vendredi
8 novembre 2002
Questions :
Entre les injonctions hiérarchiques, les chantages institutionnels, la pression des publics, le nez enfoncé dans le guidon, les travailleurs du social , de l’éducation , de la santé pètent les câbles ! Pourquoi ?
Jusqu’à quand allons continuer à couver nos ulcères et à chroniciser nos usagers, élèves ou patients en les conduisant à l’échec ?
La réparation, l’accompagnement d’individus en souffrance ont ils un sens dans un système violemment inégalitaire qui est la cause de cette détresse et qui la reproduit invariablement lorsque, épuisé, nous faisons semblant de croire que notre mission a réussie ?
Le travail sanitaire, social, éducatif est-il la propriété exclusive des gens qui le pratique, ou doit-il s’ouvrir à l’ensemble de la société qui s’y trouve un jour ou l’autre confrontée ?
Autant de questions qui ont amenés des militants(es) issus(es) ou non du social, qui ont en commun la volonté d’une transformation radicale de cette société, à proposer un espace de réflexion, un " forum libertaire ", pour qu’un maximum de personnes reprennent la parole en tant que témoins actifs des pratiques sociales, des rapports sociaux à l’oeuvre dans cette société qui a fait le choix de l’inégalité pou se construire et se reproduire.
Le forum libertaire veut redonner son sens original au terme de " forum ", et lever toute ambiguïté et glissement de sens.
Il ne s’agit pas de méthodes " spectaculaires " visant à faire croire que l’on donne la parole aux " citoyens ", au nom de l’éthique et dans une " démarche participative " : pour le forum libertaire, la parole se prend, elle ne se donne pas .
Il n’y a pas le clan de ceux qui écrivent dans ce journal et le clan de ceux qui le lisent. Nous sommes tous en mesure de nous poser des questions, de réfléchir en commun sur ce que nous vivons, sur ce qu’on nous fait vivre.
Le titre de notre journal traduit notre volonté d’ouverture et notre vigilance à ne pas laisser les experts, repérer comme tels par cette société, à s’approprier la parole sociale . C’est donc par un questionnement qui, suscitera nous l’espérons la confrontation, que nous exposeront les lignes directrices de notre projet.
Ce sont les choix politiques, et leur matérialisation à travers les commandes institutionnelles qui définissent l’espace du social et les acteurs intervenant dans ce champ. Le social devient alors un lieu en aval des décisions politiques qui, en anticipant les effets de ces choix, fixent du même coup au " experts du social " le soin de gérer la rupture.
Cette réduction du social est bien le moyen que se donne le système quand il choisit, pour durer, de penser la société non pas comme une collectivité construite autour de la solidarité et de l’égalité, mais comme la construction, et par là la gestion d’individus dépossédés, au profit d’un groupe de possédant.
En enclavant ainsi le social, cette société nous confisque des pans entiers d’actions et d’interventions. Un parent d’élèves ou un malade, ne sont-ils pas à même, et au moins autant que le professeur ou l’infirmière, d’émettre une réflexion sur l’éducation ou le système de santé ?
Pour nous, le social appartient à tous les membres d’une société. C’est l’affaire de tous et pas seulement des individus qui ont des problèmes sociaux. Le social n’est pas un d ébat d’experts, c’est un débat collectif.
Nous refusons d’être les gestionnaires d’une politique que nous n’avons pas choisis .
L’objectif du forum libertaire, c’est de sortir la question du social hors les murs institutionnels (visibles et invisibles), afin que chacun d’entre-nous, par la prise de parole, aide à resituer le social comme le cadre de notre projet de vie.
celle du travailleur(euse) social(e), de l’infirmier(e), de l’instituteur(trice).
Le forum peut les aider à sortir du corporatisme et à opérer une mise distance du travail social tel qu’il est conçu dans cette société.
Le constat qui amène la plainte des travailleurs sociaux est un constat qui s’inscrit seulement dans la loi , et qui de ce fait se trouve amputé du projet de société qui lui donne son sens. La plainte renvoi alors aux travailleurs sociaux d’une façon aiguë aux questions que nous nous posons tous :
Le travail social est-il encore en lien avec le social, avec la société ?
Le travail social est-il encore social ?
L’appareil institutionnel est preneur de constats qui dénoncent l’injustice, sa reproduction et les effets sur la " rupture " du lien pour les plus faibles.
Les constats récupérés par le système au profit de son projet politique, pervertissent le travail social en panne d’imaginaire collectif, en même temps qu’il accélère l’intériorisation par les travailleurs sociaux des normes qui ont pour but de prendre le constat comme une réalité intangible.
On n’est plus enfermé dans les murs, on a les murs dans la tête. Le lieu du travailleur social est un lieu ou bizarrement on devrait prendre la parole, alors que l’on participe à faire taire et ou on fait semblant de croire à la réussite de notre travail.
Quant au travail social, on est passé d’une rencontre à la gestion d’un protocole de la plainte. En même temps qu’on exécute la commande, on fait exécuter à l’autre. Le travail social est conçu comme une délégation de pouvoir de répression, de contrôle de prescription, institutionnel.
L’origine du travail social, ce n’était pas de parler à la place, ce n’était pas de gérer des dispositifs. C’était un travail sur la clinique, sur le politique.
Toute l’histoire du mouvement social est jalonnée par la récupération, de mouvements de désaliénation des individus , au profit d’un pouvoir dominant, qui a utilisé le social pour limiter la parole et donner l’illusion de liberté, voire d’humanité.
Qu’on se rappelle du mouvement antipsychiatrique lutter pour ouvrir les asiles qui, deux ans après, voit la mise en place des tutelles, refermant le clapet.
On parle d’humaniser les prison, mais on ne parle pas de l’incarcération.
De même le transfert du travail social vers les associations philanthropiques, signe le retour du religieux, avec les notions de bien d’autrui, d’insertion.
La lutte est permanente, mais elle est toujours vouée à l’échec quand elle ne s’inscrit pas dans un projet politique de transformation radicale, un projet de révolution sociale.
Le forum souhaite être un espace de désaliénation, ouvert et permanent, ou la dimension collective ne masque pas notre responsabilité individuelle. Celle-ci s’exprime dans notre relation avec l’individu, et dans notre conception de l’humain, comme conscient et libre de ses liens, ou chacun participera à la construction de projet de vie partagé.
Nous savons combien il est inconfortable d’avoir une position politique de ce type. Notre projet politique n’est pas de combler un vide : combler, c’est le projet d’une société de consommation. Nous sommes tous des chercheurs en quête d’une relation ou chacun se reconnaît.
Cet espace collectif et individuel est pour nous un espace de réflexion qui peut nous aider à construire une société humaine.
FORUN LIBERTAIRE
Le premier numéro (nouvelle série) de ce bulletin de la CNT-AIT Midi-Pyrénées est en cours de parution. Nous reproduisons ici son édito. Pour obtenir des numéros de diffusion :
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