samedi
28 décembre 2002
Ce texte, qui vient seulement de nous parvenir, a été écrit par un prisonnier en juin 2002. Nous en reproduisons l’essentiel, en omettant les lignes qui pourraient donner suite à poursuites pour diffamation et celles qui permettraient d’en localiser l’auteur.
Benoît a été libéré lundi de Pentecôte au matin.
Avant de nous quitter, il fit le traditionnel périple d’adieu. Il passa aux cellules du rez-de-chaussée puis chez nous, au premier. Un encouragement pour ceux qui restent. Un salut pour lui de notre part.
L’exceptionnel d’une libération un jour férié avait sauté aux yeux de certains d’entre nous. C’était bizarre. Ils auraient pu le libérer le samedi précédent ou le lendemain, mardi. En prison, si on ne sait pas, eux, ils savent. Et ils ne font rien au hasard.
Benoît n’avait pas fait trois pas dehors que la mort le rattrapa.
Le dimanche suivant, il était déjà trépassé.
Les médecins avaient-ils prévenu que ce n’était plus qu’une affaire d’heures ?
L’administration avait-elle peur qu’il meure en cellule avec tous les risques que cela représente pour la tranquillité de la prison ?
Voilà pourquoi on pouvait percevoir dans cette libération le malaise d’une précipitation. De la panique même. Après des mois d’attente inutile.
En effet, nous le savions malade. Très malade depuis longtemps.
A l’annonce de sa rechute, l’année dernière, et de l’inéluctable pronostic, nous nous étions mobilisés. Durant plusieurs heures, nous avions bloqué tous les mouvements de la prison en occupant le rond point central. Nous avions exigé la libération immédiate des détenus malades et celle de Benoît en particulier.
Les officiels étaient venus, le procureur et les flics, les directeurs...
Bien sûr, ils nous firent quelques promesses pour apaiser l’incendie.
Mais ce n’étaient que des engagements de Tartuffe.
Pire, car ils firent payer à Benoît le prix de cette mobilisation.
Lors de l’examen de sa demande de libération conditionnelle, dans les attendus du refus, il lui fut reproché d’être l’un des meneurs du mouvement.
Par la suite, l’administration et le JAP (Juge d’application des peines) n’ont eu de cesse de lui asséner le chantage : sa demande serait réexaminée en échange de son silence sur sa situation médicale. Les mois ont passé et le chantage a parfaitement fonctionné. Il s’est conclu par la libération de Benoît cinq jours avant sa mort.
Depuis janvier 2002, dans cet établissement de deux cents prisonniers seulement, trois détenus sont morts de longues maladies.
Il faut souligner que deux d’entre eux entraient dans les critères pour une libération conditionnelle et cela depuis des mois, voire des années. Mais le juge et le procureur en ont choisi autrement. Ils ont préféré les laisser crever derrière les barreaux, jusqu’au bout de la peine, jusqu’aux dernières heures. Benoît ne sortait pratiquement plus de cellule sauf pour les deux séances hebdomadaires de chimiothérapie. Il ne pouvait plus travailler. D’ailleurs, ceci lui valut cette réflexion d’une JAP : "Enfin, Monsieur, vous ne profiteriez pas de votre état de santé ?"
Désormais, le nom de Benoît s’ajoute à la longue liste des détenus morts dans notre Centrale depuis son ouverture. Les centrales de sécurité sont de véritables éliminatorium et, si elles sont très administrativement dénommées "établissements à effectif limité", il faudrait adjoindre "et de mort à foison".
Un maton éducateur rappelait fort justement qu’on meurt en prison comme à l’extérieur on meurt aussi. Mais ce que nous dénonçons, c’est l’acharnement d’une application des peines qui tend à enfermer les malades jusqu’à la dernière limite. Jusqu’au denier souffle de vie.
Pour Eddie, sidéen, ils ont attendu qu’il soit impotent pour le traîner sur un fauteuil jusqu’à l’ambulance. Il est décédé quelques heures plus tard.
Pour Yvon, victime d’une crise cardiaque, ils ont attendu qu’il perde connaissance pour le transporter aux soins intensifs.
Benoît, Eddie et Yvon avaient-ils été condamnés à la prison jusqu’à ce que mort s’en suive ? Non ! Alors, pourquoi cet acharnement ?
Un prisonnier
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