Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

[ Imprimer cet article ] [ Envoyer cet article ] [ Nous ecrire ]



Des lois sur mesure

[A propos des lois sur la présomption d’innocence]

mercredi 9 janvier 2002

DES LOIS SUR MESURE (juin 2000)

Deux projets de lois, qui sont en train de faire la navette entre le Sénat et la Chambre des députés, illustrent la réalité de la machine judiciaro-policière : cruelle pour les humbles, extra-souple pour les puissants. Il est vrai que ce sont eux qui taillent les lois sur mesure, avec un sans-gêne hors du commun.

Le commissaire a quelque chose à cacher.

Dans plusieurs pays, tous les interrogatoires qui ont lieu pendant une garde à vue sont enregistrés, sur des bandes infalsifiables. Lors des procès, ces bandes constituent une pièce de procédure à laquelle il est toujours possible de se référer. Un projet de loi prévoyait de faire la même chose en France. Cette mesure semblait tellement logique et normale aux députés que, le 10 février, ils l’ont adopté,-événement très rare- à l’unanimité. Aussitôt, les syndicats de flics et certains syndicats de magistrats se sont déchaînés. Leur violente opposition, les appuis qu’ils ont immédiatement trouvé dans la classe politique, ont fait voler en éclat ce projet, les députés n’hésitant pas à se renier et à rejeter le texte qu’ils avaient adopté. Jospin lui-même a donné le ton en disant qu’il n’était pas favorable aux enregistrements.

Pourquoi ce reniement ? Deux arguments sont avancés par les flics et repris par les politiciens pour refuser les enregistrements. Aucun des deux ne tient la route. Le premier est qu’il serait trop coûteux de mettre un magnétophone dans chaque pièce où se font des interrogatoires. Cet argument est tellement ridicule qu’on s’étonne qu’il ait pu être utilisé. Le prix de tels équipement, même d’excellente qualité, est en effet insignifiant au regard des fortunes que coûte chaque année le budget d’équipement de la police (le prix des armes et des protections d’un seul CRS permettrait d’équiper en magnétophones plusieurs dizaines de commissariats !). Le deuxième argument est que la personne interrogée pourrait crier pendant l’interrogatoire uniquement pour faire croire qu’on la frappe. La réponse à ce dernier argument est toute simple : il suffit de remplacer le magnétophone par une caméra vidéo. Dans notre pays, il y a des caméras vidéo partout dans les lieux publics, dans les rues, dans les grands magasins, dans les facs, les postes, même dans des parcs ou des piscines... Il serait curieux que le seul endroit où il serait trop coûteux et difficile d’en mettre soient les commissariats et des gendarmeries !

Si les policiers ne veulent pas entendre parler des enregistrements vidéos dans les commissariats (eux qui photographient, filment, notent, enregistrent écoutent les lignes téléphoniques ...), on ne nous fera pas croire que c’est par soucis de protéger leur intimité ! Il est clair que c’est parce qu’un certain nombre de leurs pratiques ne sont pas avouables.

Un exemple nous est donné dans le dernier numéro de Marianne (17 avril 2000). Ce journal, très proche du ministre de l’intérieur et de la police, nous en apprend une qui devrait faire réfléchir tout le monde : Joël, un fermier de 22 ans résidant à Sauvoy (Meuse), a été condamné selon la procédure d’urgence dite de comparution immédiate à quatre ans de prison, dont un ferme (qu’il a purgé pour moitié) pour "vol avec violence". L’affaire se complique quelques mois plus tard : deux braqueurs sont arrêtés, ils avouent, entre autres, le coup pour lequel notre fermier a été condamné. Le pot-aux-roses est découvert. Toute l’histoire de Joël a été montée par les gendarmes. N’ayant pas trouvé d’arme chez Joël, pour crédibiliser la déposition, ils inventeront même une histoire de pistolet-jouet, supposé appartenir au fils de Joël, que ce dernier aurait utilisé pour son attaque La question est : pourquoi Joël a-t-il "avoué" ? La réponse nous est donnée par Marianne elle-même "quelques insultes, quelques torgnoles" (sûrement plus que "quelques torgnoles"), la promesse d’une condamnation légère, et Joël a craqué, prêt à tout pour mettre fin à son supplice, prêt à signer n’importe quels aveux pour qu’on arrête de le frapper. Et c’est bien pour ça que les flics ne veulent pas d’enregistrements.

La vigueur de l’opposition policière à cette loi autorise à penser que les "méthodes" employées dans cette gendarmerie tranquille de la Meuse sont plus répandues dans tout le pays qu’on pouvait le craindre jusqu’à présent.

Ces irresponsables qui nous gouvernent.

Deuxième débat en cours au parlement : celui sur la responsabilité des élus. Après s’être largement auto-amnistiés de leurs délits au cours de précédentes législatures, les parlementaires préfèrent prendre les devants et se concoctent un texte aux petits oignons. La loi qu’ils préparent prévoit qu’en dehors de rarissimes exceptions, ils ne pourront plus être poursuivis pour les fautes qu’ils commettent dans leur gestion. Il était déjà difficile de poursuivre un élu, cela deviendra quasiment impossible. Si une nouvelle affaire du sang contaminé éclate, ils ne seront pas responsables. Si les volontaires qui ont nettoyé les résidus pétroliers de l’Erika attrapent un cancer, ils ne seront pas responsables non plus. Quelle que soit la catastrophe écologique, économique, sociale dans laquelle ils nous précipitent, les élus proclament par avance qu’ils n’auront aucune responsabilité ! Ce faisant, les politiciens se définissent eux-mêmes avec beaucoup d’exactitude : ils sont des irresponsables. De dangereux irresponsables.

Lucette


CNT-AIT



-  Contacter des militants anarcho-syndicalistes
-  http://cnt-ait.info est le site d’actualité de l’Anarcho-syndicalisme.
-  La reproduction et la diffusion de l’Actualité de l’Anarcho-syndicalisme sont encouragées

  Présentation
  Contacts
Déplier Abstention et résistances populaires
Déplier Dossiers
  ESPOIR (Bulletin du SIPN)
  FACE A LA CRISE
Déplier International
Déplier Luttes : actualité, bilans, archives
  LUTTES DANS LES QUARTIERS POPULAIRES
  Publications
  RESISTANCE POPULAIRE
  SOLIDARITE
Déplier Stratégie
  Sur la Toile
Déplier Syndicalisme ?
Déplier TRAVAILLER PLUS ? POUR QUOI ? PRODUIRE ? COMMENT ?
  YVELINES ROUGE ET NOIR

LISTE DE DIFFUSION
      S'ABONNER
     Votre adresse électronique :
     
     
     Un message de confirmation vous sera demandé par courrier électronique.
      Gérer son abonnement.
     Votre adresse d'abonné :
     
     
      CONSULTER LES ARCHIVES

[ Plan du site ] [ Haut ]
Traduction(s):

[ Haut ]

L'Actualité de l'Anarcho-syndicalisme sur votre site : backend.php3.
Site developpé avec SPIP, un programme Open Source écrit en PHP sous licence GNU/GPL.