Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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PAROLES DE PRISONNIERS

samedi 10 janvier 2004

L’État impose les intérêts marchands à grands coups de mesures économiques : les salaires n’augmentent plus, les licenciements deviennent de simples formalités, le chômage, le RMI sont revus à la baisse. Et pour ceux qui ne rentreraient pas dans le moule, des lois spécifiques permettent de parfaitement les encadrer.

La prison, c’est la menace ultime sans laquelle les autres menaces ne peuvent fonctionner. La hausse vertigineuse du taux d’incarcération n’est pas due au hasard mais à l’application des lois sécuritaires. Dans un contrat de dupes, l’État nous impose "sa" sécurité : vivre, c’est produire, consommer et se garder des "autres" qui chercheraient à profiter, voire à se saisir du peu que l’on détient. Vivre, c’est tout sacrifier pour posséder un petit quelque chose et passer notre vie à le défendre. Vivre, c’est s’enfermer de plus en plus dans un chez soi -au mieux familial- et éviter toute autre forme de relations qui pourrait mettre en danger un quotidien pourtant nourri d’ennui, de télévision et de médicaments. Vivre, c’est s’isoler.

Il est pour nous évident qu’une critique de la prison et de la société qui la génère ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les rapports de travail et les modes de production-consommation capitalistes. Ces deux aspects de l’organisation sociale sont indissociables puisque l’augmentation des places de prison va de pair avec la précarisation du travail.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, nous vous proposons une discussion autour du thème de la judiciarisation de l’espace public et des rapports sociaux. Ce thème soulève, nous semble-t-il, deux types de questionnements :

L’arsenal de dispositifs de contrôle et de lois sécuritaires quadrille toujours davantage nos vies dans cette société et en particulier toute tentative de lutte autonome : répression des luttes menées hors du strict cadre dicté par les centrales syndicales, nouvelle définition du terrorisme dans le cadre du Mandat d’arrêt européen (permettant de pénaliser toutes les formes d’action collective ou individuelle). Face à cette surenchère répressive des États, peut-on encore penser, en termes de légitimité, la lutte des mouvements ou des collectifs dans "leur société" ; celle, prétendument civile, désincarnée par les médias ou celle, transcendantale par nature, incarnée par les juges ?

De plus, cette catégorie de légitimité ne risque-t-elle pas de faire de la répression grandissante contre les mouvements de lutte, l’arbre qui cache la forêt de la répression sociale diffuse, que nous subissons quotidiennement dans les quartiers, les écoles, les lieux de travail ou de chômage ?

Nous assistons depuis quelques années à une réduction de l’horizon des luttes à un cadre strictement juridique. L’idée d’une Justice impartiale qui nous protégerait des abus des patrons licencieurs, des politiciens corrompus ou des policiers baveurs a fait son chemin. De "prolétaires" ou "rebelles" que nous étions, nous sommes devenus "exclus", "sans-droits", en un mot, des Victimes. Beaucoup d’entre nous engagent ainsi leur temps et leur énergie dans des procédures juridiques presque toujours vouées à l’échec, quand on ne se retrouve pas à crier "Chirac (ou Berlusconi) en prison", pour le plus grand plaisir du Hollande de service et la pérennisation des syndicats de matons. On réussit encore à vendre des slogans tels que "la loi, c’est le pouvoir des sans-pouvoirs" (Girontondini, Italie, 2002), alors qu’une journée passée dans les salles d’audience des comparutions immédiates ou du tribunal administratif suffit à voir quelles chances le pouvoir des juges laisse aux sans-pouvoirs que la police républicaine lui livre chaque jour en pâture. Serait-il devenu impossible de penser hors des catégories de l’État ?

Englués dans la société normative du contrôle intégré, sommes-nous encore capables de produire une pensée du conflit ? C’est là, selon nous, l’un des enjeux du moment, pour faire face à la capacité d’embrigadement des forums prétendument sociaux mais assurément citoyens, comme le sont les concierges zélés et démocratiques, ou les micro-trottoirs de TF1.

# Extrait d’un texte du Collectif Solidarité Prisonnier de Valence, Transmission CNT-AIT Isère.


CNT-AIT



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