samedi
20 octobre 2001
Je suis entré à IFB en tant que "téléprospecteur" payé au SMIC horaire et j’ai eu droit depuis mon embauche à une misérable prime de 380F net sur une seule vente réalisée ! Car le but du jeu est de s’adresser par téléphone à des cadres, artisans, professions libérales, grands patrons ou simples particuliers, pour leur proposer un rendez-vous pour du "conseil gratuit en droit fiscal" qui leur permettra de payer moins d’impôts, grâce à une étude personnalisée prenant en compte en principe 103 textes de loi ! C’est de l’esbroufe. Une seule loi est effectivement utilisée et le conseil donné par les commerciaux est simple : on leur propose d’investir dans l’immobilier en achetant un appartement (600.000F environ). On leur montre qu’en louant ensuite cet appartement, ils pourront rembourser leur prêt avec l’argent du loyer plus les réductions d’impôts autorisées dans cette situation par la loi Besson. Ça peut marcher à court terme, mais c’est nettement plus risqué à long terme, c’est à dire sur la durée nécessaire pour rembourser le prêt bancaire. Et tout ça est bien sûr basé sur une technique rodée : chacun dispose d’un mode d’emploi où sont spécifiées les formules à employer avec chaque catégorie de "prospect" et en fonction des résistances qu’il offre, les mots qu’il faut dire et ceux qui sont proscrits, comme "défiscalisation", par exemple.
Les téléprospecteurs sont dans l’obligation de faire un nombre minimum de rendez-vous par mois : 83 sur la base de 35h de téléprospection par semaine. Au delà de ce chiffre, ils sont payés environ 20F par rendez-vous supplémentaire. Pour chaque vente réalisée, une prime de 380F leur est normalement accordée.
Quand vous arrivez dans la boîte, on vous fait miroiter les primes que vous gagnerez sur chaque vente et on vous promet d’évoluer dans l’entreprise. Tout cela a peu de chances d’arriver : je n’ai obtenu qu’une seule prime depuis mon embauche, et ce, après une période où je ne cessais de faire remarquer qu’il était vraiment étonnant que tous les rendez-vous que j’avais pris n’aient jamais abouti à une vente. Quant à l’évolution dans l’entreprise, les téléprospecteurs que j’ai vus évoluer à des postes d’animateurs ou de chargés de recrutement font 35h ou plus pour à peine plus que le SMIC (j’en ai vu deux en six mois). D’ailleurs, depuis mai 2001, les animateurs, chargés de l’encadrement des téléprospecteurs, ont vu leur salaire diminuer.
Le recrutement des petits employés est continu et se fait souvent parmi les étudiants. Ils ont sans cesse besoin de personnel. Quoi que vous fassiez lors de l’entretien, il y a de fortes chances qu’ils vous proposent une période d’essai : plus la boite a de prospecteurs qui y croient encore, plus elle a de chances de faire des ventes. A l’autre bout de l’échelle, le grand patron ne se prive pas d’étaler sa réussite en garant régulièrement l’une de ses trois Ferrari au pied de l’immeuble de IFB ! Ce qui montre que des ventes sont effectivement réalisées, même si les téléprospecteurs n’en voient pas aussi souvent qu’ils le souhaitent la couleur.
Et ce n’est pas tout ! En plus de l’exploitation, il faut aussi supporter les conditions de travail déplorables. C’est tout juste si nous ne sommes pas chronométrés par les animateurs (autant dire des sortes de vigiles) quand nous allons pisser ou fumer une cigarette ! Les temps de pause sont très réduits, la salle de repos "fumeurs" est interdite à plus de quatre personnes. D’ailleurs, ce n’est pas une salle, c’est un couloir. Si un rendez-vous est mal tapé sur l’ordinateur (erreur dans le nom, l’adresse ou le n° de téléphone), l’entreprise le décompte au téléprospecteur et le prend à son bénéfice : erreur de frappe ! Quant au matériel fourni pour travailler : les ordinateurs ont pratiquement un problème de fonctionnement par jour, les téléphones sont souvent défectueux... Ce ne serait pas un problème si le salaire ne dépendait pas du nombre de rendez-vous obtenus. Mais les avertissements pleuvent : même en pleins mois de juillet/août, période évidemment creuse, on peut recevoir un avertissement pour manque de rendez-vous pris. Et ce n’est pas parce qu’on travaille au rendez-vous que le temps de travail n’est pas compté par une pointeuse. Si on accumule un retard de quelques minutes, c’est décompté sur notre fiche de paye. Il faut un justificatif pour n’importe quelle absence : une absence pour cause de grève de la SEMVAT, ne pouvant être justifiée, ne sera pas payée.
IFB, c’est comme Mac Do et toutes ces boîtes qui fondent leur réussite sur l’exploitation la plus criante : vous y entrez en CDI et vous ne vous faites pas licencier. Il faut démissionner. Et le roulement est très élevé : on n’y reste pas plus de deux ans très souvent. Il n’y a rien de mieux pour arranger la boîte : on n’est jamais si performant que quand on arrive, naïf et plein d’illusions.
Lulu
L'Actualité de l'Anarcho-syndicalisme sur votre
site : backend.php3.
Site developpé avec SPIP,
un programme Open Source écrit en PHP
sous licence
GNU/GPL.