Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Introduction à l’épargne salariale

lundi 7 octobre 2002

Le libéralisme n’est pas une tendance du capitalisme, mais la forme actuelle du capitalisme. La nécessité pour les capitalistes de faire de plus en plus de profits, donc de continuellement abaisser le coût du travail reste une constante dans ce système. En fait, ils n’ont jamais assez d’argent pour payer nos salaires ; ils ne nous exploitent donc jamais assez. De crise en crise, le capitalisme rejaillit semblable à lui-même mais vêtu de nouveaux oripeaux. Toujours accompagné de ses sempiternelles institutions régulatrices étatiques et autres ; aujourd’hui le FMI, l’OMC, la BM, etc. ; sans elles il ne pourrait perdurer, de même qu’en cas de pépin, on le voit tous les jours, c’est l’Etat qui réinjecte les sommes nécessaires à la reprise des affaires. N’en déplaise aux anti-libéralistes, il ne s’agit pas d’une déréglementation absolue mais d’une mise au pas de tous les secteurs économiques, les uns après les autres, selon de nouvelles règles. Jusqu’à la prochaine crise. En attendant celle-ci, se succèdent différentes mesures, proposées par les patrons triomphants du moment et légalisées par l’État et ses divers organes : intensification du travail au travers de l’annualisation du temps de travail et des 35 heures mise à disponibilité d’une main-d’oeuvre flexible répondant aux demandes à court terme grâce aux nouvelles lois sur la formation et à la nouvelle convention Assedic (PARE) ; confiscation d’un peu plus de nos salaires via les fonds de pension envisagés et l’épargne salariale. Si les fonds de pension ne sont pas tout à fait à l’ordre du jour en France, l’épargne salariale de longue durée - dix ans avec le Plan Partenarial d’Épargne Salariale Volontaire - elle, ressemble déjà bigrement à un début d’épargne retraite individualisée. On le sait, une partie de nos salaires (partie socialisée) va à l’heure actuelle vers les caisses de solidarité (retraites, sécurité sociale, etc.) mais l’épargne salariale, elle, est exonérée de cotisations sociales, aussi notre salaire socialisé reste dans la poche du patron et ne va pas dans les caisses de solidarité. Celles-ci alors défavorisées, il n’y a plus d’entrave à la mise en place d’un système de retraite individualisé par capitalisation.

Au final, moins de salaire et encore plus de capital Et ce n’est qu’un début. Même si depuis le 11 sep-tembre 2001, pour cause d’urgence à défendre des intérêts menacés dans un coin - jusque-là oublié - de la planète, la propagande a changé momentanément de cap, l’épargne salariale, bloquée à la porte, reviendra par la fenêtre. En effet, quand la Bourse s’est effondrée, il faisait mauvais temps pour les petits épargnants, il ne fallait donc pas trop faire de publicité pour un salaire-miracle payé en actions. Mais ce n’était que partie remise. Le Capital a besoin de nos salaires, il a besoin de l’épargne salariale. Comment tout cela se passe-t-il ? Comment nos salaires baissent-ils tandis que le Capital fructifie ? Et bien, voilà que la Bourse monte et que ton salaire augmente, mais voilà qu’elle baisse et que ton salaire baisse ; enfin ton salaire pas tout à fait vu que ce fric tu ne le touches pas. Tu le toucheras un jour peut-être, si. Par hasard, mais par le plus grand des hasards bien sûr, voilà que ton entreprise dépose le bilan - non seulement tu te retrouves au chômage mais "en prime" ton épargne salariale part en fumée, ou presque, car rien ne se perd, tout se transforme. Ton joli petit pactole évaporé, n’aura pas servi à rien, car pendant que tu trimais pour un hypothétique salaire, d’autres achetaient avec le fruit de ton labeur de jolies machines toutes neuves dans l’usine-d’en-face.

C’est là que tu iras travailler demain. Peut-être. A condition que. Si tu vas bosser, c’est que t’as pas le choix. Alors, flexible - c’est comme ça qu’ils nous aimeraient - tu accepteras un boulot même si c’est pas ton métier. L’ANPE explique très bien tout ça, que le métier c’est dépassé, ce qui compte ce sont tes compétences : à quoi tu peux bien servir là maintenant, à moindre frais, dans la machine de production capitaliste.

Et tant pis puisque cette usine-d’en-face te propose une épargne salariale plutôt intéressante. Il faut dire que c’est une usine tip-top-high-tech, la productivité est fantastique depuis qu’ils ont acheté de nouvelles machines avec - tu te rappelles ? - ton ancien salaire. Bon, d’accord, tu ne verras pas un kopeck de cette productivité, mais peut-être que cette fois tu verras la couleur de ton salaire épargné. Ce serait chouette ! Enfin... Si tu ne changes pas d’entreprise trop rapidement, car le salaire épargné, il ne viendra que pour ceux qui ont suffisamment d’ancienneté. Quant aux autres, ils n’ont plus qu’à subit la baisse absolue des salaires. Le capi-talisme a toujours financé ses outils de production avec notre travail. Aujourd’hui, c’est aussi en ponctionnant directement sur nos salaires qu’il entend continuer de le faire. Le capitalisme est le capitalisme et pour survivre il n’a qu’une seule chose à faire, c’est de nous exploiter toujours davantage. L’État, administrateur du Capital, se propose naturellement comme le grand organisateur de notre défaite programmée : toutes les mesures destinées à la réorganisation du travail sont mises en place par ses diverses institutions - lois, décrets d’application, circulaires, etc. Quant aux centrales syndicales, elles lorgnent sur nos salaires épargnés avec autant d’avidité que nos patrons. La CFDT et la CGT entre autres, sont déjà dans les starting-blocks pour s’accaparer la gestion de cette manne financière fantastique. Ils seront donc les premiers à faire rentrer l’actionnariat salarié dans nos vies. Face à tout cela, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces pour nous opposer au capi-talisme à chaque fois qu’il tente de nous diviser. L’épargne salariale est une tentative de plus. C’est parce que nous sommes exploités que nous appartenons à une même classe sociale, celle créée par le capitalisme. Il n’a aucun intérêt à ce que nous soyons unis, car le rapport de force ne serait plus en sa faveur. Nous pouvons donc lui opposer notre solidarité, solidarité de fait, solidarité nécessaire à notre émancipation à tous.

Stéphane et Loiseau Syndicat Intercorporatif de Marseille CNT-AIT


Déjà en 1920

"Le problème est clair.
Bien sûr, le capitaliste doit toujours laisser au travailleur une partie du produit du travail. Quelle que soit la forme sous laquelle cette part est donnée - salaire, paiement en nature, travail à la tâche, participation aux bénéfices - le capitaliste ne voudrait ne donner au travailleur que le strict nécessaire pour qu’il puisse "travailler et se reproduire", et le travailleur voudrait toute cette part du produit qui est le fruit de son travail. Le taux réel de rémunération du travail, quelle que soit la façon dont il est payé, est déterminé par le besoin qu’ont l’un de l’autre le capitaliste et l’ouvrier, et par la force que chacun peut opposer à l’autre.
Avec cette différence que Si l’ouvrier est payé sous la forme d’un salaire, il voit son propre esclavage, il voit l’antagonisme d’intérêts qu’il y a entre le patron et lui’ il lutte contre le patron et il arrive facilement à concevoir qu’il est juste et nécessaire d’abolir le patronat. Si, au contraire, l’ouvrier contrôle la fabrique, participe aux intérêts, est actionnaire de l’usine, il perd de vue l’antagonisme d’intérêts et la nécessité de la lutte de classe bien qu’exploité, il devient réellement intéressé à la prospérité du patron et il accepte l’état d’esclavage dans lequel il se trouve et qui le nourrit plus ou moins bien.
Et ce n’est pas tout.
Quand bien même le paiement du travail serait fait sous la forme d’une participation aux bénéfices, de dividendes attribués aux actionnaires, et autres formes de co-participation, les patrons auraient facilité le chemin à ce qui serait l’ultime moyen pour tenter de perpétuer le privilège la gestion avec les ouvriers les plus habiles, sinon les plus serviles et les plus égoïstes - et ils y sont déjà arrivés avec les professionnels et les "techniciens ", [co-gestion] qui signifie assurer à ses ouvriers un travail stable et relativement bien payé - et constituer ainsi une classe intermédiaire qui les aidepait à maintenir dans l’asservissement la grande masse des déshérités.
En somme, il faut se décider. Si on veut consolider le système capitaliste en l’améliorant autant qu’il est possible, alors on pourra très bien discuter de ces prétendues améliorations. Mais si on veut vraiment l’émancipation de l’homme et l’avènement d’une civilisation supérieure, on ne peut que rendre la lutte des classes toujours plus dure afin d’arriver le plus vite possible à l’expropriation, expropriation qui fera de tous les hommes des travailleurs libres et socialement égaux."

Errico Malatesta, Umanità Nova, 30 septembre 1920.


Article du Combat Syndicaliste de Méditerranée, n°181, mai-juin 2002


CNT-AIT



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