Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Petit bilan sur la lutte pour le logement décent pour tous à Levallois :

De la lutte pour le logement à la lutte des places...

dimanche 29 avril 2007

Suite à l’expulsion sans relogement en Novembre dernier de 17 personnes de Levallois, des jeunes de cette ville s’étaient organisés spontanément en solidarité avec leurs camarades de lycée expulsés et leurs familles. Depuis, le Mouvement Solidaire pour le Logement (MSL) organise régulièrement des rassemblements devant la Marie de Levallois, pour exiger de la Mairie que les familles soient relogées sur Levallois, là où elles ont leurs amis, leur famille, leur travail, leur école. (cf. notre numéro précédent). Ce texte a pour objet de faire le point sur la dynamique de lutte après 4 mois de mobilisation, et de réfléchir sur notre articulation - ainsi que sur celle des autres organisations politiques - avec un mouvement qui se veut pourtant autonome.

Bilan de la lutte et de la mobilisation en ce debut de printemps

Le MSL, regroupement informel, s’est mis en place spontanément l’hiver 2006, suite à une réaction de révolte face à une injustice qui touchait directement les amis des personnes impliquées. Il s’agissait d’un geste de solidarité concrète et directe. Toutefois, avec le temps, cette situation a évolué : une famille expulsée en novembre a effectivement accepté - de guerre lasse - le relogement précaire qui lui a été proposé dans une ville périphérique de Levallois, les autres occupants ayant quant à eux disparus dans la nature. Ainsi, la revendication concrète de solidarité pour ces familles là s’est peu à peu estompée, pour devenir une revendication générale d’un droit au logement décent pour tous sur Levallois. Ce qui a permis par ailleurs à de nouvelles personnes, confrontées au même problème, de rejoindre le mouvement. Si de nombreux jeunes ont participé aux premiers rassemblements de solidarité du MSL, par la suite ce nombre s’est réduit et seuls les plus mobilisés continuent de venir. Deux raisons peuvent expliquer cela : d’une part, le fait que la lutte ne concerne plus un cas particulier qui touchait directement les amis de ces jeunes ; d’autre part, le fait que la mobilisation politique « classique », à coup de rassemblement et de tracts, ne fait pas partie de leur univers. Ceci dit, on ne peut qu’être impressionné par la ténacité et l’énergie de ceux qui restent mobilisés autour du MSL. Beaucoup d’adultes auraient jeté l’éponge avant eux... Surtout qu’ils se trouvent face à P. Balkany, lequel ne lésine pas sur les moyens d’intimidation policiers pour essayer de briser leur résistance. Il n’est pas rare que certains membres du MSL se fassent contrôler par la police de façon répétée dans la même journée. Et les rassemblements du MSL donnent lieu à chaque fois à un déploiement policier disproportionné.

Cette évolution dans l’objet des rassemblements s’est aussi accompagnée d’une évolution dans l’attitude des organisations politiques à leur égard.

Un mouvement autonome... mais sous surveillance

Dans un premier temps, le MSL avait rédigé un petit tract court, clair, avec des revendications unifiantes : droit pour un logement décent pour tous à Levallois. Ce texte avait été soumis à toutes les organisations politiques et syndicales, pour leur proposer de le relayer en le cosignant. En ce qui nous concerne notre position a toujours été la même : accord plein et entier pour relayer et soutenir la lutte dans la limite de nos petits moyens. Mais en ce qui nous concerne, nous avons demandé expressément à ce que notre nom ne figure pas sur le tract. En effet, la solidarité n’a de sens que si elle est désintéressée. Il ne s’agit pas de se servir d’un mouvement pour faire la publicité de son organisation.

Ainsi, les tracts n’étaient donc pas signés par d’autres groupes que le MSL. De même lors des rassemblements, il était demandé de ne pas afficher de badges ou d’autocollants d’affiliation, de façon à conserver l’unité dans la lutte, sur les revendications de principe d’un logement décent pour tous. Certes, on sentait bien que du côté des partis politiques ça grinçait un peu des dents mais l’autonomie du MSL était respectée.

Courant février, les rassemblements du samedi ont été rejoints par de nouveaux militants d’un parti politique découvrant la lutte plus de deux mois après son démarrage. Ceux ci ont alors commencé à prendre en main l’organisation des rassemblements, pour leur donner une configuration plus « classique ». Les autres partis politiques présents ont de suite vu le profit qu’elles pouvaient tirer de ce nouveau rapport de force. Le principe d’unité qui régnait jusque là a été abandonné, le MSL ayant vocation à devenir un collectif duquel il y a fort à parier que les individus qui le constituaient vont être progressivement mis en minorité au profit des partis politiques [1]. Ainsi, les tracts sont désormais cosignés « avec le soutien de » et suit une floppée d’organisations, dont on ne verra finalement toujours que les mêmes personnes aux rassemblements (preuve que le fait d’ajouter des signatures ne fait même pas venir les militants des dites organisations signataires... Alors comment espérer que cela parviendra à mobiliser l’immense majorité des gens que les partis politiques révulsent ?)

Les arguments qui ont été avancés pour ce changement ont été ceux de la reconnaissance par le MSL de l’appui apporté jusque là par ces organisations : tirage de tracts [2], déclaration des rassemblements,... Comme on le voit on n’est finalement plus du tout dans un rapport de solidarité - geste gratuit par excellence - mais dans un rapport de soumission. Fin de l’autonomie.

Tres cheres elections

Il faut croire que, en ces temps d’élections, l’image d’un groupe autonome, se battant sur ses bases propres et hors des schémas politiques classiques n’était pas souhaitée par les organisations politiques. Oh oui, ils sont tous pour la démocratie citoyenne, participative, etc.... mais à condition que ce soit eux qui dirigent...

C’est pourquoi il fallait faire passer le MSL au second plan, afin qu’il laisse le champ libre aux partis pour que chacun - en ordre dispersé et dans la plus grande division - puisse faire sa petite campagne pour les présidentielles (dont on sait que le logement est un enjeu), et plus encore dans la perspective des prochaines législatives et municipales. L’enjeu du pouvoir est ici très vivace et sensible.

Les partis politiques nous ont reproché d’être contre l’organisation. Au contraire ! Nous sommes des partisans de l’auto-organisation. Et ce groupe de jeunes, qui se bât avec courage et force depuis plus de quatre mois montre que l’on peut très bien s’organiser sans les partis politiques, sur des bases autonomes collectives. La question n’est pas de prendre le pouvoir - fut il local - mais bien d’appuyer le développement des capacités propres des gens à prendre en charge leur propre destinée. La valeur n’attendant pas le nombre des années, nous sommes confiant que cette expérience de Levallois y aura contribué.


[1] Certes des syndicats sont aussi de la partie, mais leurs représentants s’affichant également membres des mêmes partis politiques on voit qu’en fait tout reste en famille ...

[2] Ce qui est au passage particulièrement mesquin car ces organisations patentées oublient qu’elles n’ont pas été les seules à tirer des tracts. En ce qui nous concerne il est hors de question de monnayer notre soutien contre un quelconque avantage en notre faveur.


CNT-AIT



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