Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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JUGE, ENCORE UN EFFORT POUR DEVENIR ANARCHISTE !

samedi 24 août 2002

Faisant -avec une absolue ferveur- confiance dans la justice de notre pays, nous ne pouvons l’accuser de légèreté dans le choix de ses magistrats. Ainsi, quand le juge Halphen accorde une interview à "Aujourd’hui en France"  [1] nous n’avons aucune raison de douter de son témoignage. Or, qu’apprend-t-on dans cette "incroyable confession" ? Rien auquel on ne croyait déjà. Laissons-lui la parole :

1) sur l’institution judiciaire :

"La même justice pour tous. C’est cette idée, pendant longtemps, qui m’a fait aimer mon métier. Plusieurs affaires, dont celle des HLM, m’ont fait toucher du doigt que cette justice-là n’existe plus. Il faut ouvrir les yeux. Des gens qui détournent des sommes considérables échappent à tout jugement, ou parfois, quand ils sont jugés, écopent de peines insignifiantes. Pendant ce temps, le voleur de sac à main du métro, pour lui rien n’a changé. Il prend toujours ses six mois fermes. La justice fonctionne à deux vitesses".

2) sur la classe politique :

"Les dossiers politiques sont exactement comme les dossiers maffieux. Personne ne parle (...) des hommes politiques, des personnages pourtant publics en sont réduits, devant les soupçons et les démonstration des dossiers, à se taire comme de grands truands" et aussi : "A mon sens, il n’y a guère de marché public, pendant des années, qui ait été totalement propre".

3) et enfin sur les RG [2] :

"Il y a là une catégorie de fonctionnaires qui serait au dessus des lois".

"Il faut ouvrir les yeux", nous dit le juge. Conseil judicieux certes, mais quelque peu superflu pour ceux pour qui les mensonges de la justice bourgeoise ont toujours crevé les yeux et pour toutes les victimes de celle-ci qui, littéralement, le soir dans leur cellule, n’arrivent pas à fermer l’œil. Le juge Halphen, lui, a été dans sa jeunesse "optimiste et naïf" : "Quand je suis devenu magistrat, j’avais un idéal de justice ... selon moi, le juge est là presque pour corriger les injustices du système". Il a cru pouvoir défendre la justice dans le cadre de l’institution. Celle-ci lui a vite dessillé les yeux : "On m’a mis des bâtons dans les roues tout le temps. On a sans cesse voulu m’empêcher d’enquêter." (J’ai été) "suivi, filmé, écouté, traqué. J’ai souvent eu peur." Aujourd’hui, il démissionne parce qu’on ne peut "y laisser la vie".

Halphen dresse un constat amer et lucide mais son entretien, trop bref, ne nous renseigne pas sur les causes qu’il attribue au mal qu’il diagnostique, ni sur le remède qui lui semble approprié. Il se peut que ce soit volontaire de sa part, mais il est bien possible qu’il n’en ait rien à dire, après l’effondrement de ses croyances. Il est le représentant de ce type d’individus honnêtes mais réformistes qui ont cru que le système est lui-même la solution au problème qu’il pose, que la justice est déjà la même pour tous ou, plus simplement, que le Droit existe.

Il a découvert, au péril de sa vie, que dans une société hiérarchisée, le Droit bourgeois n’est qu’un simulacre et qu’il n’existe que pour ceux qui y croient. La classe au pouvoir n’y croit pas et donc exerce librement sa domination par les deux voies, légale et illégale ; la majorité dans les groupes dominés y croit et donc exerce "librement" son choix entre la règle et la sanction, c’est-à-dire entre l’exploitation ("droit chemin" et manière légale de vivre en attendant la mort) et la répression.

Si le Droit bourgeois n’est pas une réalité première, c’est que c’est la domination bourgeoise qui l’est. Si le premier n’existe que de manière factice et mensongère, ce n’est qu’en tant que moyen de la seconde. C’est pourquoi, il faut d’abord cesser de croire au Droit pour voir l’aliénation. Et c’est pourquoi il est inutile de combattre celle-ci par celui-là. Bien plus, pour abattre l’un, il faut abattre l’autre.

Halphen, s’il eût été lucide et cohérent, au lieu d’intégrer la magistrature, aurait dû lutter contre elle de toutes ses forces. Il s’est fourvoyé dans l’usage de moyens déjà prévus par elle. Après des décennies de bons et loyaux services, il réalise son erreur mais son salut est précaire : une rechute dans ses anciens errements est toujours possible. On ne peut rompre avec le système à moitié. C’est bien l’erreur qu’il a jusque là commise et c’est bien la même qu’il lui faut à l’avenir éviter : l’anarchisme est le seul moyen. Sinon, il ne lui restera plus que deux issues : se murer dans une attitude aristocratique et cynique, ou bien se retrouver ministre de la Justice du premier gouvernement du prochain Président Jospin (à l’élection duquel il aura contribué en déstabilisant Chirac par ses révélations), ces deux solutions n’étant pas contradictoires.

Allez, juge Halphen ! la distance que vous avez parcourue a été longue, le chemin ardu et les sacrifices nombreux. Ce n’est pas le moment d’abandonner. Encore un effort pour devenir anarchiste !


[1] "Aujourd’hui en France", 14 janvier 2002 : "L’incroyable confession du juge Halphen". Le même interview est paru dans "Le Parisien".

[2] Renseignements Généraux, service d’information et de surveillance de l’Etat français, en particulier dans le domaine politique.


CNT-AIT



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