Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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PAS TRES NET

extrait du Combat Syndicaliste, sept.-oct. 2000

dimanche 19 août 2001

Gûtemberg et Ford réunis dans un discours où le marketing fait miroiter la liberté ; c’est l’image que l’on veut nous donner des nouvelles technologies de la communication. A en croire ce discours, l’occidental moyen pourrait, à bord de son clavier, devenir un Christophe Colomb et découvrir de nouveaux horizons en achetant, via internet, de la margarine chez Cora.

Contaminés par le messianisme marxiste qui élevait la technologie au rang de religion, et la présentait comme une étape indispensable vers un monde meilleur, certains " intellectuels " [1] ont trouvé une cohérence dans la défense et l’illustration de ce qui n’est somme toutes qu’une version moderne de la démocratie indirecte et censitaire. Ils ont aimé la démocratie représentative, ils aimeront la démocratie virtuelle. Car ici pour "pouvoir faire" il faut d’abord pouvoir s’offrir le matériel. A la source de cette dialectique de l’ordinateur-citoyen, l’ordinateur portable du sous commandant Marcos fut, dés 1994, un pionnier de la révolution virtuelle.

De ci de là on se rend bien compte qu’internet ou le portable ne sont pas plus libérateurs que la Harley-Davidson chantée par Brigitte Bardot. Mais l’aspect ludique et hédoniste de ces instruments, qui flattent un ego largement exacerbé par les publicitaires, suffit à éteindre toute velléité de critique sur le fond.

Pourtant nous savons deux choses :

1° L’influence politique, idéologique, culturelle, détermine largement l’orientation des découvertes scientifiques : dans un monde dominé par quelques-uns, les découvertes scientifiques donnent essentiellement des technologies qui rapportent à quelques-uns uns, ne serait ce que parce que les investissements nécessaires à l’application de ces découvertes sont entre les mains de la classe dominante. Cette technologie renforce leur pouvoir, c’est ce que Orwell avait prédit. "Science sans conscience n’est que ruine de l’âme" disait déjà Rabelais

2° En terme de communication comme en terme de production, d’action ou de démocratie rien ne vaut le direct parce qu’il est à la portée de tous et à notre échelle. Cela nécessite moins de spécialistes et d’investissements. L’action directe au sens large permet une participation et un contrôle au plus grand nombre d’individus aux décisions les concernant. Ce que nous appelons l’organisation et l’action à la base peut difficilement se concilier avec une technologie contrôlée par le pouvoir économique et politique, dont la base n’est pas la réflexion et l’action collective mais un vagabondage individuel favorisant tous les fantasmes..

NOUVELLES TECHNOLOGIES DE LA COMMUNICATION ET EXPLOITATION

Les nouvelles technologies de la communication regroupent, la transmission du son, la transmission de l’image, l’informatique qui permet de numériser ces données. Ces trois composantes se sont d’abord développées isolément, elles se regroupent aujourd’hui sous le terme de multimédia.

Depuis 1996 le Nouveau Marché côte à la Bourse de Paris les sociétés de haute technologie. De même, les principales bourses mondiales possèdent l’équivalent du NASDAC des États Unis. En quelques mois, de septembre 1999 à mars 2000 une spéculation effrénée s’est emparée de ces valeurs, des hausses de 1000 % sont enregistrées sur les valeurs Internet et téléphonies. Les "experts" comparent l’apparition de cette nouvelle technologie de la communication dans le domaine économique à la naissance de l’industrie automobile au siècle dernier. On appelle cela la "nouvelle économie". C’est vrai sur la forme, mais sur le fond ?

Il est évident que ces nouvelles technologies sont des atouts pour les patrons. Au niveau de la surveillance du personnel, grâce au téléphone portable et aux logiciels de gestion du temps de travail, le patronat peut améliorer la flexibilité et surveiller la productivité des salariés.

Grâce à la gestion de bases de données informatiques qui évitent tout temps mort entre l’offre et la demande et qui permettent donc une intensification des flux tendus, les dirigeants des entreprises peuvent économiser sur les stocks de marchandises et ajuster la main d’œuvre d’où des emplois du temps de plus en plus imprévisibles pour les salariés. Tout ceci concorde parfaitement avec la nouvelle organisation du travail, les 35 h ; qui en valent 39 pour les patrons du fait de l’augmentation de la productivité et de la flexibilité imposée.

De fait, si de véhicule il s’agit, les nouvelles technologies véhiculent surtout le renforcement de la bonne vieille exploitation salariale. La hausse de la productivité des salariés permet la rentabilité de la RTT et renforce leur soumission au lieu de les libérer. Le fin du fin, et là ce fut le rôle de cette bonne vieille propagande capitaliste qui a pour nom la publicité et de ces alliés "intellectuels" qui en chantent les louanges, c’est de faire financer ces innovations bénéfiques pour le capitalisme par les consommateurs de base. Grâce à cette propagande, l’aliénation des masses est à l’origine de nouveaux profits pour leurs exploiteurs.

UNE COMMANDE DU PENTAGONE

Une donnée fondamentale n’a pas été révélée au public au début de la propagation d’internet ; c’est que la technique internet trouve son origine dans une commande par le Pentagone (le commandement militaire U.S.). En février 1995, P. Quéau, chercheur à l’INA, retrace ainsi dans le Monde Diplomatique l’histoire d’internet. Dans cet article, à aucun moment n’apparaissent les mots clés "pentagone" ou "militaire C’est un euphémisme qui le remplace "Le concept internet est apparu il y a 20 ans dans le cadre de recherches de l’agence américaine ARPA sur la sécurisation des transmissions informatiques contre le risque d’attaque nucléaire." Des reportages télévisés réalisés à cette époque brouillent les pistes, et présentent internet comme une technologie certes utilisée à l’origine par l’armée (alors qu’elle en est non une simple utilisatrice mais l’instigatrice), mais dont les militaires se seraient ensuite "désintéressés ce qui aurait permis son passage dans le domaine public. Qui contrôlera internet ? c’est la question qui se pose dans les milieux branchés, alors que la question du contrôle est tranchée dés le départ du fait de l’origine de cette technique.

Ce n’est qu’en 1999 que sera diffusée clairement cette information. Mais en 1999, toutes les 2 minutes il y a un nouvel internaute et la raison cède le pas à l’irrationnel véhiculé par l’imagerie publicitaire Car maintenant on "surfe" sur le net et le monde de la Téléphonie est en "révolution". Comme chaque décennie le pouvoir jette aux yeux des hommes l’illusion de la liberté, et ces derniers en oublient la nécessité. Il a ainsi donné à ces nouvelles productions une image "libertaire" pour le net, "libérale" pour le téléphone portable. Le sous commandant Marcos peut envoyer ses poèmes par la messagerie électronique toujours impulsée par le pentagone, le jeune et beau cadre dynamique saute en l’air avec son téléphone portable. Les deux images se complètent et, a la fin, des millions d’objets inutiles sont vendus. Chez Carrefour chaque français peut s’acheter une image flatteuse grâce à ces nouveaux colifichets. Ceci ce n’est pas que de la pub sympa, qui éclôt au jour le jour en laissant croire que c’est au petit bonheur la chance que se développe telle ou telle technique. Non, c’est du conditionnement réfléchi sur du long terme. La preuve : la vente de 7 millions de téléphones portables en FRANCE et en 1999 était prévue et annoncée. Dans les années à venir on s’apprête à ringardiser les postes vendus en 1999, le multimédia va continuer sa percée. On pourra acheter une salade par la télé en étant persuadé que c’est révolutionnaire. D’ailleurs comme pour les radios libres le petit monde des organisations politiques contestataires possède son espace. C’est l’espace qu’on laissait dans les camps de concentration nazis aux joueurs de violon emprisonnés, pour donner aux observateurs de la croix rouge qui visitaient ces camps une illusion d’humanité. Comme eux, les sites alternatifs sont les témoins, les preuves irréfutables, pour des observateurs superficiels, qu’il y a de la démocratie dans le monde virtuel pourtant impulsé et contrôlé dés le départ et sans discontinuer par la première puissance militaire et économique mondiale. L’audience de ces groupes politiques est hors de proportion en tous cas avec le gigantisme des opérations marchandes menées sur internet. D’ailleurs, ceux qui devraient être les plus intéressés par leur message militant ne figurent pas parmi les 5% d’internautes de notre planète. Pour une grande partie de l’humanité, martyrisée par la logique de l’économie capitaliste souveraine, l’essentiel reste de manger chaque jour, de s’habiller, de se loger, pas de s’acheter de quoi surfer pendant des heures sur internet.

Quant au reste, la capacité de surveillance avouée par les flics mondiaux, leur pouvoir de couper quand et où ils le souhaitent les communications, de localiser tout message et même de rentrer dans le PC de votre salle à manger pour y lire vos mails les plus personnels est absolument énorme.

CONCLUSION

La croyance en la technologie issue du capitalisme demeure fortement ancrée dans les milieux même les plus sincères. Beaucoup croient encore en la théorie développée par exemple dans "Géopolitique du chaos" d’Ignacio Ramonet au chapitre "L’ère internet". Ce seraient les organisations marchandes nord américaines qui prendraient le contrôle d’internet, pervertissant ainsi les ambitions éducatives et culturelles que l’on pouvait donner à ce merveilleux outil. Mais comment le pouvoir économique n’aurait-il pas le contrôle de ce qu’il a lui-même créé ? N’a-t-il pas simplement fait semblant, pour des raisons de marketing, de s’en être désintéressé ? Car, à le présenter pour ce qu’il est majoritairement, c’est-à-dire comme un instrument de flicage et de télé-achat, le risque était grand pour le pouvoir que le "client" ne se jette pas dessus Il fallait donner à cet instrument une image noble. Ce fut la tactique des marchands d’indulgences, qui, pour vendre au prix fort leur bout de papier (qui promettait le paradis aux gogos acheteurs), se présentaient dans les villes et campagnes avec le plus grand décorum et la bénédiction du pape. Comme les marchands d’indulgences d’alors, les bonimenteurs actuels nous prennent pour des crétins en voulant nous faire oublier qu’internet est avant tout un outil du pouvoir économique et politique.

Interpasnet


[1] Je mets le terme entre guillemet pour viser ceux chez qui le titre universitaire, la fonction, la médiatisation, tiennent lieu de réflexion.


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