Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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DANGER : FAIZANT DE GAUCHE !

jeudi 6 octobre 2005

Tout le monde connaît les dessins à l’humour caustique et glacial de Jacques Faizant dans le Figaro, fustigeant les syndicats qui manipulent les travailleurs et qui prennent le public en otage. On aurait pu craindre l’extinction de ce menhir de la pensé politique française avec sa disparition prochaine. Heureusement, l’excellent Charb, dessinateur de Charlie Hebdo de son état, a courageusement repris le flambeau. Qu’on en juge :

La société UTOPIA est une chaîne de cinéma d’art et d’essai implantée dans différentes villes de province et banlieue. Elle développe dans sa gazette un discours alternatif, fustige le capital et prend la défense des petits (cinémas) contre les gros (multiplexes). Ils appellent même parfois à voter Arlette, rendez vous compte !

Las, dans le cinéma de Toulouse, les conditions de travail, et notamment les conditions salariales, sont loin d’être à la hauteur des prétentions de cette entreprise citoyenne. Par exemple, les primes sont attribuées en fonction de critères que le Baron Seillière ne renierait pas : la conscience polititique qui - bien sur - doit être alignée sur celle du patron ... Et mieux que le lundi de Pentecôte, qui ne concernait qu’une journée, les salariés sont « invités » (sous peine de licenciement ...) à effectuer du travail bénévole pour l’entreprise ...

La CNT AIT, modeste syndicat de salarié, à donc fait ce que ferait tout syndicaliste en cette occasion : elle a dénoncé cet abus d’autorité patronale.

Bien entendu, ceci n’a pas été du goût de la direction de l’entreprise. Dans sa riposte, elle a demandé à l’humoriste Charb de faire des gribouillis dans sa gazette. Celui ci, en digne héritier « alter » de Jacques Faizan, fustige donc cette action syndicale qui bien entendu ne peut être qu’une manipulation des travailleurs par des gens mal informés, qui prend l’alter-public en alter-otage.

Alors, puisque l’ami Charb indique que nous n’avons pas vérifié nos sources d’informations, nous avons le plaisir de reproduire ci dessous des extraits de témoignage d’anciens salariés de l’entreprise Utopia. Nous tenons également à disposition les Règlements intérieurs et d’autres documents internes, pour ne pas être accusé de n’avoir qu’une seule version de l’affaire, celle des (ex) salariés en l’occurence. Ainsi, celui qui n’aime pas les gens mais semble par contre bien apprécier les patrons pourra se faire sa propre opinion et deviner qui manipule qui dans cette affaire.

Des lutteurs de classe


Extraits de témoignages d’anciens salariés d’Utopia :

« Comme à toute personne ayant fait des études de cinéma, Utopia me paraissait être le lieu de travail idéal : excellente programmation, respect des films, engagement politique, collègues sympas et cinéphiles... Quelle désillusion ou devrais-je dire « désutopie » ! La paranoïa, la délation, les lettres recommandées et les réunions sanctions faisaient aussi partie de cette aventure. La gazette est prompte à critiquer les autres entreprises, cela tend à masquer la réalité du travail dans ce cinéma : des idées incongrues sur une nécessaire dévotion à Utopia, des heures non comptabilisées dans le temps de travail, des idées politiques que les salariés doivent pouvoir justifier auprès des spectateurs et surtout aucun droit à l’erreur sous peine de recevoir une lettre recommandée. Ma déception dans ce cinéma a été immense, j’ai quitté Utopia à la fin de mon contrat sans vouloir discuter avec mes employeurs d’une éventuelle reconduction, j’ai fui sans me retourner. (...) » Héloïse

« J’étais une Utopiste convaincue lorsqu’en mai 2004 les directeurs d’Utopia m’ont proposé d’embarquer pour une aventure salariée de six mois. Nous nous connaissions mieux depuis un certain temps puisque nous avions créé l’association des Utopistes Associés ensemble et j’en étais alors la vice-présidente.(...) J’ai trouvé cette opportunité extraordinaire. (...) Malheureusement (et le mot est faible ...), j’ai vite déchanté. (...) Le fait, ensuite, de ne pas avoir notre salaire complet un mois paraît anecdotique ; mais il est important de souligner que lorsque ça nous est arrivé, nos patrons si engagés dans la cause des salariés nous ont reproché en réunion d’être mesquins, de nous monter la tête pour ce genre de détails. Mesquinerie, que de nous soucier de savoir si nous allions pouvoir payer notre loyer en début de mois ou donner à manger à nos enfants lorsque nous ne gagnons que 1100€ par mois ? Mesquinerie, que de leur dire qu’en tant que patrons d’entreprise, ils ont des devoirs envers leurs salariés, surtout quand le salaire n’est pas versé pour la simple et unique raison qu’en août le comptable est en congés, et qu’ils n’ont pas prévu un évènement qui se répète chaque année à la dite période ? (...) » Anne

« (...) Une collègue venait de quitter l’entreprise avec une balance horaire déficitaire lorsque je me suis moi-même retrouvée avec environ 70 heures à rattraper. Ce cumul s’explique de deux manières : contrairement à la législation sur l’annualisation du temps de travail, l’entreprise ne remettait pas les balances horaires à zéro au 31 août de chaque année et pendant de nombreuses semaines on ne m’a pas fait travailler un minimum de 35 heures. Cela a eu des répercussions physiques et morales : j’ai dû enchaîner des semaines de travail supérieures à 35 heures (parfois supérieures à 42 heures sans avoir été rémunérée en heures supplémentaires). L’impossibilité d’organiser ma vie personnelle m’a contraint à un état d’isolement auquel s’est ajouté un état de grande fatigue (le temps que je ne passais pas à travailler, je le passais à dormir pour récupérer). (...) » Christine « Je garde, fort malheureusement, un pitoyable souvenir de mon court passage dans la SARL Utopia. C’est avec regret que j’ai constaté très vite à quel point ses créateurs et dirigeants faisaient peu de cas des conditions de travail et de vie de leurs salariés. Et ce, en contradiction complète avec les discours lénifiants et les effets de communication dont ils se sont fait une image de marque. (...) Les fonctions les plus pénibles se révélèrent vite être celles du ménage : aspirateur, poubelles, serpillière dès 6 heures du matin, m’obligeaient à me lever à 5. Tout cela bien sûr pour un SMIC. A cela, vinrent se rajouter, hors du temps de travail, hors rémunération : la relecture des gazettes (pour les volontaires !), leur distribution auprès des commerçants, le démarchage pour de nouveaux emplacements de relais gratuits à cette même gazette, la mise en place de publicité dans les rues pour le lancement d’Utopia Tournefeuille, l’organisation de futures rencontres avec des metteurs en scène, ces rencontres elles-mêmes, une réunion par mois de 4 heures minimum. Au total, mon ’/4 de temps finissait par devenir un bon mi-temps sans rémunération appropriée. Si l’on comptait frais de déplacement, parking, nourriture... je finissais aussi par perdre de l’argent en travaillant et surtout... beaucoup trop de temps ! (...) » Christian

« On sait pourquoi on souhaite travailler à Utopia. Sous peu, on sait tout autant pourquoi on souhaite en partir. Dans mon cas, sept mois auront suffit. (...) Les plannings ont été une des principales sources de conflits. Modifiés chaque semaine, ils nous étaient souvent remis le dimanche soir pour la semaine à venir, ce qui rendait pour le moins difficile l’organisation de notre vie personnelle. A plusieurs reprises, il est arrivé que la durée minimale de repos entre deux jours travaillés ne soit pas respectée. Régulièrement, nous avons évoqué ces problèmes au cours de réunions, ce qui ne manquait pas d’exaspérer nos responsables. Selon eux, cela n’était dû qu’à notre évidente mauvaise volonté (je laisse à d’autres le soin d’évoquer l’épisode de la psychothérapie de groupe). » Guillaume

« J’ai été opérateur projectionniste à Utopia pendant 2ans et demi. A l’ouverture des salles de Tournefeuille, les conditions de travail se sont profondément altérées. Très vite, les emplois du temps sont devenus impossible à établir et n’étaient connus que quelques jours à l’avance. Cela a créé d’énormes tensions dans le personnel. (...) La demande incessante d’investissement et de volontariat pour l’essor de l’entreprise a définitivement fâché beaucoup de salariés. Consciente de ces gros dysfonctionnements, la direction a proposé en réunion une psychothérapie de groupe financée par les primes annuelles des salariés (...). » Yane

« Je me souviens que pendant longtemps il m’a été impossible de terminer une journée de travail à l’heure prévue par l’emploi du temps ; non parce que je ne m’étais pas acquittée de mes tâches mais parce que j’étais habitée par le sentiment de ne jamais en faire assez. J’ai compris plus tard que ce sentiment de culpabilité ou mauvaise conscience m’était insufflé par le discours ambiant et les apartés de certains dans l’équipe tendant à sanctifier le travail désintéressé. Une manière pour Utopia de s’attirer le dévouement de ses salariés. (...) » Stéphanie

Syndicat Interco Paris Nord CNT-AIT

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