Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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35 HEURES = FLEXIBILITÉ [Eté 1999]

jeudi 1er juillet 1999

La Loi Aubry prévoit le passage aux 35h dans les entreprises de plus de 20 salariés dès l’an 2000, et à partir de 2002 pour les autres. Il faut savoir que les 35h ont été précédées de lois permettant la déréglementation du marché du travail (Loi Robien en 96 par ex.), avec entre autres conséquences un calcul du temps de travail à la semaine, au mois, ou à l’année, selon les accords. La Loi Aubry, elle-même, permet que les heures travaillées entre la 35ème et la 39ème ne soient pas majorées Enfin, une nouvelle loi sera élaborée fin 99 sur la base des accords d’entreprise qui deviendront la règle, ce qui casse les conventions collectives garantissant un minimum de droits aux travailleurs d’un secteur. Signalons que, de toute manière, les accords de branche, actuellement signés, remettent déjà en cause les conventions, par une multiplication des possibilités de dérogation. Tout cela s accompagne évidemment d’exonérations de charges pour les patrons, ceci afin de ne pas être "anti- économique", comme les représentants de la Gauche plurielle nous l’ont si bien dit. Le patronat a fait semblant de s’énerver, tout en sachant très bien qu’il emploie de plus en plus de gens sur la base de contrats précaires, et/ou à temps partiel, et que les gouvernements de Droite comme de Gauche collaborent franchement en faisant passer des lois qui lui permettent d’employer comme il veut, quand il veut. En bref, 35 ou 39 h, là n’est pas le problème, quand on peut mieux rentabiliser la main d’œuvre

LA CERISE SUR LE GATEAU

La Loi Aubry définit la notion de "temps de travail effectif’. Il s’agit désormais du temps de travail mis "à la disposition de l’employeur", "sous ses directives", "sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles". Les temps de pause sont donc déduits, ce qui permet des calculs pour réduire artificiellement le temps de travail et s’approcher ainsi des 35h légales, à moindre coût. Notre temps de travail ne sera donc plus celui passé sur notre lieu de travail, ce qui va réduire d’autant notre temps libre. Ajoutons que les entreprises ne demandant pas les aides de l’État ne seront pas contrôlées sur l’application des 35h. Beaucoup d’entre elles ne vont pas créer d’embauche supplémentaire comme prévu, ce qui va obliger les salariés à bosser plus, pour compenser les heures supprimées. Cela a l’avantage d’habituer la main d’œuvre à travailler plus vite. En bref, 35 ou 39h, là n’est pas le problème quand on peut calculer un "temps de travail effectif", et ainsi, intensifier le travail.

DES CONSEQUENCES CONCRETES POUR TOUS

-  Un temps de travail de plus en plus flexible, avec des semaines pouvant compter jusqu’à 48h, et un maximum de 10h par jour, maximum dépassable grâce à des dérogations.
-  Remise en question des deux jours de repos consécutifs du week-end.
-  Quelle organisation de notre vie privée, nos loisirs, notre temps libre dans ces conditions (avec des emplois du temps communiqués d’une semaine à l’autre, par exemple) ?
-  Disparition de la notion d’heures supplémentaires (qui, certes, sont souvent non payées) : une "meilleure" répartition des heures selon les impératifs du patron permettra d’éviter d’y recourir.
-  Difficulté de s’organiser syndicalement, organisation déjà rendue délicate par la multiplication des contrats précaires et de l’intérim, renforcée par la modulation des horaires, et l’intensification du travail.

Pour vous donner un exemple de ce qui est en train de se faire, prenons le cas de l’éducation spécialisée. Au nom des 35h, les employeurs dénoncent la convention collective et font les propositions suivantes :
-  Blocage des salaires en 2000 et 2001, blocage de la progression d’ancienneté pendant 3 ans, Suppression des temps de réunion du calcul du temps de travail hebdomadaire,
-  Suppression des congés d’ancienneté,
-  Étalement sur l’année des 18 jours de congés trimestriels,
-  Suppression de la majoration familiale de salaire.

ET LES SYNDICATS DANS TOUT ÇA ?

Malheureusement, le syndicalisme de lutte de classe a bel et bien disparu de l’esprit des grands centrales syndicales. Empêtrés dans la cogestion avec le patronat, liés à des partis politiques ou ultra-corporatistes, nourrissant de véritables bureaucraties, les syndicats ne sont qu’un rouage du système. D’un côté, ils négocient au nom des travailleurs pour éviter des luttes trop radicales, en les encadrant et les canalisant. De l’autre, ils nous font accepter des mesures voulues par les patrons et les actionnaires, en nous expliquant qu’il vaut mieux être "raisonnable". Beaucoup d’adhérents sincères, ayant confiance dans leurs représentants, se font ainsi berner. Pour nous, seul un rapport de force conséquent permet de négocier correctement, par le biais de délégués mandatés et révocables par l’AG des salariés en lutte, avec présence d’un maximum de salariés. Pour information, en octobre 95, les grandes centrales réformistes signent avec le CNPF les accords sur l’aménagement du temps de travail, stipulant que la "RTT constitue un élément de lutte contre le chômage lorsque de nouvelles formes d’aménagement du travail permettent des gains de productivité" et si la CGT n’a pas signé au niveau national, elle signe de toute manière au niveau local plusieurs accords d’entreprises allant dans ce sens.

Dans un tel contexte, il faudrait un mouvement massif et autogéré portant des revendications compréhensibles par tous, comme la réduction immédiate et massive du travail, sans perte de salaire, sans flexibilité, avec embauches pour ceux qui le souhaitent, comme les moyens technologiques actuels le permettent. Voilà quel est notre intérêt de classe, par opposition à celui du patronat, qui est d’embaucher le moins possible pour sauvegarder ses profits, tout en promouvant la flexibilité qui lui permet de les accroître.

Quand on voit ce qui se passe sur différents points les 35h, les retraites, le rapport ATTALI, il y a des raisons de décréter la grève générale. La gauche est en train de faire passer ce que la droite elle-même désire, mais n’aurait pu faire aboutir sans prendre le risque d’un mouvement social de grande ampleur, comme décembre 95 l’a montré. On peut aller jusqu’à se demander si Chirac n’a pas dissout la Chambre des Députés en 97, pour que la gauche, "surfant" sur décembre 95, n’arrive au pouvoir et accomplisse les réformes souhaitées avant l’arrivée d’échéances européennes comme l’EURO, ou l’ouverture des marchés nationaux à la concurrence européenne dans tous les domaines. La gauche au pouvoir est donc le meilleur instrument de l’idéologie libérale.

Mais si nous ne sommes pas (encore) dans une phase offensive, au moins pourrions-nous nous défendre correctement, en refusant le développement des contrats précaires, la généralisation de l’intérim, toutes les lois qui rapprochent toujours plus le marché du travail d’un marché aux esclaves, toute atteinte à nos droits syndicaux, et en refusant de nous intégrer au système, notamment syndical, ou "représentatif"...

CNT-AIT, Tours


CNT-AIT



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