samedi
6 septembre 2003
Ce texte s’adresse avant tout aux stratèges de la défaite, aux spécialistes de l’abandon comme aux doux rêveurs de l’autogestion pacifiste. Lorsque la rue se peuple de banderoles syndicales, les voilà tout en joie, parlant de futurs enchantés demain-matin-dès-l’aube promis et de révolution de velours, le pouvoir rendant les armes et la caisse au moindre grincement de dents du prolétaire, c’est bien connu. Mais au moindre bruissement de négociation ou de danses de Grenelle syndicales, les voilà qui pleurent l’espoir envolé et la révolution perdue dans les couloirs télévisés des assemblées.
"Faisons la grève avant les exam" recommandait l’étudiant si FIDEL, soucieux de ses lendemains de cadre au soleil éternel du libéralisme et de ses vacances. A croire que la sociale est affaire d’emploi du temps, de météo ou de slogan mobilisateur.
Certes, les manifs populaires et multicolores valent mille fois le silence et la grisaille du quotidien, mais on est loin de la révolte. La révolte, elle commence tout juste lorsque la manif dérape ou s’entête, quand les organisations syndicales nous disent de rentrer nous coucher parce que l’on bosse le lendemain et que quelques-uns leur répondent que demain c’est repos, c’est regrève… et que les autres, tous les autres applaudissent.
Au fond, au risque jouissif de décourager à jamais les chantres de l’abandon, les manifs du moment ne sont qu’un des outils de gestion de la paix sociale. Après les manifs syndicales, il y a les négociations avec spectacle, poing sur la table et jeux de chaise musicale. Si cela ne suffit pas, il y a la consultation populaire, le débat des élites sur le fond, le référendum, le changement de gouvernement, les élections législatives ou présidentielles s’il le faut. On pourrait les appeler les ficelles de la république. Après, si vraiment tout cela ne suffisait pas, il y a la force avec toutes les variantes que l’on connaît, de la provocation à l’occupation et la répression militaire. La république ne manque pas d’instruments de manipulation pour renvoyer les petits au boulot et les grands aux assemblées.
Lorsque l’on repose les pieds sur terre et que l’on ne se rêve pas en Bakounine de fanfare (Bakounine ! Au fait, combien d’années de zonzon ?), on vit ces manifs comme des brèches, comme des instants privilégiés où les gens, décadenacés du boulot et du quotidien marchand, ouvrent leurs oreilles et leur parole, redeviennent davantage solidaires, inventifs, critiques, partageurs. Ce sont des moments où nos idées pour un monde fraternel peuvent être entendues et partagées. Ce sont aussi des moments où nos pratiques de l’action directe et de la démocratie directe peuvent être mises à l’épreuve. Mais attention, pas de mistoufle, pas d’arnaque. Ce que l’on a à dire et à faire concerne bien une critique globale et un changement radical de société et l’instauration d’un monde sans classe ni privilège.
Pour nous, le seul succès qui vaille serait l’abolition des retraites, du salariat, de l’Etat, des églises et l’émergence d’une organisation autogestionnaire, sans centralisme ni hiérarchie des tâches ou des fonctions. Dans ces manifs, nous avons toute notre place, mais pas pour mendier une retraite moins miséreuse ou un maigre salaire à vie. Non, nous ce que l’on veut, c’est une vraie vie, sans salaire ni retraite, sans profit ni misère, avec du temps pour des tâches collectives, mais surtout toute la vie pour apprendre à vivre. Au final, dans ces manifs encadrées et gérées par le pouvoir syndical et policier, notre tâche est surtout de semer la rage et de rendre l’espérance. Eux s’en désolent, nous on la sème.
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