lundi
27 septembre 2004
Avant propos de la réédition de la Brochure "DU MENSONGE RADIOACTIF ET DE SES PRÉPOSÉS".
ASSOCIATION CONTRE LE NUCLÉAIRE ET SON MONDE
B.P. 178, 75967 PARIS CEDEX 20
« C’était il y a longtemps,
et ce n’est pas vrai. »
Vasilij Saragovedz, un des liquidateurs de Tchernobyl, mort en 1999.
(in Le Sacrifice, film de Wladimir Tchertkoff)
Depuis la publication des textes de cette brochure, onze années se sont écoulées. Elles ont vu un monde prendre forme, celui construit notamment sur la politique négationniste des États nucléaristes au lendemain de Tchernobyl. Selon les nucléaristes qui couvrent le désastre de Tchernobyl depuis dix-huit ans, « près de 8 millions de personnes vivent actuellement dans des territoires contaminés par l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986. Ces territoires représentent près de 140 000 km 2 et sont situés dans trois républiques de l’ex-URSS : la Fédération de Russie, l’Ukraine et la République du Bélarus. [1] » Les nucléaristes ne peuvent plus parler comme en 1986 de « radiophobie » (selon les experts, « peur de la radioactivité dénuée de tout fondement » ) tant ce mot a sus-cité de rejet parmi les êtres humains contraints de survivre sur des territoires contaminés pour des centaines d’années. En Bélarus, les défenseurs de l’industrie nucléaire collaborent avec le régime néo-stalinien et mafieux en place pour dissocier les pathologies observées de la radioactivité (alors que 80% des enfants de Bélarus sont aujourd’hui malades). Des scientifiques sincères (parfois inconscients des intérêts en jeu) rompent l’omerta et ne peuvent plus s’exprimer publiquement . Certains sont persécutés, comme le professeur Youri Bandajevsky, qui crève aujourd’hui dans une prison de Gomel pour avoir établi le rôle du césium 137 dans l’apparition de multiples pathologies : il a été condamné en 1999 à huit ans de prison à régime sévère par un tribunal militaire.
Sous la houlette des experts nucléaires français, flanqués désormais de communicants spécialisés dans la gestion du risque social (en ce moment Mutadis Consultants) des équipes se relaient afin de tenter de restaurer ce qu’ils appellent la « confiance sociale » et d’« occuper le terrain », comme l’a déclaré l’un d’eux.
Après Ethos 1 et 2 (1996-2001), ils viennent de lancer en 2002, Core [2] , programme de « développement durable sous contrainte radiologique ». Voici, à travers quelques citations, la manière dont les experts internationaux s’intéressent aux conséquences de Tchernobyl et contribuent au maintien et à la soumission des populations sur les territoires contaminés.
Heriard Dubreuil., directeur de Mutadis Consultants, The Ethos Project in Belarus (1996-1998) [3]
Tsalko Vladimir, président du Comité Tchernobyl de Belarus,organisme de l’État de Bélarus. Équipe Ethos
Jacques Lochard, Ethos, directeur du CEPN Centre d’études sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire créé par EDF, le CEA et la Cogema
Priorités en radioprotection - Propositions pour une meilleure protection des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants.
Rapport de la commission Vrousos remis à André-Claude Lacoste, directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, le 2 mars 2004.
On notera que des mots et des expressions qui ne concernaient que les travailleurs de l’industrie nucléaire (« culture radiologique », « qualité radiologique ») ont vu, avec les progrès de la contamination radioactive, leur champ d’application s’étendre à la société entière. Il s’agit d’impliquer le « non-expert » (la victime !) à ce qui lui est imposé et infligé : l’adapter à une nouvelle nature étrangère et menaçante créée par l’intégration d’un mode de production mutagène et cancérigène [7]
Il faut diluer les responsabilités et laisser crever en silence. Le rapport français de la commission Vrousos, intitulé Priorités en radioprotection - Propositions pour une meilleure protection des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants, rendu public le 2 mars 2004, vient confirmer que les experts français ont déjà intégré dans leur novlangue destinée aux populations ce qu’ils ont expérimenté à Tchernobyl (dans le jargon des experts, c’est le retour d’expérience [8] ...). Aussi, chacun doit savoir que, lorsque éclatera la « surprise » (comme le directeur du CEPN, Jacques Lochard, a récemment appelé la catastrophe nucléaire à venir), ce n’est pas de radioactivité dont l’armée s’occupera mais bien de contenir la colère et l’angoisse des populations pour assurer la continuité du « service public » de l’électricité « nucléaire ».
Il faudra donc que les irradiés avalent ce néo-langage, qu’il acceptent avec fatalisme de survivre et de mourir en comptant les becquerels.
Nous avons décidé de republier la dénonciation de ce négationnisme que certains d’entre nous avaient faite en 1993.
Au moment où, en France, le pouvoir nucléariste considère qu’il s’est suffisamment renforcé pour pouvoir envisager de lancer le renouvellement du parc nucléaire, nous avons jugé utile de montrer en partie sur quel terrain cette certitude se fonde : à la fois sur la volonté de compromettre chacun avec l’industrie nucléaire (à coups de campagnes de propagande publicitaire) et sur le fait que toute opposition s’est dissoute dans le verbiage citoyenniste quémandeur et respectueux de l’État [9].
Nous avons ajouté au texte original Sage comme des images, texte répondant à l’apparition du « Réseau pour sortir du nucléaire », en 1998. Il montre comment les diverses variantes d’une opposition défaite se sont cristallisées pour ne laisser place qu’à un lobby indigent dont les perspectives dérisoires consistent à culpabiliser le citoyen sur sa consommation d’énergie, alors que ces fameux « choix énergétiques » se font de toute façon sans lui. Soucieux de l’avenir d’EDF, ce réseau veut « développer les économies et les énergies renouvelables [ce qui créerait selon lui] « un formidable gisement d’emplois utiles et durables ».
Malheureusement, le nucléaire n’est pas un accident de l’histoire. Il s’inscrit dans la course à l’industrialisation du monde, qui, avec ou sans énergies « renouvelables », s’accompagne d’un cortège toujours plus impressionnant de destructions de masse, de guerres, et surtout d’un chaos social qui s’annonce désormais comme les conditions de vie « normales » dans notre société.
[1] Programme Core, financé par l’Union européenne (Coopération pour la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires de Biélorussie contaminés par l’accident de Tchernobyl, 15 novembre 2002).
[2] Ibid. note 1.
[3] Document disponible sur le site www.cepn.asso.fr
[4] Actes du séminaire international sur la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl : la contribution de l’approche Ethos, Stolyn, Biélorussie, 15-16 novembre 2001. Document disponible sur le site www.cepn.asso.fr
[5] Ibid. note 1.
[6] Ibid. note 4.
[7] « On peut considérer que ce sont 80 à 90 % des cancers qui sont causés par la dégradation de notre environnement » (Ces maladies créées par l’homme, Dominique Belpomme, p. 30). Ce cancérologue est chargé de mission pour la mise en oeuvre du plan Cancer en France. Ce serviteur de l’État très soucieux de stratégie médiatique s’affirme exclusivement spécialiste des cancers d’origine chimique. Interrogé récemment par un journaliste de Fréquence Paris Plurielle pour une émission sur le nucléaire, il a refusé de répondre pour « ne pas être décrédibilisé ». « En ce moment, il ne faut pas parler du nucléaire , il y a l’effet de serre » a-t-il affirmé. »
[8] « À l’issue du projet Ethos, la Commission européenne a reconnu l’intérêt d’engager une réflexion sur les conditions et les moyens d’application de la démarche pour l’Europe occidentale et, à cette fin, soutient le projet Sage. Ce dernier vise à élaborer un cadre stratégique pour le développement d’une culture de protection radiologique pratique en cas de contamination radioactive à long terme, aussi faible soit-elle, suite à un accident nucléaire ou tout autre événement ayant entraîné une dispersion de radioactivité dans l’environnement. » Strategies and Guidance for Establishing a Practical Radiological ProtectionCulture in Europe in Case of Long Term Radioactive Contamination after Nuclear Accident (EC contract FIKR-CT2002-00205) - Document disponible sur le site www.ec-sage.net
[9] Des OGM et du citoyen, Quelques ennemis du meilleur des mondes, janvier 1999, publié par nos soins.
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