Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Solidarité ou récupération ?

Retour sur le mouvement lycéen de 2005

jeudi 13 octobre 2005

Le mouvement lycéen de l’année 2005 a été exemplaire à plus d’un titre. Pendant plusieurs mois, des milliers de jeunes lycéens ont mené un mouvement auto-organisé, pour le retrait de la loi Fillon mais aussi pour une minorité non négligeable d’entre eux avec des objectifs très radicaux. Occupations, grèves, manifs spontanées et joyeuses, ils ont renoué avec une tradition de lutte que nous leurs aînés avons oublié. Pendant leur mouvement, ils n’ont reçu concrètement et véritablement le soutien d’aucun parti politique, ni syndicat, qui étaient tous occupés à la seule chose « sérieuse » du moment : la campagne politicienne pour le NON au référendum. Ainsi, le jour de l’ignominieux Lundi de pentecôte travaillé gratuitement, les seuls à avoir officiellement appelé à manifester à Paris sont ... les lycéens ! Les valeureux syndicalistes - eux - avaient la tête ailleurs.

A la fin du mouvement, pour lui donner un coup de grâce fatal, le gouvernement a procédé à des arrestations massives (plus de 180 lycéens arrêtés à Paris au cours d’une souricière policière et des dizaines d’autres en banlieue et en province). Le mouvement d’auto-organisation lycéen à la base ayant disparu par essoufflement, les organisations syndicales et politiques se retrouvaient dans une configuration qu’elles connaissaient et maîtrisaient, d’autant plus que le référendum était fini et qu’elle comptait bien utiliser tout le champ militant pour essayer de capitaliser leur résultat. On vit donc apparaître un Collectif de soutien aux lycéens inculpés, au départ à l’initiative de la coordination lycéenne mais très vite accaparé par tout le ban et l’arrière ban de la gauche.

Du point de vue de l’organisation interne du Collectif, dès le départ, la parole des lycéens a été confisquée par les adultes. Alors que le mouvement lycéen était auto-organisé, fonctionnant en démocratie directe, le Collectif a très vite retrouvé les mauvaises habitudes des politicards classiques : saucissonnage en multiples commissions qui sortent de leur cadre technique et prennent des décisions politiques, sans en référer ; enchaînement des conférences de presses, réunions, commissions, déclarations, etc ... Tout cela est incompatible avec un fonctionnement collectif (justement ...) et opère une sélection « par le temps » qui ne permet qu’aux permanents politiques ou syndicaux de pouvoir vraiment suivre le mouvement ...

Ainsi, alors que le mouvement lycéen avait su être inventif dans ses moyens d’action et d’expression, il ne faut pas s’étonner que - mis sous influence - le collectif retombe dans le schéma classique des vielles tactiques éculées - et inefficaces : signatures de pétitions par les élus et les personnalités (les signatures d’ouvrier ou de chômeurs n’ont pas de valeur semble-t-il),conférences de presse squelettiques mais qui permettent à certains de se mettre en avant, apparitions médiatiques de quelques vedettes (ce qui a donné le résultat calamiteux de l’émission de Fogiel), rassemblements devant le ministère avec un tract où il y a plus de sigles que de participants, manifs avec sono bruyante qui empêche les discussions entre participants mais dont le micro ne tourne qu’entre les mains de deux ou trois personnes, etc ... Très rapidement le Collectif s’est enfermé dans le ghetto militant, en concentrant son action sur les concerts (qui n’intéressent que le petit milieu) et en courant les manifs militantes en tout genre, plutôt que d’organiser des piquets devant les lycées, pourtant les premiers concernés.

Le Collectif de soutien est donc devenu le champ clos des rivalités politiques stériles. On a vu des groupes gauchistes protester parce que leur nom était mal orthographié en bas des tracts. Comme quoi ce qui compte pour eux, c’est avant tout la publicité qu’ils compte retirer de l’affaire ...

Preuve qu’il s’agit d’une pathologie politique, le même phénomène est à l’œuvre en province. Par exemple, dans le Comité de soutien de Millau dans l’Aveyron, les principales organisations politiques ont annoncé la couleur en disant que le comité devait participer à la préparation du terrain pour les prochaines élections municipales ...

Des lycéens ont bien tenté de protester contre la bureaucratisation du Collectif, mais minoritaires parmi les représentants d’organisations politiques, ils sont dépossédés de leur lutte et leur voix a été étouffée. Le comble étant que ces lycéens qui posaient les questions gênantes en osant demander la souveraineté des AG ont été taxé par les gauchistes de ... « manipulés » ! C’est sur qu’avec de tels soutiens, les lycéens inculpés ont plutôt du souci à se faire ... Il est impossible de construire un réel rapport de force dans ces conditions. La justice l’a bien compris, et ce n’est pas la faiblesse des mobilisations qui vient la contredire le jour des procès. Les verdicts des premiers procès sont d’ailleurs lourds pour les faits reprochés (prisons avec sursis).

C’est pourquoi il est vital d’apporter un soutien direct en étant présent les jours de procès de façon à montrer à la “justice” que les lycéens ne sont pas complètement isolés. Nous pouvons vous communiquer les dates des prochains procès si vous souhaitez apporter votre soutien.

Tiré du numéro 1 d’Espoir


CNT-AIT



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