fera en sorte que cela cesse. Face aux ouvriers qui manifestent pour un salaire mensuel de 5 000 takas (57 euros), la police veille et réprime. [Il a fallu de nouvelles émeutes cet été, avec des morts, des centaines de blessés, des dizaines de milliers d’ouvriers qui attaquent et brûlent leur usines d’esclavage pour que le gouvernement accepte de passer le salaire minimal à 37 euros par mois !!!].

Trime ! Consomme !

Afin de s’acheter l’immunité, H&M a donc versé 200 000 takas (environ 2 400 euros) aux familles des victimes. Une bien bonne blague quand le patrimoine professionnel des Persson est estimé à 13,7 milliards d’euros, la deuxième fortune de Suède après celle du fondateur d’Ikea. L’actuel PDG et fils du patriarche, Stefan Persson, s’est offert en 2009 pour 27 millions d’euros une résidence secondaire de 810 hectares dans la campagne britannique, avec manoir et terres attenantes.

Après les damnés du tricot vient la nuée des vendeurs qui s’agitent pour rendre les vitrines alléchantes et écouler la marchandise. Ici H&M déploie toute son ingéniosité pour décourager toute velléité de contestation. Le « turn-over » est la règle. Étudiants et jeunes diplômés soyez les bienvenus, plus vite vous partirez, moins vous nous mettrez des bâtons dans les roues. Derrière le masque de la simplicité et de la décontraction se cache un management impitoyable qui ne souffre pas l’opposition. Pression psychologique, fausses promesses, surveillance mutuelle, anti- syndicalisme, tous les moyens sont bons pousser le revêche vers la sortie, voire au suicide (6). Le tout, bien entendu, sur fond de flexibilité maximum pour des salaires-planchers.

[C’est ce qui est arrivé à Diego, licencié « pour l’exemple » au H&M de Madrid, et sans indemnités au motif d’une faute imaginaire. Cependant Diego ne s’est pas laissé faire. Il a contre-attaqué et ils ont organisé avec la CNT AIT des piquets devant différents magasins à Madrid mais aussi d’autres villes d’Espagne. Des actions de solidarité ont aussi été mené par le ZSP AIT en Pologne. Finalement Diego a obtenu une large indemnité et l’abandon du licenciement pour faute. [6]

Enfin, au bout de la chaîne il y a l’acquéreur, bien content de pouvoir s’habiller comme ses idoles et à bon compte. Son « pouvoir d’achat » est largement supérieur à n’importe lequel des 2 millions d’ouvriers bengalis du prêt-à-porter, mais il ou elle n’est pas plus riche ni pauvre que le vendeur en face. Juste le dernier maillon, celui qui permet à la machine de fonctionner.

Boycotter H&M est bien la moindre des choses. On peut également aller informer le chaland de ce qui se trame en coulisse, comme cela s’est passé à Varsovie, Alicante et ailleurs.

D.L.

D’après un texte des compagnons de la CNT AIT de La Sarthe

http://www.cntaitsi72.lautre.net

CNT-AIT SI 72

4 Rue d’Arcole

72 000 Le Mans

cnt-ait-si72@no-log.org


[1] -> http://fr.wikipedia.org/wiki/Hennes_&_Mauritz

[2] La marge opérationnelle ou marge d’exploitation correspond au rapport entre le résultat d’exploitation et le chiffre d’affaires.

[3] ->http://www.capital.fr/enquetes/succes/

[4] -> Depuis 2000, 230 personnes au Bangladesh sont décédées dans des tragédies similaires à l’incendie de Garib&Garib. http://www.cleanclothes.org/urgent-...

[5] Selon le Bureau International du Travail (BIT), 4,9 millions d’enfants de 5 à 14 ans travaillent au Bangladesh (Le Monde Magazine, 10 juillet 2010

[6] cf. ici notre tract pour la campagne de solidarité avec les travailleurs de l’industrie textile en lutte : Chez H&M tout est en solde, y compris les travailleurs ?


CNT-AIT



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