Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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ETONNEZ MOI BENOIT

vendredi 22 décembre 2006

C’était le titre fameux d’une chanson que Françoise Hardy susurrait à nos oreilles d’adolescents dans les années 60 (au siècle dernier, voilà déjà bien longtemps). Le Benoît VXIème du nom nous parle d’autres nostalgies, bien moins langoureuses hélas.

L’ami Ratzinger (car c’est bien de lui qu’il s’agit) a brillamment commencé sa carrière aux Hitlerjugend (Jeunesses hitlériennes) avant de devenir celui qu’on appelle en Allemagne le Panzerkardinal (c’est-à-dire le cardinal-char d’assaut ou le cardinal-blindé) voire le pit-bull de dieu. Son élection (par ses pairs) à la tête de l’église catholique n’a rien de fortuit : choisir un ultraconservateur comme dirigeant du holding international JC père et fils ne pouvait que signifier clairement la volonté de mettre en œuvre une politique relativement agressive vis-à-vis de la concurrence. Si les diverses déclarations papales, sur l’avortement ou l’homosexualité n’ont en soi rien de surprenant car elles s’inscrivent dans le droit fil de la tendance réactionnaire de l’institution, la mise en accusation de l’Islam, par contre -présenté comme une religion fondamentalement violente dans laquelle "la foi n’est pas tempérée par la raison"- a quelque chose de nettement stupéfiant, de carrément éhonté, étant donné le très lourd passé de l’église catholique dans le domaine de la violence et du massacre organisé.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler à notre pontife (vraisemblablement frappé d’amnésie partielle, le port de la tiare n’y serait pas étranger) le rôle éminemment angélique de la sainte inquisition. Fondée en 1183, active jusqu’en 1776, cette police religieuse va torturer épouvantablement, massacrer et brûler des dizaines de milliers de gens, rebelles et hérétiques en tous genres, guérisseuses et sorcières de campagne, savants émérites, paysans ou citadins qu’un voisin mal intentionné jurait avoir surpris en pleine conversation avec un chat noir. Les bourreaux de cette tristement célèbre institution officiaient très certainement habités par une "foi tempérée par la raison". C’est sans doute la même tempérance qui conduisit les croisés à "libérer" Jérusalem en 1099, tuant au passage des dizaines de milliers "d’infidèles" (les chevaux pataugeant jusqu’au poitrail dans le sang versé) ; c’est elle aussi, cette fameuse "foi raisonnable", qui inspira Simon de Montfort lors de la croisade contre les albigeois et qui l’amena à passer en 1209 tous les habitants de Béziers au fil de l’épée ("Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens" aurait-il répondu à un de ces acolytes qui s’inquiétait d’occire par inadvertance de bons catholiques probablement mêlés aux cohortes hérétiques). Au cours des siècles, Saint-Barthélemys , hécatombes diverses et carnages vont se succéder. La découverte des Amériques, la lente colonisation de l’Afrique et d’une partie de l’Asie vont bientôt mettre des populations entières au contact de cette "foi raisonnable" : innombrables seront ceux qui payeront de leur vie cette fatidique rencontre avec la Croix.

L’histoire de l’expansion du christianisme se confond avec la main-mise de l’Europe sur la planète. Etroitement associée aux pouvoirs occidentaux, qu’elle légitime depuis 15 siècles, l’Église a très largement cautionné les croisades sanglantes et les colonisations meurtrières : partout le sabre et le goupillon ont fait couler des fleuves de sang. Partenaire officielle des puissants de ce monde, complice des plus sanguinaires tyrans modernes (Franco, Hitler , Mussolini, Salazar) elle partage avec eux crimes et bénéfices ; elle a édifié son royaume sans tempérance ni raison mais avec beaucoup de mauvaise foi. Les propos du Pape ont soulevé un tollé général dans les pays musulmans, depuis Benoît est revenu sur ses allégations, offrant ses regrets et autres consolations (ciel, ma langue a fourché, etc.).

Mais cette affaire n’est pas aussi anodine, aussi non-évènementielle qu’elle pourrait paraître. Elle s’inscrit dans une campagne médiatique diffuse qui vise quand même à jeter le discrédit sur une partie importante de la population mondiale : ici, ce sont des jeunes que l’on qualifie de sauvageons, là-bas c’est un président qui se présente comme le chef des croisés, ailleurs une caricature du prophète déguisé en terroriste connaît une large diffusion. En apportant sa petite contribution personnelle et pontificale, le pape participe à l’élaboration caricaturale d’un islam intrinsèquement violent et fondamentalement hostile. Pour autant, il serait évidemment absurde de faire de l’islam une sorte de bouddhisme pacifique et angélique. Le coran, comme tous les livres sacrés, se prête à toutes les exégèses, à toutes les interprétations, les plus sages comme les plus folles. Les fondamentalistes sunnites ou chiites qui se haïssent comme ont pu le faire protestants et catholiques dans le passé (ou encore fort récemment en Irlande) ont édifié les uns (en Arabie Saoudite ou en Afghanistan des talibans) comme les autres (en Iran) des société extrêmement répressives, entièrement dominées par le clergé qui prétend y régenter la vie de tout un chacun (et surtout chacune). On sait la condition qui y est faite aux femmes. L’histoire lointaine ou récente de l’Islam, n’est évidemment, n’est pas exempte de dérives violentes, loin s’en faut ; mais si l’on devait mesurer à l’aune du nombre des victimes le degré de violence des religions, c’est sans conteste les religions chrétiennes qui se placeraient largement en tête : elles ont disposé en tout temps et en tout lieu de gros moyens opérationnels.

A l’heure du reflux du nationalisme, à l’époque du mondialisme triomphant, il faut bien trouver un camouflage idéologique quelconque pour justifier les guerres, masquer les appétits infiniment terrestres et matériels de nos bons maîtres sous des habits spirituels plus présentables. La religion aujourd’hui volontiers trans-nationale offre bien des avantages à nos fins stratèges, la mode est au conflit civilisationnel sur fond de religion. A défaut de galvaniser les foules derrière l’étendard du Christ-roi (aujourd’hui les GI’s se battent surtout pour la solde), on peut au moins chauffer à blanc les masses occidentales (en voie de déchristianisation) en leur brossant un tableau particulièrement démoniaque de l’Ennemi. La croisade des temps modernes diffère de celle de jadis en ce qu’elle se veut plus radicalement anti-musulmane que réellement pro-chrétienne (le manque de ferveur, sans doute). Le croisé moderne, finement relooké, joint désormais à ses attributs traditionnels (le sabre et le goupillon) une bibliothèque portative dans laquelle figurent à coté de la Bible les "principes sacrés de la démocratie".

La guerre idéologique ou psychologique accompagne toujours les opérations militaires, à la fois sur le terrain en milieu hostile, mais aussi et surtout elle cible les opinions publiques censées apporter un soutien sans faille aux glorieux combattants. Calomnie diverses, propos diffamatoires et provocateurs, caricatures grossières et stigmatisations mensongères constituent l’arsenal classique et conforme à la tradition de ce type de manœuvre qui visent à convaincre le bon peuple de la fourberie, de la cruauté, bref de la non-humanité de l’adversaire : la preuve de son altérité totale, de sa complète étrangeté au monde des hommes une fois bien établie son élimination ne peut être que justifiée et bénie.

Etymologiquement, le mot "religion" viendrait du latin "religare" : action de lier, d’unir -sans doute l’homme au divin. Si effectivement les religions unissent bien les hommes aux dieux, elles ont par contre pour effet notoire de diviser les hommes entre eux, d’apporter partout où elles germent et cherchent à croître la discorde, la haine et le malheur. Il est navrant de constater que nos princes en ce début de XXIème siècle recourent encore avec succès aux traditionnelles manipulations de leurs prédécesseurs pour maintenir une cohésion nationale ou trans-nationale, pour justifier l’ordre établi : il faut absolument alimenter la crainte de l’irruption de l’ennemi, nourrir la peur de l’envahisseur potentiel. On peut souhaiter qu’un jour se soit précisément ce manque de renouvellement stratégique qui les conduise à leur perte.

Garga

Tiré du Combat Syndicaliste numéro 97 de la CNT-AIT de Midi- Pyrénées.


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