Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

[ Imprimer cet article ] [ Envoyer cet article ] [ Nous ecrire ]



UNE HORREUR SANS FIN OU LA FIN DE L HORREUR

Article du Combat Syndicaliste / Octobre - Novembre 2001

samedi 20 octobre 2001

Deux impérialismes face à face. D’une part, le capitalisme occidental technologique et d’autre part, un capitalisme à vocation spirituelle qui retourne contre son adversaire ses propres armes.

Depuis que la guerre existe, le moral est essentiel pour permettre à l’être humain d’endurer les souffrances qu’elle entraîne. Comme l’ont exprimé tous les stratèges, c’est la force d’âme qui permet aux hommes d’affronter les terribles épreuves de la bataille en se servant au mieux des armes à leur disposition. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui que le potentiel destructeur issu de la technologie civile ou militaire est épouvantable. Plus que l’effet militaire ou financier, c’est la recherche du choc psychologique qui domine l’action du 11 septembre. La guerre moderne, basée sur la terreur, est destinée à faire craquer l’arrière. Des deux camps qui s’affrontent aujourd’hui, l’un a montré ses faiblesses et l’autre sa force et a indubitablement remporté une première victoire. La riposte du capitalisme occidental, menée par les USA, est-elle en mesure d’effacer le traumatisme de la population occidentale ? Cette population est déjà fragilisée par des valeurs et des comportements induits par l’idéologie capitaliste moderne. Mais, quel que soit le camp qui sortira vainqueur de la prochaine bataille, il nous promet d’autres batailles, l’horreur sans fin. Pour en finir avec l’horreur, seul le rejet du mode de développement, le rejet du capitalisme, qu’il repose sur des thèmes modernes ou rétrogrades, permettront à l’humanité de sortir de l’impasse.

La recherche du choc psychologique : De l’équilibre de la terreur au terrorisme des déséquilibres

Depuis la deuxième guerre mondiale, les bombardements massifs de villes deviennent une option militaire. La cruelle démonstration des bombardiers incendiaires à Dresde et surtout de l’US Air Force à Hiroshima et Nagasaki, tout comme les massacres de Sétif en Algérie (1945), montrent comment les états et les militaires considèrent les civils. L’affrontement des deux blocs impérialistes Est-Ouest reposait sur l’équilibre de la terreur, la prise en otage de populations civiles. Ceci est par définition une tactique fondamentalement terroriste. Le secrétaire d’Etat à la défense américaine, dès 1945, exprimait en ces termes le but recherché par l’arme nucléaire : "J’ai senti que pour obtenir de l’empereur (du Japon) et de ses conseillers militaires une reddition sincère, il fallait leur administrer un CHOC TERRIBLE..." Depuis 1945, c’est la population civile mondiale qui fournit la majorité des victimes, car c’est sur elle que l’on cherche à obtenir le plus grand choc psychologique possible pour obtenir la victoire. Les chefs d’état, eux, sont épargnés. Ainsi l’empereur du Japon, Hirohito, deviendra, de la fin de la guerre jusqu’à sa mort, le protégé des dirigeants américains. Tout le monde qualifie indifféremment d’acte de guerre ou de terrorisme ce qui s’est produit le 11 septembre car, en suivant la doctrine militaire de la terreur, ce qui s’est produit le 11 septembre 2001, c’est la bataille de New York. Elle a été perdue par l’Etat américain pour au moins deux raisons (et du point de vue stratégique, peu importe que ces raisons soient morales ou pas) : la commotion de la population qui n’est pas près de se relever de ce drame ; l’absence de riposte militaire immédiate, laissant entendre que tout se déroulera dans une prochaine bataille. Les instigateurs du massacre ont appliqué à la lettre toutes les recettes guerrières du passé, de la "guerre éclair" à l’attaque en profondeur. Ces recettes ont simplement été revisitées par une analyse extrêmement lucide des failles du monde moderne occidental. La plus frappante étant l’utilisation du désespoir causé par le développement du capitalisme.

Le camp des perdants est le camp de la peur : Le rôle des médias et des institutions

L’importance de "l’arrière" est d’autant plus grande qu’il n’existe plus de zones sans risque. Car la guerre moderne est une guerre sans front, une guerre non linéaire. C’est une guerre tourbillonnante, en "feux de broussailles" disent les pros, et elle vise à faire craquer les civils pour obtenir la victoire. La mobilisation consiste surtout à renforcer le moral des populations pour les pousser à bien vouloir se sacrifier et à supporter les destructions prévues. Pour renforcer ce moral, il faut mettre sur pied l’unicité de pensée. La guerre est toujours faite pour de "bonnes raisons", cette foi dans les "bonnes raisons" est pour les civils l’équivalent de la discipline pour les militaires. Peu importe à ce stade le contenu de la pensée. Ce qui est fondamental, c’est la croyance en cette pensée et aux chefs qui la portent. Dans chaque guerre, l’unicité de la pensée nécessaire à la "bonne conduite des opérations", s’oppose au libre débat. Ce qui entraîne une restriction plus ou moins grande des libertés. C’est là que l’on comprend le rôle des médias, des églises et des institutions comme l’école ou les syndicats : elles vont servir à assurer le conditionnement des consciences et vont contribuer à la mobilisation nécessaire à la survie du pouvoir. "La guerre est pour les américains une simple représentation théâtrale. On peut comprendre qu’un peuple qui n’a jamais eu a souffrir des conflits les envisage plus aisément, si ce n’est avec fascination", écrit dans "La fin des héros" R.A. GABRIEL, ex-officier des services de renseignements américains et ex-conseiller du pentagone. Cette réalité-là vient de changer. C’est le premier résultat tangible obtenu par la destruction du centre d’affaires mondial de New-York. En une heure, les Etats Unis ont perdu le bénéfice psychologique d’un siècle d’hégémonie militaire. Leur puissance psychologique reposait sur un nombre de morts américains insignifiant en proportion des conflits dans lesquels ils se retrouvaient impliqués. Par exemple, le débarquement de Normandie n’avait coûté "que" trois mille vies de militaires américains. Ici, nous en sommes tout d’un coup à 6000 victimes civiles, dont de nombreux notables, et en plein cœur de la cible. Dès lors, l’objet de la liturgie patriotique, religieuse et moralisatrice déployée par les médias est la suivante : amortir le choc psychologique subi , éviter que les conséquences du traumatisme à venir soient trop fortes pour le système. Mais celui-ci sera incapable, sauf à se remettre en cause, de mettre en œuvre une politique de liquidation du terrorisme, car le problème pour lui est que c’est sa propre charpente idéologique qui constitue son principal handicap dans cet affrontement.

Pour en finir avec la terreur, il faut en finir avec le capitalisme

Si le capitalisme occidental a légitimé une tactique guerrière terroriste qui se retourne contre lui, il a également détruit tout ressort collectif de riposte. Face à la froide détermination d’hommes qui ont montré avec des moyens ridicules (des cutters) une capacité de destruction égale à celle des armes dévastatrices des grandes puissances, la première réaction occidentale a été la spéculation boursière. De même, le comportement de la population américaine, qui dans la journée du 11 se précipite pour faire ses courses, explique qu’autour du drame se développent les affaires commerciales. Que dire de ce que, à New York, devant la pénurie de logements provoquée par les destructions, les prix d hôtels aient triplé en un jour ? Et ainsi de suite car, c’est "la loi du marché". D’autre part, le sentiment d’insécurité, tellement exploité ces dernières années par les états pour asseoir leur pouvoir, a très nettement abaissé le seuil de résistance mentale des populations civiles à l’agression. En France, où la vie est relativement clémente et le niveau de violence entre individus bien plus bas qu’il ne l’a été par le passé, la campagne électorale se fait sur le thème de "l’insécurité". Les ricanements d’un gamin dans le dos d’un prof, un caillou lancé dans une manif, ... sont dénoncés par la caste au pouvoir et ses médias comme d’abominables violences. Les politiciens occidentaux ont construit leur pouvoir sur cette montée de l’insignifiance et du virtuel. Ils ont masqué l’important par le détail, le fait social par le fait divers. Pour analyser la situation actuelle, ils restent au même niveau de discours et d’analyse qu’après une bagarre de banlieue. Devant l’énormité du 11 septembre, on nous montre guignol dans "Vigipirate, le retour". Le capitalisme a produit le désespoir, source d’une haine incommensurable. Le monopole de l’économie mondiale et la centralisation des pouvoirs ont fourni une cible facile à cette haine. De plus, l’idéologie capitaliste moderne, qui repose sur l’égoïsme, le matérialisme, la crainte de l’autre, la peur de l’action par soi-même, la méconnaissance de l’action collective librement consentie, le respect stupide de l’autorité, fait que la majorité de la population occidentale a peur de son ombre et n’a plus aucune habitude de la résistance collective face à une véritable agression. Parce qu’on lui a toujours dit qu’elle n’avait rien à faire qu’à consommer et à obéir, la population occidentale ressemble à un troupeau de moutons livré au berger qui possédera le plus gros fouet. Nous sommes donc devant un choix crucial, un choix culturel. Soit le capitalisme continue d’exister, et c’est la défaite programmée, la victoire de la barbarie ; soit il faut supprimer la loi du profit, la loi du marché. Il faut construire un mode de production véritablement altruiste, la nouvelle loi devant être celle des besoins de la planète et de ses habitants. Car les causes du terrorisme ne disparaîtront qu’avec le mode de production actuel, qui repose sur le développement de la croissance pour les uns et de la misère pour les autres. Parallèlement, seules les valeurs qui respectent l’individu, sa liberté de pensée et d’action, qui développent sa responsabilité dans la marche de l’humanité, pourront vaincre les impérialismes économiques, qui, modernes ou rétrogrades, sont toujours criminels.

Xénophon


CNT-AIT



-  Contacter des militants anarcho-syndicalistes
-  http://cnt-ait.info est le site d’actualité de l’Anarcho-syndicalisme.
-  La reproduction et la diffusion de l’Actualité de l’Anarcho-syndicalisme sont encouragées

Traduction(s):

[ Haut ]

L'Actualité de l'Anarcho-syndicalisme sur votre site : backend.php3.
Site developpé avec SPIP, un programme Open Source écrit en PHP sous licence GNU/GPL.