mercredi
14 juillet 2004
Quatre flics encagoulés surgissent en pleine nuit dans une cellule. Ils extirpent un homme de sa couchette, et le traînent, nu, jusqu’au couloir où il le font se mettre à genoux avec trois autres détenus, également nus, devant le directeur de la prison. Cela ne se passe pas en Irak, mais dans une prison française.
Deux gendarmes entrent calmement dans une chambre d’hôpital où une jeune femme attend, une perfusion au bras. Une infirmière arrache la perfusion. Ils lui disent poliment mais fermement de les suivre et la conduisent en taule. Son crime ? Avoir accouché seule chez elle, dans la détresse, dans la folie du déni de grossesse, avec un bébé mort. Cela ne se passe pas au Chili ou en Allemagne de l’Est au temps de la Stasi, mais à Toulouse un triste jour de mars. Elle voulait comprendre, se soigner, sortir de sa souffrance. La république la soigne à sa façon : en l’enfermant !
Dans ce numéro du Combat Syndicaliste, on a voulu parler de la prison, des geôles de l’État, qu’il s’habille en démocrate ou en colon. A Bagdad comme en France, l’ordre blanc règne à coups de terreur distillée comme des avertissements à la population. A Bagdad, on part en taule pour une moustache, une adresse, un lien de parenté, une dénonciation. Ici, on part en tôle pour un ticket de métro, un bout de chichon, un chèque sans provision, un accouchement en détresse. C’est la loterie. Toi, moi, lui ou elle, on peut du jour au lendemain se retrouver derrière les barreaux, soumis au bon vouloir d’une administration cynique et de son zélé personnel. Les accusés du procès spectacle d’Outreau en sont les dernières victimes médiatisées. "La justice, c’est pour les gros, hurlait à la caméra une dame à Outreau, nous les petits, on est traité comme rien !". Les Papon, Lefloch, Tarallo et consorts, commis de l’État ou vieux filous de banquiers vivent une riche et paisible retraite à l’abri d’une justice faite pour eux par leurs associés flics, juges, ministres et députés.
Plus de 60 000 personnes croupissent dans les prisons françaises : 1 taulard pour 1 000 habitants, au bon pays des droits de l’homme comme ils disent. Près de la moitié d’entre elles ne sont pas même condamnées, mais en attente de jugement.
La peine de mort est supprimée parait il ? 104 suicides en taule en 2001, 122 en 2002, 80 durant le premier semestre 2003 (dont 13 en quartier disciplinaire). A la prison de Seysses, inaugurée en janvier 2003, on recense déjà 7 suicides ou morts suspectes. La demande de mise en liberté de Joelle Aubron, membre d’AD, atteinte d’une tumeur au cerveau vient d’être une fois encore rejetée. La république ne coupe plus les têtes, elle les vide jusqu’à la mort lente.
La prison n’a jamais été ce que le pouvoir prétend : un moyen de justice, un rempart pour les démocraties. La prison est un des instruments de la domination, au même titre que l’armée, la marchandise ou les médias. Elle est faite pour briser les résistances, éliminer les récalcitrants à l’ordre établi, dissuader les opprimés de toute révolte. Elle est le lieu de l’arbitraire, de la négation de toute humanité, de toute dignité. Les photos d’Irak comme les shows médiatiques de Sarko n’ont pas pour objectif de rassurer le bon citoyen, mais bien davantage de distiller la terreur d’état. Il n’y a pas de démocratie d’État ! Il n’y a pas de justice d’État ! Il n’y a qu’une justice de classe. Combattons-là.
# J.P.
Edito du Combat Syndicaliste de Midi-Pyrénées n°86 - Juin, Juillet, Aout 2004
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