Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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De la rotation des tâches

lundi 13 août 2007

La rotation des tâches peut se présenter comme l’accomplissement par un même individu de plusieurs activités socialement utiles au cours de sa vie. Celles-ci peuvent bien sûr être de natures diverses et variées. La rotation sous-entend que les activités laissées vacantes à un moment soient remplies par d’autres individus qui eux-mêmes en ont exercées d’autres préalablement, et ainsi de suite. Ainsi une même fonction sera effectuée par des individus différents au cours du temps. La rotation des tâches peut s’appliquer à un groupe particulier, mais aussi à un ensemble social plus vaste.

La rotation des tâches est sujette à débat, surtout en ce qui concerne ses applications pratiques, au sein même du mouvement libertaire. Raison de plus pour aborder la question, susciter des réactions et des prises de positions.

La rotation des tâches est un type de fonctionnement à notre sens avantageux à plusieurs égards, d’abord d’un point de vue social, ensuite à titre individuel. D’un point de vue social elle permet dans un premier temps une certaine égalité et justice des individus devant la pénibilité des activités nécessaires à la vie de l’organisme social. Bien sûr, dans une société libertaire, un grand nombre de tâches existant actuellement sont appelées à disparaître purement et simplement (productions inutiles : armes, gadgets, ...). De plus, on peut penser que, dans une telle société, les individus prendront du plaisir à accomplir des tâches qui étaient pénibles sous la contrainte. Les auteurs de cet article ne partagent pas ce dernier point de vue. Il n’en reste néanmoins que le débat est ouvert. Il nous apparaît évident que certaines activités (rémunérées ou pas, pour l’heure) sont plus pénibles physiquement et/ou psychologiquement et plus ou moins bien reconnues et valorisées, d’où une forte "hiérarchie sociale" des métiers. Certaines activités sont plus prestigieuses et gratifiantes que d’autres, tant lors de leurs réalisations que par la reconnaissance sociale qu’elles entraînent. C’est probablement pour lutter contre cette hiérarchisation mentale qu’on entend dire qu’il n’existe pas de "sots métiers" plus souvent à des ouvriers qu’à des cadres, des médecins ou des avocats. Bien entendu, l’idée même de "hiérarchie sociale" est étrangère à la pensée libertaire, elle n’en reste pas moins de mise actuellement, pour des raisons de disparité des salaires mais également de part son ancrage dans l’inconscient collectif. C’est tout ce système de valeurs et de représentations qu’il faut abattre.

La rotation des tâches est un outil pour résoudre ces disparités et pour abolir, à terme, le confinement des individus dans une classe hermétique. Elle fait éclater la notion de "hiérarchie sociale". D’autre part et principalement, elle permet de mieux répartir les tâches laborieuses et pénibles à travers les individus et le temps. Ainsi elle permet que ce ne soit pas toujours aux même individus d’exercer les travaux pénibles ni ceux demandant le plus de temps ou d’investissement personnel. Elle permet à chacun de mieux prendre conscience des contraintes et des préoccupations propres à chaque type d’activités. Cette meilleure compréhension des préoccupations des autres génère un plus grand degré d’ouverture à autrui, une meilleure efficacité dans la réalisation des travaux, un respect plus profondément compris des différentes occupations. La rotation donnant de fait un regard sur les autres tâches, tout individu est alors en mesure -mieux informé, par sa pratique même des tenants et aboutissants- de donner son point de vue et ses opinions sur les directions à prendre dans tel ou tel projet. A l’inverse, il faut souligner que le savoir-faire pour une activité confère à son détenteur, s’il est le seul à le posséder, un certain pouvoir et parfois même un pouvoir certain : il devient indispensable au bon fonctionnement de l’organisme social et peut éventuellement, selon son bon ou son mauvais vouloir en entraver la marche. La rotation de tâche se présente ici comme permettant de faire face à ce type de dictature du savoir-faire. Il en résulte que la rotation des tâches peut se présenter comme une forme de "transversalité" des activités sociales, s’opposant de front à la hiérarchie précédemment citée. En plus des ces avantages sociaux, la rotation des tâches entraîne des avantages sur le plan de l’individu singulier. Le fait d’accomplir des activités variées et d’assimiler ainsi divers modes de raisonnements et d’expressions est constitutif d’un enrichissement personnel : les compétences acquises dans plusieurs domaines, parfois éloignés les uns des autres, multiplient les éclairages et permettent d’appréhender les réalités observées de façon moins stéréotypée, de développer l’appréhension de la complexité du monde qui nous entoure. Ainsi, la rotation des tâches participe au développement -matériel et intellectuel- de l’autonomie de l’individu, tout en renforçant ses liens de solidarité. Il devient dès lors infiniment plus humain et plus libre.

Si la rotation des tâches ainsi présentée vise à être une solution aux divers problèmes que nous avons exposés, il n’en reste pas moins que sa mise en place et son application pratique sont à discuter. Nous renvoyons le lecteur intéressé à un texte antérieur ("Rotation : oui, mais dans le bons sens") mais nous soulignerons simplement ici que la rotation des tâches ne suffit pas à elle seule à assurer un fonctionnement sain de l’organisme social, car il ne s’agit pas, par exemple, que certains soient exploités un jour, et exploiteur le lendemain ! De plus la mise en place de la rotation demande un travail préalable, car on ne devient pas compétent du jour au lendemain, d’où nécessité d’un transfert et d’un partage des connaissances. Par ailleurs, les tâches étant fort nombreuses et variées, elles peuvent se décliner en fonction des appétits, des intérêts et des désirs de chacun. Quant à la question des aptitudes, à l’affirmation qu’il y a des êtres plus ou moins doués, c’est un argument qui peut largement être réfuté, tout comme celui qui voudrait que ce soient les êtres les plus "doués" qui dirigent actuellement les choses. Pour se convaincre de l’inanité de ce dernier préjugé, l’observation au quotidien des crétins (et crétines) qui nous gouvernent (ou qui aspirent à nous gouverner) est suffisante à elle seule. Pour le premier point, il est prouvé que la part de l’inné dans un individu ne représente qu’une infime parti de ses potentialités, juste de quoi lui assurer sa singularité, le reste est acquis. Entendre par exemple que les garçons sont "plus forts en math" et les filles "en littérature" n’est qu’un témoignage du poids du conditionnement social qui nous asservi. L’incapacité d’un individu à exercer une action est le plus souvent un manque de formation au bon moment, un refus inconscient de sa part, un acte manqué, certainement aussi la marque d’une forte inhibition psychique et sociale.

Face à une société malade, surspécialisée, technocrate, divisée et divisante, volontairement incompréhensible et sourde aux aspirations de la majorité, la rotation des tâches n’est peut être pas la panacée mais nous l’entrevoyons comme un remède possible avec d’autres, dans la voie qui mène à la révolution sociale avec des individus libres et solidaires.

Des sympathisants de la CNT-AIT


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