Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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LA FARCE JURIDIQUE

dimanche 25 juin 2006

Depuis des décennies, ils nous gavent de “rappel à la loi”, de “citoyenneté”, de “valeurs de la République”, de respect des “Institutions”, le tout sous la botte d’un appareil policier pesant, tatillon et souvent humiliant. La palinodie juridique autour du CPE a prouvé avec éclat à ceux qui en doutaient encore ce que tout cela valait : peanuts.

Le concon, égal à lui-même.

La farce légale du CPE, commencée par un vote à l’arrachée du Parlement croupion, s’est poursuivie par un avis du concon (Conseil Constitutionnel). Les gardiens du temple, au fronton duquel sont gravés les mots “Liberté, Egalité, Fraternité” n’ont pas hésité à déclarer conforme au principe de liberté la privation de la liberté de se défendre contre un licenciement (puisqu’il y a privation du droit d’en connaître le motif), conforme au principe d’égalité la division arbitraire du genre humain en deux espèces ayant des droits différents (les moins et les plus de 26 ans), conforme à celui de fraternité l’exploitation des enfants du peuple dès quatorze ans, alors que les petits-fils des concons (conseillers constitutionnels) seront au golf ou en thalasso. N’en étant pas à une pirouette près, les concons n’ont pas trouvé non plus la moindre contradiction entre les licenciements du jour au lendemain et ... ce droit au travail pour la défense duquel ils s’agitent dès qu’un piquet de grève bloque une entrée d’usine, ce droit au travail qui figure, comme un droit absolu, dans le préambule, toujours en vigueur, de leur Constitution. Ceux que la presse encense sous le nom de “sages” ont conclu que l’exploitation la plus éhontée est constitutionnelle. Au moins c’est clair. Mais c’est parfaitement minable.

Madame la Loi violée en direct à la télé.

Alors, le président est entré en scène. Grandiose. Elu, grâce à la veulerie de la gauche et de l’extrême-gauche [1], avec un score de république bananière, Chirac ne pouvait faire moins qu’un numéro abracadabrantesque. Il a choisi de violer la loi en direct [2]. Voici l’essentiel de sa déclaration :

“Le Parlement, les élus de la Nation, ont voté la loi sur l’égalité des chances et le Conseil constitutionnel vient de juger cette loi en tous points conforme aux principes et aux valeurs de la République. En démocratie, cela a un sens et doit être respecté (...) j’ai décidé de promulguer cette loi (...) je demande au gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu’en pratique, aucun contrat ne puisse être signé (...)”.

Ensuite, Jean-Louis Borloo, son ministre chargé de la chose, mettait tout en oeuvre pour bloquer l’application de l’article 8 de la dite loi.

Nous laisserons les spécialistes ergoter pour savoir si un tel acte constitue un "crime de haute trahison" (position de plusieurs constitutionnalistes) ou un crime de forfaiture. Ce qui est établi, c’est qu’il s’agit, au sens juridique du terme, véritablement d’un crime, prévu et sanctionné par le code pénal : article 432-1 "Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende" et article 432-2 "L’infraction prévue à l’article 432-1 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 F d’amende si elle est suivie d’effet".

Le crime étant de notoriété publique et ayant été suivi d’effet, tout Procureur de la République aurait dû s’en saisir pour lancer des poursuites. Tout gendarme, tout CRS, tout agent de la BAC, tout flic aurait dû se saisir du criminel. Mais, en France les procureurs ne lisent pas les journaux. Car à ce jour, ils ne se sont aperçus de rien. Pas plus d’ailleurs que les concons. Pourtant, on a entendu comme un sacré bruit de froissement de la Constitution... Dans cette période où tout est fait pour sacraliser la loi, cet épisode offre une démonstration absolue et de la plus grande clarté de ce que nous affirmons depuis toujours : la loi est un chiffon de papier. Quand elle arrange les puissants, ils nous l’imposent et la vénèrent. Si, pour une raison ou une autre, elle les dérange un tant soit peu, ils la bafouent. En toute impunité, bien sûr. Sachons nous souvenir de cet excellent exemple chaque fois qu’il sera question du “respect de la loi” !

Tiré du Combat Syndicaliste de Midi-Pyrénée n°95, par la CNT-AIT de Toulouse


[1] Alors que toute la gauche, l’extrême-gauche (à l’exception de LO) et même les organisations libertaires appelaient ouvertement ou sous le manteau à voter Chirac, nous avons publié, entre les deux tours, un numéro spécial pour dire : “... nous assumons calmement et sereinement notre abstention du premier tour et nous renouvelons notre soutien fraternel à tous ceux qui ont relayé notre campagne. Si l’abstention au premier tour a été un refus, l’abstention au deuxième tour sera une rupture. Rupture psychologique et idéologique aujourd’hui, rupture sociale demain. Face à ce qui se profile, à l’aggravation de nos conditions de vie, à l’augmentation de l’oppression et de l’aliénation, il est indispensable de construire un rapport de force à la base. Il n’y a pas d’autre solution. Faire semblant de croire que Chirac est le rempart de la démocratie et les législatives la solution définitive, c’est reculer pour mieux se faire manger demain.” Le Combat syndicaliste de Midi-Pyrénées, n°74, mai 2002.

[2] Chirac avait deux solutions réglementaires : ne pas la publier (il y a bien des lois qui sombrent dans l’oubli) ou demander une deuxième délibération au parlement, ce qui est prévu par l’article 10 de la Constitution.


CNT-AIT



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