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jeudi 9 décembre 2004

"Pourquoi tant de violence ? Pourquoi cette haine contre les blancs ?", s’écriait une femme dans la quarantaine après avoir fuit la Côte d’Ivoire. Elle avait tout perdu, sa petite société d’import-export, sa douce petite vie de blanche au soleil d’Afrique, ses petites illusions de fortune et ses économies de profiteuse. Ainsi donc, des noirs pouvaient haïr les blancs, ces blancs qui règnent en maître sur leur misère, pillant les ressources naturelles, méprisant les gens, fomentant des massacres déguisés en guerres tribales pour mieux cacher les jeux de barils et de dollars. La brave femme détroussée le savait et ne le savait pas à la fois. Une citoyenne, quoi ! Du haut de sa peau blanche, elle admettait le profit, le pillage, le massacre au nom de l’argent et du pouvoir blanc, toutes ces choses "désolantes mais inévitables" ! Mais que des noirs puissent dire NON et la rendre complice et responsable, c’était inconcevable !

Autre haut-le-cœur du trouble et naïf citoyen, "l’horreur judiciaire d’Outreau" :. Incroyable, la justice de ce monde d’oppression "peut se tromper" ! Qui aurait pu le croire, déclare l’indécrottable citoyen ? Plus de 63 000 personnes sont en prison en France, et l’immense majorité d’entre elles sont des gens "d’en bas", comme ils disent "en haut". Le président de leur république, fait un bras d’honneur à la justice. Et alors ? Les élus, pilleurs de l’argent public, mesquins profiteurs de la moindre magouille, mentent, trichent, achètent, et les juges baissent la tête. Et alors ? Du haut de son statut d’électeur, le citoyen admet la combine, l’arbitraire, la justice de classe, toutes ces choses"désolantes, mais moins pire que le pire" ! Mais que lui, brave citoyen travailleur et sans histoire, puisse être à son tour emporté dans le tourbillon compresseur de la sacro-sainte justice, c’était même impensable !

"Elle a beau être libérale, cette femme est humaine" ! Ainsi parlait un socialiste citoyen de mon voisinage, à propos de Nicole Fontaine (dont la"sœur", Brigitte, est autrement plus drôle), ex-ministre de Chirac, ex- membre du conseil de l’Europe, spécialiste des entreprises et des affaires. Mon citoyen venait d’apprendre que cette"brave"dame militait avec l’UNICEF contre l’exploitation des enfants par le travail. Il le savait bien, cet enfoiré de citoyen, que "La Fontaine, c’était une bourge qui travaillait pour les patrons", c’est lui qui me l’avait dit ! Mais là, il était sous le charme. L’affameuse qui pleurait les enfants morts de faim, c’était trop beau, et puis bien pratique pour accepter ses propres contradictions de citoyen. Du haut de sa sociale-démocratie, il comprenait la"nécessaire âpreté du marché", mais qu’une blonde caporale de l’exploitation par le travail puisse s’attendrir sur le sort des enfants qu’elle met au boulot, c’était inespéré !

Il est bien trouble ce citoyen ! Indécrottable naïf ? Cynique maquillé de morale ? Schizophrène à genoux ? Collabo mal dans sa peau de larbin-chef ? Peut-être est-il un peu tout cela. Le pouvoir lui offre même ses causes d’indignation et les mensonges pour y remédier. La France corrige une de ses colonies ? Le citoyen s’offusque du racisme anti-blanc et pleure sa domination menacée. La justice se fait prendre la main dans le sac de l’arbitraire qui fait son quotidien ? Le citoyen tremble à l’idée d’en être victime. La bourgeoisie s’épanche sur le sort des gosses des gens qu’elle exploite ? Le citoyen se pâme devant ce qu’il croit être un reste lumineux d’humanité. Qu’il pleure ou qu’il prie, qu’il s’indigne ou qu’il s’allonge, décidément, ne faisons jamais confiance au trouble citoyen.

Niko K.

EDITO DU CS MIDI-PYRÉNÉE N°88 - DEC. 2004/JAN. 2005

CNT-AIT


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