Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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ENVOI : DECOLAGE REUSSI

Travail social et précarité

mercredi 29 juin 2005

Dans le précédent numéro de notre journal (Le combat syndicaliste en midi pyrénées), un groupe de salariés de l’entreprise d’insertion ENVOI nous faisait part de ses problèmes en dépassant ses peurs . Toujours en contact avec la CNT-AIT, ils continuent à s’exprimer avec force.

CNT : La dernière fois, vous nous avez présenté ENVOI et dénoncé un certain nombre de vos difficultés. Aujourd’hui, vous allez plus avant ?

Salariés d’Envoi : Oui, parce que nous prenons confiance en nous. Vous savez, parler est très difficile : nous vivons dans la peur permanente de perdre notre emploi, même s’il ne peut durer que deux ans...

CNT : La peur permanente, pourquoi ?

Salariés d’Envoi : Chez ENVOI, on n’a pas vraiment le droit à la parole. Si on n’est pas d’accord avec la Direction, c’est vite fait : le contrat n’est pas renouvelé. La plupart d’entre nous ont, en effet, des contrats renouvelés de trois mois en trois mois. Au bout de 24 mois, de toute façon, c’est fini, car les contrats d’insertion ne vont pas plus loin. Alors on se retrouve à l’ANPE et on recommence...

CNT : L’ANPE ? Mais ENVOI ne prévoit rien pour ses salariés en fin de contrat ?

Salariés d’Envoi : Pas vraiment. Lorsqu’on nous accueille, on nous parle d’insertion. Mais ce n’est qu’un mot vide. Rien ne suit. On ne rencontre les accompagnateurs sociaux que quelques jours avant le départ définitif. A ce moment là, ils se contentent de nous demander quel est notre projet personnel. Comment voulez-vous avoir un projet personnel quand vous ne pouvez même pas consulter les annonces de l’ANPE parce que vous travaillez 7 ou 8 heures par jour et qu’on ne vous accorde pas les formations que vous pourriez suivre ?

CNT : Comment cela ? Un salarié en insertion est toujours un demandeur d’emploi, même s’il n’est pas indemnisé par les ASSEDIC. A ce titre, il bénéficie d’un certain nombre de mesures propres à faciliter son retour à un emploi stable.

Salariés d’Envoi : Ca, c’est la théorie. Dans la pratique, ENVOI est une entreprise “parking” qui sert d’alternative à l’ANPE, le temps d’un CDD Insertion. On n’a pas le droit de consulter les annonces de l’ANPE sur internet, donc pas le temps de chercher un vrai travail. Quand, par chance, on a réussi à s’informer et qu’on envisage une formation, la réponse de la Direction est négative... parce que, pendant ce temps là, on n’est plus là pour travailler et qu’on coûte de l’argent à ENVOI.

CNT : Mais, comme toutes les entreprises d’insertion, ENVOI touche des subventions. Vous voulez dire que cet argent ne sert pas ?

Salariés d’Envoi : L’argent qu’ENVOI touche ? Il parait que les caisses sont vides et qu’il n’y a plus de quoi payer les salaires. Mais c’est difficile à croire et effectivement, on se demande bien à quoi il peut servir. Peut-être à louer des nouveaux locaux 8000 euros par mois et à les meubler entièrement de neuf... Ou alors à financer un scanner qui sert au fils du Directeur à qui ENVOI sous-traite du travail. Mais c’est là une autre histoire dont nous parlerons une prochaine fois ! En tous cas, l’argent ne va pas assez aux formations !

Les accompagnateurs sociaux ne nous aident pas plus pour chercher un appartement, que pour nous passer le permis ou pour trouver notre voie pour l’avenir. Ils ne proposent rien. C’est à se demander s’ils savent à quoi correspondent les postes sur lesquels nous sommes.

Quand on nous envoie chez AIRBUS, par exemple, on nous décrit une tâche à accomplir qui, bien souvent, ne correspond pas à la réalité. On peut être embauché comme "employé bureautique" et s’occuper du personnel, de la gestion paye ou de la mise à jour des documents.

Quand l’accompagnateur social vient nous voir, il se contente de nous demander si tout va bien. Bien sûr, on répond que oui, même lorsque l’on a des difficultés. Finalement, c’est beaucoup plus facile de parler avec l’encadrement sur place. Il est plus humain et compréhensif. Ceux d’entre nous qui ont trouvé des CDI l’ont fait directement avec lui. AIRBUS prolonge souvent les contrats, même après les 24 mois de CDD Insertion.

CNT : Qu’est-ce que vous entendez par "prolonge les contrats" ?

Salariés d’Envoi : Au bout des 24 mois, il arrive qu’AIRBUS ait toujours besoin de nous. Dans ce cas-là, ENVOI nous propose un CDD de régime général. On est sorti de l’insertion.

CNT : Mais, si ce n’est plus de l’insertion, c’est de l’intérim ?

Salariés d’Envoi : Oui, certainement. ENVOI continue à assurer la prestation pour AIRBUS et nous à travailler.

Quand on a besoin de manger, on ne se demande pas si c’est de l’intérim ou non. On râle juste parce qu’on est très sous-payés. Même lorsqu’AIRBUS est satisfait de notre travail et augmente la prestation, il faut attendre longtemps pour que la feuille de paie suive. Certains d’entre nous sont ingénieurs et ne touchent que 1100 euros net par mois...

Et puis, il y a aussi la question des jours de congé donnés par AIRBUS : quand le personnel d’AIRBUS fait un "pont", les jours correspondants nous sont offerts, parce que payés à ENVOI. Mais ENVOI nous impose de poser des jours de congé ou des RTT. Il faut s’opposer à la Direction pour obtenir ce qui est dû... Et, comme on vous le disait, on a peur de perdre sa place...

Mais il n’y a pas que chez AIRBUS qu’il y a des salariés ENVOI qui ne relèvent pas de l’insertion. Chez certains sous-traitants du CNES, ENVOI a des " bac+10 "...

CNT : Revenons sur la question de l’accompagnement social. Combien y a-t-il d’accompagnateurs sociaux chez ENVOI ?

Salariés d’Envoi : Deux. En fait, c’est un, plus une assistante.

CNT : Et combien de postes équivalents temps plein ?

Salariés d’Envoi : Plus de 50.

CNT : Le conventionnement de l’insertion impose davantage d’accompagnement social. Vous pensez qu’ENVOI bénéficie d’un régime particulier ?

Salariés d’Envoi : Un régime de faveur, certainement. Vous savez ENVOI a deux parrains : la Mairie de Toulouse et AIRBUS.

CNT : Mais les agréments sont donnés en Commission Départementale où tous les intervenants de l’Insertion sont présents, parmi lesquels l’État, via le Préfet et la DDTE, le Conseil général, le Conseil régional, l’ UREI (Union Régionale des Entreprises d’Insertion)...

Salariés d’Envoi : Peut-être, mais chez ENVOI, la Direction se vante toujours de faire ce qu’elle veut.

CNT : Voilà beaucoup de choses de dites. Cette fois, vous vous lancez vraiment dans l’expression de vos difficultés ?

Salariés d’Envoi : Oui, peut-être qu’on est en train de vaincre notre peur. Certains d’entre nous sont déjà allés se plaindre à l’Inspection du Travail ; des procès aux Prud’hommes sont en cours, dont un gagné pour licenciement rétroactif !

Pour nous aussi, en quelque sorte, c’est un décollage réussi, comme pour l’A380, le "petit" dernier de notre parrain.

Il fallait commencer à parler. Maintenant, on ira au bout, ensemble.

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