Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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LA MEILLEURE ÉCURIE DU CIRCUIT SOCIAL

mardi 14 août 2007

Nous voilà enquêtant sur les coulisses du front du social. La CNT-AIT laisse la parole à une jeune représentante du corps des assistants sociaux. Mademoiselle DARC, sortie de l’école des assistantes sociales. il y a 5 ans est devenue titulaire et travaille en polyvalence de secteur au Département. Toutes ressemblances avec des personnes ou des faits existant toujours est purement voulue.

Dans les circonstances actuelles de paupérisation de la population des quartiers et de « rigoureuse » gestion des budgets sociaux par l’employeur, comment concevez- vous votre intervention et votre place ?

-  Vous savez, il y a toujours eu des pauvres, c’est pas maintenant que les choses vont changer. C’est montrer que la société laisse sa place aux gens qui veulent s’en sortir, mais que nous ne pouvons plus comme avant accepter les assistés dans nos schémas et nos projets pour eux. Désormais, il n’y a plus d’espoir d’entretenir les familles dans l’oisiveté ou la paresse.

Nombre de mes collègues continuent à penser qu’ils doivent venir en aide à des gens qui passent leur temps à peaufiner un discours larmoyant et pitoyable sur leur situation qu’ils ne font rien pour changer

Au contraire, j’ai l’impression qu’ils continuent à vivre de l’illusion qu’on leur doit quelque chose...

Estimez-vous que nombre des résidents du quartier qui viennent vous parler de leurs difficultés sont confortés dans une forme d’assistanat du fait de vos missions ?

-  Pas du tout, au contraire ! Ca, c’était du temps des anciennes qui tenaient leur boutique et avaient leurs pauvres !

Aujourd’hui, je mets les gens face à leur responsabilité : comment peut-on leur laisser croire que nous allons pallier leurs absences de jugement, leur aveuglement et leurs illusions si nous les aidons d’emblée et leur garantissons l’assurance sociale ?

Les gens doivent se RESPONSABILISER, ils doivent comprendre que les choses ne sont pas arrivées toutes seules et que tout s’enchaîne et s’explique. Sinon, ils vous laissent croire qu’ils n’y sont pour rien ; nous devons leur faire comprendre l’inverse ! Comment pouvez-vous leur laisser penser que seule la fatalité gouverne le monde ?

Il y a des gens qui s’en sortent et qui réussissent : c’est cela qui doit leur être dit ! Des gens qui sont partis de rien et qui gravissent les échelons patiemment grâce à la persévérance et la lutte quotidienne. Mais ceux-là , ils ne passent pas leur temps dans les couloirs des services sociaux à se plaindre ! Ils serrent les dents, et ils bossent !

Quand je pense que dans les situations où ils se trouvent , les gens vous disent qu’ils ont pris des vacances, sont allés voir de la famille, ont assisté au spectacle !

Croyez-vous que je sois moi-même capable de prendre autant de vacances et que je me libère avant 18 ou 18 heures trente dans la semaine ? Non ! Je m’occupe d’eux.

Bien sûr, je suis un peu dure ! Il y a des personnes qui sont frappées par le malheur : maladie, séparation, etc...

Justement, pensez-vous que certaines personnes ne soient pas en train de subir leur situation et essaient de retrouver une solution ou du moins un espoir de solution, je pense à la recherche d’un emploi pérenne... ?

-  Mais non, au contraire ! Ils pensent qu’ils vont avoir un emploi magiquement pour la plupart. La vie ce n’est pas d’être fonctionnaire !

Qu’entendez-vous par vivre comme un fonctionnaire ? N’en êtes-vous pas un exemple ?

Écoutez, ne faites pas du mauvais esprit ! Le fonctionnaire, c’est le privilégié : c’est l’assurance du travail jusqu’à la retraite, c’est d’ailleurs pour cela que je fais ce travail ici, c’est pour me protéger des aléas !

Et puis vous savez, ce n’est pas comme dans le privé, on ne se débarrasse pas d’un fonctionnaire comme ça !

Mais je vous le dis à vous, je ne préfère pas aborder cela devant les gens, car on est mal vues. Je leur tiens le discours du conseiller professionnel, c’est là que je les prends à contre-pieds ! Car, au lieu de s’étaler sur leurs misères, et compatir, il faut au contraire les renvoyer à leur désir de s’en sortir, à leur côté gagnant ! Si vous les écoutez, rien ne serait possible et ils s’enfonceraient avec vous ! Mais la plupart n’entendent pas ce langage, ils viennent parler des enfants qu’ils font à tire larigot, un moyen par lequel ils espèrent une reconnaissance de leurs besoins.

Certains font des enfants pour avoir un logement, des papiers, etc. Combien font vraiment des enfants pour les aimer ?

Votre vision du métier requalifiant les personnes « assistées » en de futurs prospecteurs d’emploi, cette vision est-elle partagée par la profession actuellement ?

-  Je ne crois pas. Souvent les écoles d’assistantes sociales insistent sur les droits et les secours accordés aux « usagers », alors que nous devrions la plupart du temps re-construire leurs images et refuser celle qu’ils nous présentent. En fait nous les remotivons ne serait-ce que dans le peu de temps que nous passons avec eux. Quelquefois, un refus d’aide, cela les fait prendre conscience de leur situation ; d’autres fois, ils veulent obtenir ce qu’ils n’auront jamais de nous, alors ça peut clasher !

Pensez-vous , à l’instar du Juge d’es enfants récemment agressé par un parent, que votre métier comporte un risque et peut déboucher sur des violences ?

-  Bien entendu ! Du reste, le service compte des vigiles, vous croyez que c’est pour faire joli ? A ce titre, nous exerçons un métier de plus en plus dangereux, car nous recevons des personnes de plus en plus folles. Tous les psys sont à nos portes ; on hérite de tout !

Ca, c’est l’aspect très négligé de nos professions, l’employeur ne voit pas le danger. Quelquefois je n’ose pas sortir le soir du bureau seule, de peur des représailles des usagers !!

Il semble que la profession a beaucoup évolué à vous entendre, plus que le public que vous vous représentez comme inchangé au fil des ans ? A quoi cela tient-il ? Y a-t-il eu des formes de luttes qui ont fait émerger cette nouvelle attente ? Vous sentez-vous solidaires les uns des autres dans le métier ?

-  Pas vraiment ! j’ai l’impression qu’un monde nous sépare, nous la nouvelle génération et l’ancienne On ne parle pas de droits, d’assistance mais plutôt de responsabilité, d’effort et de volonté. Vous savez, il y en a que vous ne pourrez pas changer, qui sont marqués définitivement par la vie !

D’autres essaient de profiter du système aux marges !

C’est comme les syndicats. Ceux-là on ne les voit pas, ils viennent quand on les presse de venir. Ils se croient indispensables. En fait ils profitent de leurs temps et évitent de travailler. Ou bien ils essaient de faire sortir les professionnelles de leur service (grèves, manifestations) et leur font perdre 80 ou 100 euros.

En fait, ils croient faire leur loi, ils sont toutpuissants. Plutôt que de bosser comme les autres, ils emmerdent le monde - excusez-moi du terme ! Avec eux, l’employeur a toujours tort, alors que celui-ci doit faire avec des contraintes et est tenu à des obligations !

Si tout le monde était syndiqué, ce serait bien, mais c’est le contraire.

Et puis tu peux t’attirer des ennuis ad æternam ! Moi je pense que le contact avec les décideurs n’est pas assez étroit : il faudrait qu’on les côtoie plus souvent et qu’ils nous écoutent Ils sont souvent dans le faux : à les entendre il faudrait recevoir tout le monde, leur trouver des logements, des aides.

Heureusement, on est bien soutenu par notre direction, qui comprennent notre état d’esprit. Lors de réunions ou lors des occasions de départ, on a la chance des les rencontrer et on sent qu’ils nous écoutent. Par contre, les anciennes collègues, on sent qu’il y a une tension  : elles sont aigries face à notre hiérarchie, elles se plaignent et revendiquent tout le temps. Or, elles ne font rien dans la plupart des cas ! En fait, elles n’ont pas le pouvoir et les postes qu’elles croyaient briguer. Nous, ce n’est pas par les luttes qu’on est comme on est et qu’on pense comme on pense, c’est notre génération qui veut ça ! On a un esprit de gagnantes [lève le bras, index pointé] yes !!

A SUIVRE...


CNT-AIT



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