lundi
2 janvier 2006
Pierre SEEL n’était pas anarchiste. Toutefois nous plaçons son hommage dans cette rubrique [1] car il a eu à subir comme eux la police française avant 1939 puis la police nazi après, la déportation puis l’oubli après guerre ...
N’oublions jamais !
Je me souviens de ma première rencontre avec Pierre Seel. Nous étions tous les deux dans une boutique de photocopie de la place du Salin, lui vieillard en train de photocopier des documents, moi jeune adulte photocopiant des tracts pour une manif antifasciste. Je ne sais plus lequel des deux a abordé l’autre, mais c’était comme une évidence. Nous avions des révoltes à partager. Cette rencontre est de celles qui comptent. Il me parla du livre qu’il était en train d’écrire et pour lequel il photocopiait ces documents. Il avait décidé, après 50 ans de silence, de briser le tabou de la déportation homosexuelle. Tout comme les réfugiés anarchistes espagnols avaient été mis en camp de concentration par la police française dès 1939, c’est grâce au travail efficace de la police républicaine, qui l’avait fiché pour homosexualité, qu’il fut arrêté, torturé et déporté par la Gestapo. C’était la continuité d’un certain “ordre”. Jo, son amour, fut déchiqueté par les chiens sous ses yeux. Pour les nazis, les homosexuels ne méritaient ni la balle, ni la corde. Ils devaient être traités comme des déchets. Après guerre, seul, face à une hostilité sociale généralisée, il du cacher son terrible secret [2].
Mais cette révolte, longtemps étouffée, finit par exploser face à l’attitude de l’Église catholique -toujours égale à elle-même, l’actualité le démontre encore aujourd’hui- qui traita les homosexuels “d’infirmes” en 1989, et aux manifestations d’hostilités d’autres anciens déportés lors de cérémonies du souvenir à Besançon et à Lille à la fin des années 80 (où les gerbes en souvenirs des déportés homosexuels furent piétinées). Il lui fallait alors dire, raconter, expliquer au plus de personnes possibles.
Nous nous sommes revus à plusieurs reprises ensuite, au local de la CNT-AIT ou en ville. A sa demande, quelques-uns de nos compagnons lui apportèrent une aide dans son travail de secrétariat.
Lecteur attentif du Combat syndicaliste de Midi-Pyrénées, il n’était nullement anarchosyndicaliste mais appréciait notre liberté d’esprit et un sens de la solidarité et de l’humain qu’il regrettait de ne pas avoir trouvé dans des milieux qui lui étaient pourtant naturellement beaucoup plus proches.
Aujourd’hui, son témoignage est disponible en livre et en audio sur internet. C’est avec émotion que nous lui rendons hommage et que nous adressons un amical salut à sa famille, en particulier ses enfants, en engageant chacun à ne pas oublier ce passé dramatique.
Un compagnon
[1] Cet article a été d’abord publié dans la rubrique LA RESISTANCE ANARCHISTE FACE AU NAZISME
[2] L’homosexualité en France a été pénalisée en 1942, puis classée “fléau social” en 1960. Elle n’a été dépénalisée qu’en 1982, soit 37 ans après la « libération ».
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