Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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SERBIE :
Les conflits de classe sont un aphrodisiaque pour la communication

Tuesday 9 September 2003

Ces derniers temps en Serbie, politiciens et bureaucrates syndicaux semblent beaucoup s’intéresser à l’anarcho-syndicalisme.

C’est ainsi que Dusan Mihajlovic, ministre d’Etat de la police, a, en public, demandé pourquoi un camarade de l’Initiative Anarcho-Syndicaliste avait été libéré au bout de trois jours lors de l’état d’urgence. Il s’en est aussi pris à quelques gros hebdomadaires qui avait parlé de l’IAS de cesser de le faire car avec ces articles " ils transformaient les anarchistes en héros " et que " la dernière chose dont on a besoin, c’est d’anarchistes ".

Dragan Milovanic, ministre d’Etat du travail, a prononcé un discours télévisé contre l’anarcho-syndicalisme.

Aleksandre Vlahovic, ministre d’Etat aux privatisations, a présenté devant les caméras de télévision sont rapport annuel sur la privatisation. Il a indiqué que la privatisation se passe bien mais que " des groupes subversifs anarcho-syndicalistes distribuent leur journaux, poussent les ouvriers à la grève, chassent les investisseurs étrangers et tentent de renvoyer le pays vers le moyen-âge ".

Miljenko Smiljanic, secrétaire général de la Confédération des Syndicats Autonomes de Serbie, la plus grande centrale syndicale, a affirmé que si le gouvernement refusait de signer un accord avec lui, on risquait d’assister " à un développement de l’anarcho-syndicalisme ". il faut dire que plusieurs syndicats adhérents à cette confédération sont en contact avec l’IAS, et que ce bureaucrate craint de perdre des adhérents.

Pour répondre à ces calomnies, le groupe de Belgrade de l’IAS a écrit le texte suivant, publié le 10 juillet dans le plus grand hebdomadaire de Serbie, le " NIN " (journal d’information hebdomadaire). C’est certainement, depuis la création de ce magazine en 1935, la première fois qu’un texte signé par un collectif, et non par un individu, est publié.


Récemment, il est beaucoup question d’anarcho-syndicalisme, et le plus souvent on en parle sur la base de préjugés ou d’idées intentionnellement fausses. Nous ne sommes pas surpris par le peu d’éducation et le haut degrés d’ignorance des membres du gouvernement. Leurs responsabilités et leurs connaissances éclatent au grand jour, mais jamais ils ne prennnent leurs responsabilités ; par contre, nous sommes enragés de voir que des représentants auto-proclamés des travailleurs, les bureaucrates syndicaux, racontent des choses insensées en public, et font le travail du gouvernement en lui donnant " la main de la réconciliation ".

Durant ces derniers mois, monsieur Milenko Smiljanic [1], président de la SSSS, a constamment mis en garde le gouvernement serbe que, s’il refusait de coopérer avec lui, il devrait faire face à une radicalisation des protestation, à la création d’anarcho-syndicats, et enfin, à une fou déferlement des masses.

Pour tous ceux qui connaissent un peu les positions des anarcho-syndicalistes, que ce soit ici ou ailleurs dans le monde, il est clair que nous sommes en face d’une propagande bon marché, faite par un bureaucrate dont les positions sont sérieusement ébranlés par des adhérents insatisfaits et excédés. Les anarcho-syndicats n’ont jamais et nul part propagé la violence gratuite et l’émeute dans les rues. Ce que nous disons depuis longtemps, c’est que si nous parvenons à obtenir nos droits de façon civilisée, nous ne sommes pas prêts à accepter les barbaries et que nos vies soient modelés selon leur bon plaisir. Au contraire, nous devons alors réagir de la seule façon qu’ils comprennent. En ce sens, Smiljanic a tout à fait raison de défendre les ouvriers de Kragujevac qui s’en sont pris violemment aux représentants du gouvernement [2] : si il est facile pour les politiciens de continuer leurs activités criminelles, l’ouvrier licencié après des années de travail, lui, n’a plus aucune perspective dans cette société. Notre idéal est une société sans violence. Notre but est une société libre d’individus responsables, égaux et solidaires. Durant toutes les guerres passées, des anarcho-syndicalistes ont été diffamés, arrêtés, torturés et assassinés pour leurs anti-militarisme. Nous ne sommes vraiment fétichistes de la violence. Mais cela ne signifie pas que nous allons nous asseoir, les mains sur le cul, et accepter que nos vies se dégradent sous le rouleau compresseur des privatisations. Nous utilisons tous les moyens à notre disposition, qui ne sont pas en contradictions avec notre éthique et qui peuvent servir les travailleurs et autres opprimés, pour arriver à nos fins. Quoiqu’il en soit, laissez nous retourner la question, laissez nous interroger l’Etat et les patrons sur ce qu’ils pensent de la violence. Qui commence les guerres et pourquoi ? Qui utilise la police à l’encontre de ceux qui pensent autrement ? Qui envoie des vigiles et des gardes du corps lorsqu’il veut reprendre par la force les usines occupées par les ouvriers ? Qui propage et met en place un modèle économique qui pousse des millions d’êtres humains dans une constante exploitation ? C’est ça la violence, une violence très évidente et très brutale. Mais, c’est la violence qu’utilisent les patrons et politiciens pour que leurs intérêts soient intouchables.

Les bureaucrates syndicaux mettent en garde le gouvernement sur " l’anarcho-syndicalisme ", afin de gagner les sympathies du gouvernement et de défendre leurs privilèges obtenus par les négociations et la pacification des ouvriers. Nous n’espérons pas des politiciens qu’ils aient une haute opinion de nous, nous n’avons que faire de ce qu’ils pensent (si jamais ils pensent), mais une des raisons pour laquelle les bureaucrates syndicaux tentent de diffamer et de rejeter nos méthodes dans la lutte pour les droits des ouvriers est intéressante : des adhérents désappointés des " grands " syndicats, face aux fossiles de la bureaucratie syndicale et aux montagnes de mensonges, commencent à quitter massivement leurs centrales syndicales. Comprenant progressivement l’inefficacité des syndicats hiérarchisés et autoritaires, plusieurs unions locales et régionales de la SSSS ont pris contact avec notre syndicat. Chaque être humain civilisé et responsable comprend qu’il est clair que sa voie sera mieux entendue dans des syndicats non-hiérarchiques, fonctionnant sur la base de la démocratie directe, où les décisions ne sont prises que par les adhérents, et pas par des bureaucrates, payés par ceux d’en haut, et qui n’ont pour cela pas les mêmes intérêts que ceux qu’ils sont sensés représentés.

Contrairement aux principales confédérations, dans notre syndicat, les décisions de sont prises ni par les leaders (SSSS), ni par le gouvernement serbe (ASNS) ni par des fonds étrangers (Nezavisnost) mais uniquement par les adhérents [3]. Nos statuts ne permettent aucune autre option dans la prise de décision.

Lors de la marche de protestation du 25 juin, Smiljanic et sa clique ont constamment tenté de nous séparer des autres manifestants, même si ils devaient donner des réponses affolées aux ouvriers qui voyaient les vraies raisons de leur comportement. (...)

Nous allons répéter ce qui est à la base de notre action. Nous n’avons choisi d’attaquer personne. Nous vivons tous cette guerre permanente de l’Etat contre la société et des patrons contre les travailleurs. Cela apparaît clairement dans les relation de l’Etat vis-à-vis des médias [4]... Nous répondons à ces attaques. Nous nous défendons. La société peut organisé sa résistance de différentes façons, mais la seule façon d’en finir une fois pour toute avec cette société d’exploitation, le pouvoir d’humains sur d’autres humains, la souffrance, la douleur, la pauvreté et les mensonges, consiste en l’organisation, ici et maintenant, de syndicats révolutionnaires qui ne cesseront le combat qu’une fois que nous vivrons dans la liberté.

Cela signifie que nous n’avons pas besoin d’un nouveau Walesa ou d’un autre bureaucrate qui renforcera sa position avec l’Etat, sur le dos des ouvriers. Aussi, conscients des origines et des moyens qui nous ont mis dans cette situation humiliante, il est clair pour nous que nous refusons de nous interroger sur des questions comme quel parti doit être au pouvoir ou s’il faut collecter des signatures pour tel politicien contre tel autre. Est-ce que le changement de gouvernement peut amener quoi que ce soit d’important aux travailleurs ? Combien de fois faut-il expérimenter que l’on ne peut porter notre confiance sur des politiciens ? Les politiciens et les patrons travaillent ensemble pour défendre leurs privilèges. Laissons les à leurs querelles, et concentrons nous sur nos buts : une vie meilleure ici et maintenant. Devons nous protester dans les rues ? Bloquer les routes ? Occuper les usines jusqu’à ce que nos revendications soient satisfaites ? Demander la journée de quatre heures ? La grève générale jusqu’à la satisfaction de tous nos objectifs ? Quelqu’un peut-il nous interdire ces actions ?

Un régime dictatorial a d’ores et déjà été renversé par ces formes d’actions, et un autre s’est servi du chaos pour accéder au pouvoir. Nous ne devons plus jamais laisser les politiciens et les patrons utiliser nos luttes pour leurs propres buts. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle coopération avec les partis politiques. Nous n’avons pas besoin de leur soutien. Pour la création de nouvelles relations sociales, égalitaires et non-hiérarchiques entre les êtres humains, comme pour tous les apports positifs de la civilisation que nous avons obtenu contre les forces sombres de l’obscurantisme, nous n’avons pas besoin de chefs ou de leaders, mais juste d’un peu de respect mutuel. Les " penseurs " post-modernes tentent de nous convaincre que nous vivons dans une époque où les idéaux ne représentent plus rien. Nous n’embrassons pas cette idée, car en acceptant une telle conception, le genre humain devrait considérer que les faibles créatures qui dans l’histoire n’ont recherché que la satisfaction de leurs petits intérêts égoïstes auraient eu raison.

Avant toute chose, nous luttons pour la dignité humaine.

Groupe local de Belgrade de l’Initiative Anarcho-Syndicaliste

Pour tout contact :
Secrétariat International: is@inicijativa.org

Article de HOBOCTb, Numéro double, N°14/15 été/sept 2003

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Mail (nouvelle adresse) : novost@no-log.org


[1] Leader de la plus grande centrale syndicale de Serbie, la Confédération des Syndicats Autonomes de Serbie (SSSS en serbo-croate), syndicat officiel de l’appareil d’Etat yougoslave à l’époque titiste, puis syndicat qui a apporté son soutien à Milosevic pendant son régne.

[2] Les ouvriers de l’usine de voitures et de fusils " Zastava " à Kragujevac ont tenté de cogner le ministre des finances lors de sa visite.

[3] L’ASNS est le syndicat jaune du gouvernement serbe, son dirigeant est le ministre du travail ; Nezavisnost (indépendance) est un syndicat très lié à l’AFL-CIO américaine.

[4] Le gouvernement serbe a récemment lancé des poursuites judiciaires contre plusieurs magazines (dont NIN) et stations de radio et de télé qui ont critiqué son oeuvre.


CNT-AIT



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