Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Ni Dieu Ni Darwin

jeudi 29 juin 2006

Depuis plusieurs années, les chaînes de télévision (La 5, FR3, Animaux, Planète, Disney TV, Arte, ...), un nombre important de périodiques récréatifs pour enfants, et plusieurs radios nationales (France inter, France info, France culture) diffusent des émissions dites "scientifiques" sur les êtres vivants, leur lutte pour la survie, leur combat pour la reproduction, et leur investissement dans la transmission de leurs gènes.

Mélange trivial d’anthropomorphisme, de fausses évidences, de spectaculaire violent et d’idéologie libérale (au sens de "la loi du plus fort"), ce discours, s’appuie sur une discipline fort en vogue, l’écologie comportementale, et se fonde sur le néodarwinisme qui se présente pour ses partisans comme la seule vérité universelle sur l’évolution du vivant et sur ses formes actuelles. Drapé de la "bénédiction" de quelques scientifiques patentés ayant compris tout l’intérêt qu’ils pouvaient tirer à titre personnel et professionnel de cette reconnaissance médiatique, ces articles et ces émissions propagent à tout va un discours typiquement capitaliste réduisant l’histoire du vivant à une compétition féroce et sans fin entre des gènes avides de domination planétaire. Des termes comme "maximiser son succès reproducteur", "coût et bénéfice d’une stratégie", "investissement parental", "budget-temps", "capitalist breeder", "optimal foraging" fleurissent à longueur de discours tant dans les revues scientifiques de l’écologie comportementale (voir "Ecologie comportementale" de E. Danchin, L. A Giraldeau et F. Cézilly, aux Editions Dunod) que dans les émissions et les articles de vulgarisation sur le vivant.

La vie et ses mécanismes réduits à un flux d’énergie et à une compétition entre gènes cyniques et calculateurs, voilà le monde tel qu’il fonctionne depuis l’apparition de la vie sur notre planète si l’on écoute les chantres du "monde génique" !

On voudrait expliquer à des enfants (de tout âge) que le capitalisme est "naturel" puisqu’il fonctionne de la même façon que la nature, que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

La remise au goût du jour des thèses créationnistes et autre mysticisme, grâce notamment au lobby protestant étasunien, offre aux tenants d’une vision "capitaliste" du vivant une nouvelle virginité.

Alors que les impasses actuelles de la génétique apparaissent au grand jour [1] et que d’OGM en thérapie génique, on assiste à une course folle d’apprentis sorciers courant après leurs promesses frauduleuses de bonheur et d’immortalité par la science, l’opposition “Dieu” contre “Darwin” va générer une réduction totale du débat sur le vivant à une dualité fausse et stérile. Demain encore plus qu’aujourd’hui, qui critiquera le néodarwinisme et ses prétentions d’explication synthétique de l’évolution se verra taxé de créationnisme aigu. Qui proposera de nouvelles hypothèses pour expliquer des mécanismes biologiques déterminant les formes actuelles du vivant et ses modes d’organisation devra sous peine d’anathème choisir l’un ou l’autre camp !

Et pourtant, bien d’autres alternatives intéressantes (fascinantes ?) existent depuis les théories de l’autopoièse (lire "L’arbre de la connaissance" de H. Maturana et F. Varela chez Addison-Wesley) et de l’auto-organisation des formes (lire "Forme et croissance" de D’Arcy Thompson aux éditions de Seuil et "How the leopard changed its spots" de B. Goodwin chez Charles Scribners’s sons) jusqu’à celles de l’enaction (lire "Invitation aux sciences cognitives" de F. Varela aux éditions du Seuil) et de l’exaptation (lire "Exaptation - a missing term in the science of form" de S.J. Gould et E. Vrba dans Paleobiology Vol. 8).

Mais avoir à choisir entre un "designer intelligent" (“Dieu”) et des "gènes égoïstes" (Néodarwinisme), entre deux vérités absolues et définitives, ne laisse plus de place à la raison première de l’activité scientifique : s’interroger de façon ouverte et non sectaire sur le monde pour mieux le comprendre. Peut être sommes-nous aujourd’hui à la veille d’une nouvelle bataille de clocher, à moins qu’il ne s’agisse d’une guerre de religion.

Dès lors, que nous soyons les sujets dociles d’un "dieu despote" ou les "simples véhicules fugaces et futiles de gènes guerriers et calculateurs", il nous faudrait accepter d’être les anonymes sujets d’un monde qui nous excède et nous (pré)détermine ! D’aucuns pourront toujours se risquer à mettre en doute la prétention de la synthèse néodarwinienne de tout expliquer. Ils seront alors rejetés au rang d’ignares et de dévots. D’autres pourront tenter de proposer des mécanismes explicatifs de l’évolution faisant l’économie d’un déterminisme génétique fort, ils seront montrés du doigt pour parjure scientifique.

On aurait tendance à proposer la relecture de vieux ouvrages tel que "La structure des révolutions scientifiques" de T. Kuhn (Editions Champs, Flammarion) ou "Autocritique de la science" de A. Jaubert et J. M. Levy-Leblond (Editions Seuil). On aurait envie de demander aux néodarwiniens quels sont leurs liens, via les OGM et la thérapie génique, avec l’industrie pharmaceutique et l’agro-alimentaire. On aurait presque l’audace de leur demander pourquoi la mise en doute de la théorie de "la sélection du plus apte" est interdite.

On aura surtout la sagesse de ne pas tomber dans le piège qui consiste sous couvert de "vérité scientifique" à substituer la censure au débat, comme certains le pratiquent déjà.

Et puis avant tout, entre deux totalitarismes de la pensée, on ne choisit pas. La vie, sa richesse, sa diversité et la soif de savoir de l’homme finissent toujours par échapper aux dogmes.

Salutations libertaires, Georges Henein Grup


[1] Si les séquençages du génome de plusieurs organismes -dont l’homme- existent dorénavant, l’incompréhension générale persiste sur les mécanismes complexes liant les gènes au fonctionnement tout aussi complexe des organismes -lire "Ni Dieu, ni gène" de J.-J. Kupiec et P. Sonigo aux Editions Seuil, ou "La fin du tout génétique" de H. Atlan aux Editions Inra)


CNT-AIT



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