samedi
20 octobre 2001
Avec l’effondrement du bloc communiste et la mondialisation, nous étions, paraît-il, parvenus à la "fin de l’histoire".
Cette expression, qui se voulait hautement intellectuelle par ses références (en particulier au marxisme), n’était que la nouvelle version de l’éternelle devise de la soumission : "les choses sont comme ça, et on n’y peut rien changer".
Ceux qui nous ont bassinés pendant près de dix ans avec cette "fin de l’histoire" nous assomment maintenant avec le discours inverse : depuis le 11 septembre, nous aurions basculé dans une nouvelle phase historique car "des choses impensables sont arrivées". "Rien ne sera plus jamais comme avant" répètent-ils à l’envi. Et on nous présente des événements -des faits de guerre- qui sont hélas d’une grande banalité, comme exceptionnels, uniques dans l’histoire.
Il n’est pas facile de prendre du recul, englués que nous sommes tous dans la diarrhée verbale dont nous inondent les médias. Pourtant cette hygiène mentale est plus indispensable que jamais.
Quel est l’unique discours ? Il sort de la bouche de Georges Bush junior et se trouve décliné, suivant les moments, en un combat titanesque de la civilisation contre le moyen-âge, de la démocratie contre la barbarie, du vrai Dieu (celui qui guide Bush) contre le faux (celui de l’islam), du Nord contre le Sud... Bref, vous le savez tous, il s’agirait ni plus ni moins que de "la lutte du Bien contre le Mal"... Ce qu’un grand journal international ramenait dans un gros titres à "la guerre des pauvres contre les riches", avec ça que ce sont les riches qui incarneraient la civilisation, le droit, la démocratie ; tandis que les pauvres se vautreraient avec jubilation dans la barbarie et le despotisme.
Ramener le présent de l’humanité à des affirmations aussi simplistes, aussi démagogiques et aussi fausses prouve simplement que le personnel politique occidental n’est pas, lui non plus, prêt de sortir du moyen-âge de la pensée, et que, de plus, il nous prend pour des amnésiques.
Comment pourrions-nous en effet croire que l’état US incarne "la démocratie" et "le droit" ? Depuis 50 ans, pour ne remonter qu’à la dernière guerre, pendant que l’URSS entretenait son propre réseau d’oppression, les USA ont soutenu des dizaines de dictatures, plus cruelles les unes que les autres, en Europe, en Amérique Latine, en Asie tout comme en Afrique. Très souvent même, ils les ont suscitées. Toujours et partout, ils ont fait passer leurs intérêts économiques avant les intérêts des populations autochtones. Et ils ne se sont laissés émouvoir ni par les cris des torturés ni par le sang des massacrés. La liste est trop longue. A commencer par Franco, l’allié d’Hitler et de Mussolini, devenu rapidement l’allié privilégié des USA. Sans oublier Salazar au Portugal et la sanglante dictature des colonels en Grèce. Quant à l’Amérique du Sud, c’est à un véritable massacre que les USA se sont livrés : Uruguay, Argentine, Chili... les assassins étaient entraînés, encadrés par des yankees, et les coups d’Etat planifiés directement à Washington. Et qui a passé le Viet Nam au Napalm, qui a bourré le Cambodge de mines anti-personnel, fait crever de famine les enfants irakiens ? Qui a soutenu l’apartheid en Afrique du Sud ? Qui le soutient en Israël ? Et qui peut penser sérieusement qu’à l’intérieur même des USA, un hispanique, un noir, un pauvre, sont traités à égalité avec un riche ? Où est la démocratie là-dedans ? Où est la justice ?
Comme le disait sur France Info tout récemment la mère d’un enfant mort sous les bombes de l’OTAN à Belgrade en 99 : "Pour nous, il n’y a pas eu de minute de silence. La mort de mon fils, ils l’ont classée dans les dégâts collatéraux". Cette différence dans le traitement des victimes m’est insupportable. La chair est la chair. Un être humain est un être humain. La douleur est la douleur. Elle ne se rachète pas, ne s’additionne pas, ne se soustrait pas. Elle est toujours individuelle, personnelle. Que ce soit dans les tours de Manhattan, dans la bande de Gaza ou en ex-Yougoslavie, une rafale de mitraillette, une bombe, un effondrement, pour l’être humain qui en subit les conséquences, c’est pareil. Je ne me réjouis d’aucune mort, de la souffrance d’aucun individu. Au-delà des simagrées hypocrites, je partage d’autant plus sa douleur que je sais intimement que chaque être humain est mon égal. Mais, justement pour cela, je suis ulcéré par la différence des traitements : victimes d’un côté, simples dégâts collatéraux de l’autre. Je ne marche pas.
X.F.
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