Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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RENFORCER LA SOLIDARITE AU LIEU DE LA CASSER

A propos du mouvement du printemps 2003

dimanche 7 septembre 2003

C’est en 1993 qu’a débuté la réforme des retraites : d’un coup, on en a pris pour 2,5 ans de plus dans le privé.

A l’époque, peu de manifs. Pas de mobilisation dans le secteur public. Pendant 10 ans, le fossé s’est agrandi entre les fonctionnaires et les travailleurs du privé. Ceci dit, la fonction publique, c’est très disparate : il y a des militaires* [1] et des facteurs, des CRS et des hospitaliers... Il y a aussi les enseignants... pendant 10 ans on a entendu les leaders de leurs syndicats représentatifs attaquer les jeunes, leur "incivilité", leur "violence". On a aussi vu pas mal de reportages bavant sur le pouvoir d’achat des retraités qui serait très (trop ?) élevé. Attaques contre les jeunes d’un côté, contre les vieux de l’autre, cette préparation idéologique et médiatique du terrain par le pouvoir, a tout fait pour nous diviser.

Après ça, nos maîtres, ont pensé qu’il était l’heure de nous faire passer à la casserole. Certains, qui l’avaient oublié, redécouvrent brutalement ce qu’est le système capitaliste.

La lutte s’étend

Le massif mouvement de l’hiver 1995 contre le plan Juppé et sa tentative -entre autres mesures- d’imposer aux fonctionnaires une augmentation de leur durée de cotisation, n’aura pas servi à rien. Aujourd’hui, les acteurs de la lutte s’expriment en Assemblées Générales et organisent leur dynamique en dehors des inefficaces journées de lutte proclamées par les directions syndicales. Au départ, cela s’est surtout exprimé dans les mouvements des enseignants contre la décentralisation. Avec la réforme des retraites qui a généralisé l’inquiétude, les luttes de l’enseignement ont retrouvé de la vigueur à la rentrée des vacances de Pâques jusqu’à se retrouver en pointe d’une contestation qui gagne du terrain. D’ailleurs, la grogne monte dans la population entière qui a du mal à digérer l’allongement du temps de cotisation pour la retraite de tout le monde. On sent qu’après la régression sur les retraites, il y aura l’attaque contre la sécu.

Des formes d’action originales qui visent à l’unité apparaissent, comme l’occupation et le fonctionnement des écoles avec les parents, le principe de grèves reconductibles et perlées. La possibilité de la jonction des uns et des autres, tous concernés par cette question fondamentale de société qu’est la répartition des richesses, devient désormais possible. Pour l’État et le patronat c’est un danger important que de voir se réaliser l’unité autour de cette question. Alors, contre l’unité à la base, il sort de son chapeau l’unité des appareils syndicaux.

"L’unité syndicale”, 1ère manoeuvre de division

La base ne s’épuisant pas et commençant à s’auto-organiser, l’unité syndicale s’est en effet très rapidement et presque miraculeusement réalisée. Le 13 mai 2003, on nous a rejoué le coup du "tous ensemble". En quoi cela a-t-il consisté ? Et bien, aux secteurs les plus combatifs se sont joints tous les permanents élus et bureaucrates qui peuvent exister dans les partis et syndicats divers. Ils sont tous venus avec leur panoplie. Mais bien entendu, ils ont "oublié" d’étendre vers le secteur privé la lutte autour de la retraite et du problème de la répartition des richesses. Les routiers fournissent un bon exemple. Ils étaient déjà partis tous seuls au casse-pipe syndical en novembre 2002 pour défendre le CFA (Congé de fin d’activité, donc les départs en retraites). Le renouvellement du blocage des dépôts d’essence, qu’ils avaient lancé alors, s’il s’était produit le 13 mai, joint à celui des transports publics, aurait peut être été déterminant. Mais les grandes centrales, pourtant toutes représentées dans ce secteur, se sont bien gardées de lancer le moindre appel efficace aux routiers pour qu’ils rejoignent le mouvement. Et ce n’est qu’un exemple entre mille.

En fait, ici comme dans beaucoup de périodes que nous avons vécues, "l’unité syndicale", loin d’élargir l’action, est une étape classique de reprise en main et de contrôle du mouvement de lutte à la base. Un mouvement qui aujourd’hui menace de s’amplifier autour des retraites et de s’étendre à d’autres catégories de la population. La reprise en main consiste pour une grande part à réunir tous les petits mouvements épars de la fonction publique au sein de l’encadrement syndical et politique traditionnel. C’est-à-dire à opérer la jonction des forces vives de la lutte avec les professionnels de l’inertie. Ces derniers ne manquant jamais d’air, ils ne se sont pas gênés pour détourner le sens de la manifestation du 13 mai (c’est-à-dire le rejet massif de la régression sociale) en interprétant dans les médias le nombre élevé de manifestants comme un soutien massif aux bureaucraties syndicales. Ils ont légitimé leur représentativité en utilisant la rue, et ensuite ils sont allés souper au ministère dès le 14 mai.

Échec des endormeurs

Dans le tract diffusé par la CNT-AIT le 13 mai, on pouvait lire : " Il n’y a rien à attendre des organisations syndicales et des partis politiques qui participent aux élections, qui cogèrent le système et qui en profitent. En 30 ans de "négociations", ils ont perdu ce qu’on avait gagné en 30 jours de grève générale en 68. Le pire qui pourrait arriver, c’est qu’ils négocient encore !". Ce pire, tout à fait prévisible, est bien sûr arrivé et démontre, si besoin était, le bidonnage qu’est l’unité syndicale : le 15 mai, soit à peine 48 heures après la "grande union de toutes les forces syndicales", les centrales nous ont joué l’air de la division lors de négociations autour d’un projet rejeté par la quasi-totalité des manifestants. A partir de cet instant, l’institution syndicale a un pied dans chaque camp. Il y a les syndicats traîtres et les autres. Nous verrons dans les prochaines semaines que les derniers se feront fort d’expliquer que, par la faute des premiers, avec lesquels hier ils étaient unis, ils se trouveront dans la triste obligation de négocier à leur tour à la baisse, et, "mon pauvre monsieur, nous diront-ils, faudra vous contenter de ce qui aura été négocié".

En attendant, ils accompagnent les gens qui restent en lutte en espérant qu’ils se fatigueront peu à peu. Là encore ils pousseront à des actions qui vont accélérer la division. Un exemple : les transports en commun. Soit il y a appel clair net et précis à la grève générale interprofessionnelle et la paralysie des transports est une aide à la grève générale. Soit il y a appel à étendre le mouvement avec des grèves sectorielles (SNCF, RATP..), et dans ce cas, la technique habituelle de grève empoisonne la vie des usagers et conduit à la division. Cela, alors que les moyens de construire la solidarité nécessaire à l’extension de la lutte existent, comme par exemple ouvrir les portillons et ne faire aucun contrôle pendant la durée de la grève, donc rendre les transports gratuits. Mais les syndicats refuseront d’appeler à la mise en place de la gratuité sous prétexte que c’est illégal. Pourtant, les enseignants ont montré que des actions tout aussi illégales, comme le blocage des examens, étaient possibles dans ce contexte de ras le bol massif [2].

Évidemment, les centrales syndicales dites représentatives font discrètement tout pour éviter la construction de la solidarité entre tous et pour essayer de nous monter les uns contre les autres. Les médias arrivent là-dessus et expliquent, pardi, qu’il y a de la division et de la confusion, en jouant le petit couplet traditionnel sur les "usagers otages des grévistes". C’est la suite de la manœuvre pour essayer de noyer les plus combatifs... Entre temps, Thibault, chef de la CGT, promotion 1995, qui espère que tout cela va passer comme un catalogue de pub dans un centre de tri parallèle, sait qu’il lui en coûtera des adhérents, donc il va chercher des sous. Au Parti Communiste il n’y a en plus. Il se fait donc applaudir le 15 mai au congrès du Parti Socialiste, dont on connaît les projets en matière de retraite : le livre blanc de Rocard, ancien premier ministre PS, préconisait dès 1991 de passer à … 42,5 ans de cotisations. En clair, le gouvernement Jospin prévoyait exactement la même réforme des retraites que celui de Raffarin.

Solidarité de classe

Les grèves et les actions ont continué à s’organiser à la base. Les grands chefs syndicaux espéraient qu’entre le 13 et le 25 Mai ("grande journée" prévus par eux pour mettre un terme au mouvement) il ne se passerait rien et que la pression retomberait. Cela n’a pas été le cas, bien qu’ils aient tout fait pour enterrer la combativité. Ils ont redoublé d’efforts depuis. Sans surprise, le 26 mai, Blondel, pour Force Ouvrière, évoque la possibilité d’une grève générale ... pour en repousser le principe. La FSU (majoritaire chez les enseignants) n’hésite pas un instant le 2 juin à se féliciter du contenu de son entretien avec Sarkosy, le ministre de la police, qui avait placé sous curatelle celui de l’éducation. La CGT ne demande pour sa part qu’à s’asseoir à une table de négociation, pour négocier quoi et sur quelle base, il serait intéressant pour tout le monde de le savoir ! Pour la CFDT, la négociation, c’est déjà fait, merci pour eux.

Ce qui est remarquable et qui prouve l’enracinement d’un mécontentement qui tourne maintenant à la colère, c’est que malgré toutes ces manigances médiatiques, politiques et syndicales, la combativité n’a pas faibli. La lutte continue bel et bien.

Cette lutte, menons-là dans le plus grand esprit de classe, en veillant à ce que nos mots d’ordre et nos actions, au lieu de contribuer à nous diviser, cimentent notre action et construisent la solidarité de tous les exploités.

L’occupation des écoles avec les parents, une note fixe lors de la correction des examens, la réquisition des entreprises, la gratuité dans les transports et la levée des péages autoroutiers, le boycott des impôts, les soins gratuits dans les hôpitaux ... sont des exemples d’actions auxquelles tout un chacun peut contribuer là où il est pour renforcer la solidarité au lieu de la casser !

Julien. 4 juin 2003


[1] il y en a plsu de 500 000 qui - eux - ont droit à la retraite à partir de 15 ans de service !

[2] d’autres possibilités d’action, comme l’attribution d’une notye élevée à tous les candidats existent (cf. l’initiative 20/20 pour tous ) et vont dans le sens de l’unité


CNT-AIT



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Traduction(s):

Fracaso de los adormecedores

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