Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Démissionnaires virtuels

mercredi 28 avril 2004

Tout vieux militant le sait bien, lorsque la petite bourgeoisie descend dans la rue, c’est que le prince est devenu pingre, c’est que les grands bourgeois se révèlent oublieux de leurs serviteurs. C’est un peu ce qui se passe ces temps-ci. Après les médecins, les avocats et les restaurateurs, ce sont les chercheurs qui se sont mis à arpenter le pavé et à courir les plateaux télé, tout outragés de devoir en venir à manifester comme le petit peuple des petites mains.

A lire les journaux, à gober la télé, on pourrait croire que le petit monde de la recherche est en ébullition, que la résistance est héroïque et brave avec, pour arme fatale, la démission des directeurs et autres encapés. Au risque de décevoir les amoureux de la fronde et de la contestation radicale, il convient de rappeler la triste et misérable réalité du glorieux combat.

En premier lieu, il ne s’agissait pas pour ces directeurs -qui servent d’ordinaire si bien l’Etat et l’industrie- de quitter leur poste de fonctionnaire, mais plus modes-tement de ne plus signer les divers documents administratifs que leur hiérarchie (composée essentie-llement d’autres chercheurs) leur réclame. Mais il faut reconnaître que "démission" sonne mille fois mieux que "grève administrative". La "communication" dans le combat, ça compte !

En second lieu, il nous faut signaler que si effectivement plusieurs milliers de chefs et de sous-chefs de tous poils ont effectivement envoyé une lettre de démission, très peu l’ont mise à exécution. La cause invoquée ? Ils attendent la réponse de leur hiérarchie, car ils n’ont pas le droit de ne plus assurer leurs fonctions de direction sans en avoir reçu l’autorisation ! Signalons que la direction du CNRS et celles de plusieurs Universités ont ef-fectivement répondu aux lettres de démission, en indiquant tout simplement qu’elles les refusaient.

Combatifs mais disciplinés, la plupart des petits chefs continuent donc de signer les actes administratifs et à faire tourner la machine. Après les grèves par procuration, les grévistes-non-grévistes qui manifestent les jours de RTT, voici les démissionnaires virtuels !

Depuis quelques jours court sur le web -ce lieu idéal de la contestation radicale sans effet ni éclaboussure- un appel à la formation de comités de réflexion et de proposition sur le devenir de la recherche. Tout est déjà prévu : une organisation pyramidale et centralisée à partir de comités locaux, une répartition des rôles entre le groupe "Sauvons la recherche", les syndicats réformistes - qui enfin rattrapent le wagon-, les associations d’étudiants et même des professionnels du privé. Les thèmes de discussion sont déjà définis : le statut et la rémunération des thésards (étudiants qui rédigent leur thèse), la création de postes de titulaires, l’évolution des carrières, l’évaluation des chercheurs et même, démocratie oblige, un débat ouvert sur le thème "recherche et société".

Le vieux militant le sait : rien de tel que des débats et des comités parisiens pour préparer des négociations annonçant que nos braves chercheurs en lutte virtuelle arrêteront de lutter pour une poignée de pognon et quelques promotions.

Dommage ! Il y avait pourtant tant à dire, tant à questionner sur cette recherche dite publique qui nous fabrique à grands coups de progrès des lendemains de plomb. Qui décide des programmes de recherche ? Vous ? Moi ? Non, les chercheurs eux-mêmes et leurs alliés, les banquiers, les élus et les patrons. Tandis que "Sauvons la recherche" hurle à la disparition de la recherche publique, les intérêts privés depuis belle lurette pillent, dirigent, financent, orientent et censurent la recherche publique.

Alors qu’une majorité de personnes se méfient des OGM et des apprentis sorciers du génome, les décideurs d’Etat et les firmes privées multiplient les programmes de recherche en génomique. Masqués derrière la thérapie génique, ce sont des centaines de millions d’Euros qui sont investis pour produire et contrôler toujours davantage. Quant aux recherches sur les risques des OGM sur la santé et sur l’environnement, seuls quelques programmes cache-misère sont financés comme à titre d’alibis démocratiques. Même chose en matière de pollution et de risque industriel. Au sein d’un même organisme de recherche publique, on peut trouver de vastes et coûteux programmes visant à développer de nouveaux modes de production d’énergie nucléaire et des petites équipes misérables, cherchant avec les moyens du bord, à évaluer les risques liés au nucléaire.

Mais cela, les chercheurs en colère n’en parlent pas ou très peu. Et s’ils en parlent, c’est pour dire que le problème les dépasse, tout en se dépêchant d’ajouter que seuls des spécialistes et des chercheurs ont la compétence nécessaire pour parler de l’avenir de la recherche. Un petit groupe de chercheurs de l’Université Libre de Bruxelles a commis un tract satirique et fort judicieux intitulé "Sauvons la recherche... d’elle même", qui se concluait ainsi : "Toute année perdue par la recherche est une année gagnée pour la société". Les chercheurs n’ont pas ri, mais le vieux militant, oui !

# Paul


CNT-AIT



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