Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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UN ENFANT EN PRISON C’EST UN CRIME CONTRE L’HUMANITE

mardi 20 mai 2003

Retour sur image : mercredi 17 juillet 2002, le sieur Perben, Ministrone de la Justice en Chiraquie, a présenté devant le conseil des ministres le projet de loi sur le rétablissement des prisons pour enfants.

Comment peut-on s’étonner que la première loi de ce gouvernement soit une loi d’inspiration policière ? Depuis des lustres, les ministres de la Police, qu’ils soient de gauche ou de droite, la réclamèrent, de Gaston Deferre à Chevènement, de Pasqua à Sarkozy. Les petits piranhas de cités de l’exil périurbain inquiètent le bon peuple, accro aux drogues dures de la sécurité. Et la masse des électeurs n’a-t-elle pas choisi le parti de l’ordre ? Les journaux de TFN ont si bien su dealer leur camelote de trouille à chaque rayon ! Nous entrons dans le troisième millénaire avec une loi digne du XIXème siècle ! L’inspiration policière ne restera-t-elle pas toujours marquée par l’esprit de Javert, l’insupportable flic des Misérables ?

Rassurez-vous tout de suite, croyez-en notre longue expérience de la répression, vous avez prix le bon chemin, et de quelques petits voleurs de miches de pain, vous allez faire de redoutables forçats. Arrêtez... nous savons bien que de nos jours, ils vendent des barrettes de shit et tirent des portables. Mais l’esprit demeure le même. Le système réprime la misère qu’il a su si bien entretenir, et, tout naturellement, le néolibéralisme a opté pour la solution du bon vieux libéralisme bourgeois ... la criminalisation des pauvres.

Que vaut une société qui envoie ses enfants en prison ?

Nous ne croyons pas aux tartuffes bedonnants qui sacralisent les Ordonnances de 1945. Reconnaissons tout de même qu’inspirées de l’esprit de la Résistance et surtout par des hommes qui avaient connu la paille des prisons, ces lois étaient un mieux. Une tardive mais juste éradication des bagnes des enfants. Pourtant, elles ne furent jamais la panacée. Jamais. C’est facile de ne voir que le bon côté des choses en restant du côté du manche, toujours du côté du manche. Alors, profitons aujourd’hui de cet échange pour vous dire ce qu’a été l’expérience du côté du bâton. Car, pour ce qui est de l’après-guerre, nous voudrions vous raconter quelques histoires, souvent des histoires intimes.

Depuis les années 50, le gros du bataillon des réclusionnaires peuplant les centrales de ce pays est issu des quartiers populaires et forgé à la haine des foyers de la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse) et de la DDASS (Direction Départementale de l’Action Sanitaire et Sociale). Si les orphelinats ont produit une activité délinquante plus classique, la génération des "blousons noirs", réprimée dans les IPES -les maisons de correction des années 60- a été le fer de lance de la vague des équipes de braqueurs qui écumèrent les années 70. Leur audace se vérifiait dans les prises d’otage et les fusillades sanglantes. Les équipes se montaient autour des "Centres d’Education Surveillée", à Savigny-sur-Orge pour la banlieue sud, à Aniane pour le midi, et chaque région avait sa pouponnière de la nouvelle criminalité.

Les pères fouettards diront qu’avec de la mauvaise graine, on ne récoltera jamais de la bonne céréale. Eux, qui ressemblent si bien aux éducateurs qu’ils nous envoyèrent pour nous mater. Les cerbères essayèrent d’en finir avec notre révolte à coups de trique. Surtout, les soirs de fugue, quand les gendarmes nous ramenaient enchaînés. Ici, dans notre prison centrale, des décennies plus tard, il faudrait qu’on montre aux nostalgiques des Ordonnances de 45, quelques cicatrices moissonnées au nom de la déesse éducation.

Il y eut les privations, le "pain sec" pour les punis, et encore, un repas sur deux... Il y eut les arbitraires, les vexations, l’acharnement sur les souffre-douleurs. Ils nous donnèrent un bagage minimum. Juste celui dont on a besoin en prison : savoir mentir et dissimuler, résister au pire, faire les coups en douce, ne pas montrer ses sentiments -la politesse serait une faiblesse- et la sacro-sainte hypocrisie, toujours...

Dans certains établissements, les plus horribles, si l’on voulait bouffer à sa faim et échapper aux corvées les plus dégueulasses, il fallait accepter des éducs les caresses salasses...

Voilà comment fut "protégée" une partie de la jeunesse. Et l’on voudrait que l’on fut de gentils garçons. Nous n’étions pas bons, il est vrai, mais ils nous rendirent mauvais.

A la Centrale de ..., les jeunes des cités sont encore rares.

Ils écoutent du rap à fond la caisse, parfois tard le soir. Ils parlent aux fenêtres, comme aux Baumettes, ils roulent des épaules sur les coursives... Ce n’est pas bien grave. Pour sourire, on les surnomme d’un terme qui leur va si bien : les Gremlins.

Et pour le moment, les hordes de Gremlins sont abonnés aux petites peines. Ils peuplent les Maisons d’arrêt et les Centres de détention régionaux. Ils n’ont jamais su créer une délinquance nouvelle, ils sont restés dans leur quartier, en bas de leur immeuble, et ils se débrouillent seulement à la petite semaine...

Mais les experts de la tolérance zéro ne peuvent plus accepter ces accès de fixation à faible densité d’illégalisme. Ils veulent taper un bon coup de talon dans la fourmilière et démanteler la petite économie marginale faisant vivre des milliers de familles démunies. Vous n’avez plus l’intelligente gouvernance qui vous permettait de saisir qu’il faut impérativement laisser un espace d’autonomie relative entre la précarité néo-libérale -incapable de donner du travail à tous les pauvres- et l’assistanat de masse -réduisant des millions de personnes à la mendicité étatisée.

Les flics ont reçu carte blanche. Ils vont capturer au flash-ball plusieurs centaines de gamins. Puis, de plus en plus, toujours plus. Les juges pour enfants les jetteront dans les nouveaux cachots de la PJJ. Malgré leurs bonnes intentions, les éducateurs, les matons, les éducateurs-matons seront mobilisés pour le "tout sécurité". Ils s’enfermeront dans le conflit qui naîtra immanquablement et de toute évidence. Dans la prison, la répression l’emporte toujours. Le conflit entre celui qui souffre et veut s’enfuir et celui qui finit toujours par le surveiller et le punir est inéluctable. Dès cet instant, il n’y a plus de limite, l’engrenage est sans fond.

Nous n’avons rien de voyants extra-lucides, mais nos prévisions reposent sur le vécu du peuple des prisons. Et croyez-nous sur parole. Les bandes de Gremlins sortiront des foyers de la tolérance zéro avec pour seule éducation la capacité d’inventer une délinquance bien plus dure que celle de leurs prédécesseurs sortis de foyers de la DDASS et des Centres d’éducation surveillée.

Un prisonnier


CNT-AIT



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