Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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35 HEURES : LA DEUXIEME LOI [1999]

samedi 1er mai 1999

Pour les 1,5 millions de travailleurs concernés par les 1600 accords d’entreprise signés, les 35 heures sont synonymes d’une offensive patronale contre leurs conditions de vie et de travail.

Horaires flexibles, annualisation du temps de travail, remise en cause des temps de pause, baisqe déguisée des salaires, augmentation du nombre d’heures supplémentaires, dénonciations de conventions collectives... la "mesure sociale" du gouvernement est une véritable avancée patronale.

Et pour ce qui est de la "lutte contre le chômage", la loi Aubry n’a officiellement permis que de créer ou de sauvegarder 40.000 emplois. Et encore, il faudrait soustraire de ce chiffre ridicule les emplois précaires, les suppressions de poste déguisées en création (comme à Peugeot-Citroën avec une embauche pour trois départs en retraite, une pour 2,7 départs à Renault), les chiffres bidouillées pour toucher des aides gouvernementales... Et tant que l’on parle du chômage, rappelons que d’après les chiffres officiels du ministère de l’emploi (chiffres qui ne font pas les titres des médias), la France compte actuellement 4,2 millions de demandeurs d’emploi. En effet, le chiffre de moins de 3 millions de chômeurs ne concerne en fait que les chômeurs de catégorie 1, c’est-à-dire ceux qui cherchent un travail à plein temps en contrat à durée indeterminée, qui sont immédiatement disponibles, qui n’ont ppas travaillé plus de 78 heures le mois précédent et qui sont inscrits à l’ANPE. Et encore, les 280.000 chômeurs "trop agés pour trouver un emploi" et les 200.000 chômeurs des DOM-TOM ne sont pas pris en compte.

Dans "Le Monde" du 21 juin, Aubry a tracé les grandes lignes de la deuxième loi sur les 35 heures ; bien loin de remettre en question les dégradations des conditions de travail consécutives à la première loi, ces grandes lignes ne font que souligner encore plus le caractère anti-ouvrier de cette mesure.

Aubry offre aux patrons une année supplémentaire de transition pour permettre le passage aux 35 heures. Jusqu’en 2001 pour les entreprises de plus de 20 salariés (2002 pour les autres), les quatres heures supplémentaires hebdomadaires (différence entre 35 et 39 heures) ne seront majorées que de 10% (au lieu de 25%). Rien ne garantit d’ailleurs que ces 10% soient versés aux travailleurs puisqu’Aubry "s’interroge" et indique que "pour l’année 2000, la majoration de 10% pourra être versée à un fond, dont nous débattrons la destination avec les partenaires sociaux." Les "partenaires sociaux", ce sont, faut-il le rappeler, les syndicats réformistes (dont la CFDT qui se félicite de la deuxième loi) et le MEDEF (ex-CNPF). On pourrait ainsi voir des salariés travaillant en heures supplémentaires dont la majoration alimentera un fond destiné à verser de nouvelles aides au patronat. A quand les "samedis capitalistes" où des travailleurs iront bénévolement à l’atelier, au chantier ou au bureau afin de "financer des créations d’emplois" ?

Aubry a déclaré que pour les smicards dont le temps de travail sera ramené de 39 à 35 heures, "leur salaire mensuel ne baissera pas." Précisons qu’elle ne parle que des smicards et pas de l’ensemble des salariés. Or, même avec un salaire supérieur au SMIC, il est parfois déjà difficile de joindre les deux bouts. Et pour ce qui est du SMIC, malgré cette déclaration, la ministre de l’exploitation et du chômage refuse catégoriquement une augmentation de 11,4% du SMIC (et des autres salaires) horaires, ce qui serait la seule garantie valable pour éviter toute baisse de salaire. D’autant qu’Aubry n’a pas abordé la question des travailleurs à temps partiel, c’est-à-dire ceux qui travaillent au plus 34 heures par semaine. Ainsi il ne serait pas étonnant de voir dans les mois prochains une multiplication des contrats à temps partiels. Cette situation constitue en plus un cafouillage juridique en créant deux SMIC, un SMIC horaire et un SMIC mensuel pour les salariés qui passent de 39 à 35 heures. Et dans cette usine à gaz juridique, il est clair que bien des patrons pourront se payer (quand ils ne les ont pas déjà) des conseillers juridiques pou profiter au mieux des nouvelles dispositions légales, alors que les salariés se feront avoir. On peut en effet énnoncer comme règle que plus une loi est compliquée est plus elle est défavorable aux travailleurs.

D’autant qu’au même moment où Aubry annoncait les grandes lignes de sa nouvelle loi, des inspecteurs du travail dénonçaient devant l’Association des Journalistes l’aggravation des conditions de travail, indiquant que le passage aux 35 heures détériore encore la situation. Les patrons auraient, il est vrai, tord de se priver, puisqu’en 1995 moins de 1% seulement des infractions au code du travail étaient sanctionnées et encore ce sont des peines ridicules (18 amendes de moins de 200 francs par exemple pour Tati qui imposait des semaines de 63 heures à certains salariés). Mieux vaut sur-exploiter des ouvriers, briser leur vie privée et leur santé, que de prendre le bus sans ticket !

Enfin, la deuxième loi Aubry réaffirme les principes de flexibilité et d’annualisation du temps de travail. C’est bien dans la continuité politique de la gauche plurielle, des discours "sociaux" pour mieux préparer les attaques contre la classe ouvrière. Il est à noter que dans ces grandes lignes, Aubry n’aborde même plus la question du chômage et des créations d’emploi, alors que c’était là le but officiel de cette loi.

Mais si les conditions de vie des travailleurs et des chômeurs se dégradent, tout ne va pas si mal dans la France gérée par les "socialistes" et leurs alliés verts ou "communistes". Alors qu’ils n’étaient que huit l’an dernier, quinze entrepreneurs français ou grandes familles de l’hexagone ont trouvé une place dans le classement mondial des grandes fortunes réalisé par le magazine américain "Forbes". Citons d’abord Philippe Foriel-Destezet, PDG d’Adecco, qui s’engraisse grâce au développement du travail précaire, avec une fortune estimée à 2,4 milliards de dollars (+50% depuis 1996). Les guerres restent elles aussi un marché porteur avec Serge Dassault et sa fortune estimée à 3,4 milliards de dollars. Citons aussi les fortunes de la famille Halley (groupe Promodès) estimée à 4,8 milliards de dollars, de Bernard Arnault (PDG de LVMH) 6 milliards de dollars, de François Pinault (groupe Pinault-Printemps-Redoute) et des familles Seydoux et Schlumberger estimée chacune à 6,4 milliards de dollars ou celle de la famille Mulliez (groupe Auchan) estimée à 9,8 milliards de dollars. Enfin, en tête de ce palmarès des capitalistes français, on trouve Lilliane Bettencourt, actionnaire principale de Loréal (10ème rang mondial) avec une fortune estimée à 13,9 milliards de dollars (87,7 milliards de francs) soit +21% par rapport à l’an dernier. Elle a ainsi empoché plus de 14,6 milliards de francs en une année, c’està-dire plus de cinq SMIC par minute !

Profits en hausse pour une infime minorité, dégradation des conditions de vie et de travail des salariés, misère pour les chômeurs... Consciente de ses intérêts de classe, la classe capitaliste mène une offensive sur tous les fronts contre ce que les travailleurs ont conquis de haute lutte. Flexibilité par le biais des 35 heures, multiplication de l’emploi précaire, attaques contre les retraites et la sécu, il est plus que jamais nécessaire de riposter, de s’organiser et de passer à la contre-offensive. Car ces milliards extorqués sur notre dos, ces richesses qui s’accumulent alors que la misère se développe, c’est nous, travailleurs salariés, qui les produisons. En nous croisant, tous ensemble, les bras, nous avons les moyens de briser l’exploitation !

CNT AIT Besançon


CNT-AIT



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