mercredi
12 mai 2010
Suite du texte : PRINTEMPS GREC : dans la spirale infernale du capitalisme
Bien que les informations qui nous parviennent sur la situation sociale en Grèce soient de deux sources, l’une médiatique et l’autre militante, elles laissent une même impression : celle de l’impasse dans lequel s’enferre le mouvement révolutionnaire.
Au-delà de la Grèce, cette situation interpelle tous ceux qui aspirent à de profonds changements de société dans le monde.
Au cours des événements de Décembre 2008, consécutifs à l’assassinat du jeune Alexandros Grigoroupolos, âgé de 15 ans, par un policier athénien, nous avions assisté dans ce pays à l’explosion d’une colère populaire largement inspirée par toute une mouvance anarchiste. Cette dernière a puisé sa force dans un travail de fond dans les quartiers notamment au travers de l’impulsion de dynamiques collectives et assembléistes et de la création de centres sociaux.
Aujourd’hui, le pouvoir Grec, face à cette situation pour lui périlleuse, a déployé les recettes les plus vulgaires de gestion de la révolte. Tout d’abord, et c’est fondamental pour mener à bien une telle manœuvre, un gouvernement de gauche a succédé à celui de droite. Ce gouvernement de gauche (répétons-le) prend des mesures antisociales absolument drastiques : coupes sombres dans les retraites, les salaires, les aides sociales, augmentation effrénée des prix... S’en suit un fort mécontentement. Entrent alors en jeu les institutions syndicales : leur rôle là-bas comme ici est de canaliser la contestation des salariés, de la fragmenter, d’appliquer des méthodes et des calendrier "d’action" dont l’objectif inavoué mais bien réel est d’essouffler la contestation des salariés.
Couronnant le tout, les médias diffusent en boucle le spectacle d’affrontements avec la police, pour bien finir de fatiguer tout le monde.
Cette stratégie étatique, qui rappelle celle des années 70 en France ou en Italie - avec les résultats que l’on connaît hélas - enthousiasme nombre de jeunes révoltés, éblouis par une mise en scène destinée justement à les aveugler !
Pourtant nous savons tous - ou nous ne devrions pas oublier - qu’un mouvement révolutionnaire libertaire ne peut exister sans de larges bases sociales. Or, ce que nous voyons en Grèce, c’est que, peu à peu, un abandon de ce travail de fond initial s’opère dans les courants révolutionnaires au profit d’un activisme largement relayé par les médias [1].
Pour le pouvoir, il s’agit de pousser ainsi les compagnons Grecs vers une voie de garage ultra-classique : celle de la "violence", pour mieux les réprimer ensuite. Si cette malheureuse évolution se confirme, la réaction ne tardera pas à se produire. Elle balayera d’abord les anarchistes puis, s’il le faut, les syndicalistes voire des politiciens de gauche bien qu’ils aient endossé chacun le rôle convenu que le pouvoir leur aura prêté. Le pouvoir n’a pas de cœur pour ses valets !
L’assassinat du compagnon Lambros Foundas, ce 10 mars 2010 dans la banlieue d’Athènes, par des policiers grecs est une illustration tragique de cette évolution. Si la marginalisation des courants révolutionnaires qui nous inquiète ne s’était pas déjà largement amorcée, nous aurions dû assister en Grèce à quelque chose de beaucoup plus formidable qu’en décembre 2008. Il n’en fût rien. Pire, comme s’il était habituel, normal qu’on assassine nos camarades, il n’y a eu que peu ou pas de réactions dans le monde [2].
Cette désaffection pour les idées d’organisation collective et assembleiste qui est en train de s’amorcer, en Grèce et ailleurs, a donc des conséquences vitales.
Plus que jamais, il s’agit de tirer les conséquences de cette leçon donnée par le pouvoir Grec : dans une période où ses plus hauts responsables économiques ont été convaincus de faux et usage de faux en écritures comptables, dans une période où les sphères dirigeantes sont en train de précipiter des couches entières de la population grecque dans une misère sévère, dans un contexte où des réactions populaires ne chercheraient qu’à s’exprimer d’une manière efficace et donc dans un contexte éminemment dangereux pour lui, le pouvoir Grec a su, pour l’instant, réduire la contestation à une pantomime totalement incapable de le remette en cause. Sa stratégie a beau être totalement éculée, elle marchera tant que les révolutionnaires ne feront pas du travail politique et social de fond leur priorité absolue.
Article d’Anarchosyndicalisme ! n°117 Avril-Mai 2010
[1] Voir par exemple le site de l’OCL qui n’échappe pas à la règle. Il est significatif que ce soit au-dessous d’un titre tonitruant "Combats de rue à Athènes" et tout à la fin d’un article tout à l’avenant, digne d’un correspondant de guerre, que les informations les plus constructives, et au demeurant relativement modestes, soient reléguées : Il s’agit, dans le Quartier d’Agia Paraskevi (Athènes) de journées organisées par l’assemblée générale du quartier. 500 personnes de tous âges y sont passées, ce qui est relativement limité dans un pays en ébullition. On y apprend que, « Au cours de la conversation, des gens du voisinage ont pris la parole et sont entrés pour la première fois en contact avec l’Assemblée du quartier, en disant qu’il est pour eux encourageant de constater l’existence d’une Assemblée populaire qui se situe en opposition aux formes actuelles d’organisation (conseil municipal, autres associations, etc.) ».
L’article lui-même souligne donc l’intérêt de la population pour les formes autonomes d’organisation... C’est dans ce sens que devrait porter l’essentiel de l’effort révolutionnaire.
[2] Pour ma part, je pense que l’avalanche de critiques qui s’est dernièrement abattue contre toute forme d’organisation a démontré ici son caractère franchement nuisible face à la nécessaire solidarité (ainsi, à Toulouse pas moins de trois manifestations de rue ont été organisées immédiatement en réponse aux événements de décembre 2008, mais toujours rien en soutien à ce qui se passe maintenant...).
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