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jeudi 12 février 2004

Qu’est-ce que le machisme, le féminisme ? Les compagnons de la CNT sont-ils des machos ? Quel intérêt et quelles limites présentent les luttes "féministes" dans ce monde capitaliste ? Nous avons discuté de toutes ces questions dans un débat à bâtons rompus au local du syndicat. Voici les grandes lignes et ce que je retiens de ce débat.

Tout d’abord, nous avons remarqué que pas mal d’entre nous ne font pas dans la dentelle lorsqu’ils s’expriment et utilisent facilement des expressions comme "enculé", "putain" et autres "mal baisée" (pourquoi pas "tête de nœud" ?). Les critiques sur ce langage étaient nombreuses : cela pouvait choquer, et cela avait d’ailleurs déjà choqué des personnes qui hésitaient à revenir discuter avec nous. Cela ne signifie pas que nous soyons sexistes, homophobes ou racistes, mais peut-être que nous utilisons ces termes parce que nous ne ressentons pas vraiment la pression qui s’exerce sur les catégories dont nous ne faisons pas partie.

Nous avons ensuite tenté d’éclaircir ce que sont finalement le machisme et le féminisme. Le machisme, c’est l’idéologie selon laquelle, l’homme étant dominant sur la femme, il a sur elle les privilèges du maître. Quant au féminisme, c’est celle qui revendique l’égalité des droits entre les hommes et les femmes dans la société. Nous en sommes loin ! Ce que l’on peut voir, c’est que l’homme dirige effectivement la société et que la femme dirige surtout l’intérieur de la maison (la décoration, le ménage, la lessive, tout ça...) et les gosses. D’où vient ce partage inégal des tâches et même des centres d’intérêt ? Certains pensaient que, hommes et femmes étant biologiquement différents (on n’a pas les mêmes hormones dans le sang), il est normal qu’ils ne se comportent pas de la même façon. D’autres ont souligné que l’éducation ne faisait que renforcer des différences indéniables, mais sans doute minimes au départ, en rappelant la forte sexualisation des jouets, des vêtements et même des paroles que les adultes emploient vis-à-vis des garçons ou des filles (Comme tu es fort ! Comme tu es jolie !). Certains prétendent que, comme ce sont les femmes qui élèvent les enfants, ce sont elles qui forment les futurs petits machos. C’est vrai, mais elles ne le font pas seules. Si les hommes s’intéressent généralement si peu à l’éducation des enfants, c’est aussi parce qu’ils n’ont jamais vu leur père s’y intéresser (les enfants devenus adultes sont si souvent conformes au modèle parental !). Bref, on ne peut nier des améliorations avec les générations, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Mais le machisme, ce n’est pas seulement ce partage inégal des tâches. C’est un jugement de valeur qui considère la femme comme inférieure. Et ce sont les privilèges que s’octroient ceux qui se croient ses maîtres. Notamment dans le domaine de la sexualité. L’un d’entre nous a cité cet homme, qui se fait tailler des pipes par des prostituées, jamais par sa femme, parce qu’il la "respecte". On connaît la formule : "toutes des salopes, sauf maman". La sexualité, qui aurait pu être quelque chose d’aussi simple que la gourmandise, est devenue un problème à cause de des curés de toutes les religions du monde. Et ce climat d’interdits et de mépris de la femme est propice à tous les abus. En Europe, une femme meurt par semaine à cause des violences infligées par son mari ou son concubin. Dans le monde, les violences domestiques sont la première cause de mortalité des femmes qui ont entre 16 et 44 ans, devant les accidents de voiture, les guerres, etc... En France, une femme sur cinq est victime de ces violences, dont on entend dire qu’elles relèvent de la "sphère privée" ! Toutes les classes sociales, tous les niveaux d’éducation sont concernés dans les mêmes proportions. Il y a aussi la violence de la sphère publique : aux USA se produit un viol toutes les six minutes.

Dans le débat, nous avons un peu parlé de la peur : de sortir seule, de se faire agresser. Même si des remarques déplacées ou des sifflements sont sans commune mesure avec un viol, ils peuvent aussi bien l’annoncer et de toutes façons le rendent présent à l’esprit. Quand on a peur, tous les visages rencontrés sont ceux de violeurs potentiels, parce que rien ne distingue celui qui le fera de tous les autres.

Pour finir, que penser des luttes féministes ? Certes, la domination de l’homme sur la femme est un réel problème, mais tout comme les luttes contre le racisme ou l’homophobie, les luttes féministes sont interclassistes. Je me sens solidaire des femmes qui subissent ou luttent contre cette domination. Mais cela ne me fait pas oublier que je refuse toute forme de domination, y compris la domination économique entre les classes. Je ne crois pas que si on réglait le problème de la domination de l’homme sur la femme, tout irait pour le mieux. De même si on réglait le problème de la domination de classe. Car à chaque fois, subsisteraient les autres dominations. Les luttes qui se focalisent sur un seul problème en prenant soin d’oublier les autres (parce qu’ils ne les concernent pas directement ?) ne sont pour moi d’aucun intérêt. Autant se mettre la tête dans le sable. Le seul vrai problème, c’est la domination, et c’est contre toutes ses formes qu’il faut lutter.

CNT-AIT


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