Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Une Leçon de Marxisme-Lénifiant

mardi 4 juillet 2006

Un supplément de lecture n’est pas forcément un supplément de perspicacité. Et il vaut souvent mieux ne rien écrire que d’essayer de donner des leçons “d’efficacité marxiste” à des jeunes qui depuis novembre 2005 démontrent chaque jour qu’ils ne sont pas les voyous inconscients chers aux éditoriaux d’Arlette [1].

Ce 10 avril, voici donc que Lutte ouvrière (LO) revient à la charge en distribuant largement un numéro spécial [2] dans lequel mamy Arlette peut distiller, au goutte à goutte, toute sa défiance vis-à-vis de la jeunesse.

On devrait, mais on doit pas

Mobilisés au départ contre le CPE, les étudiants ont découvert progressivement le reste de cette loi ainsi que quelques autres textes législatifs. Au fur et à mesure, ils en ont dénoncé les contenus. Quoi de plus naturel ? LO en convient d’ailleurs : “le projet de loi Sarkozy [rendant encore plus précaire le sort des “étrangers”], le traitement actuellement réservé aux sans-papiers, et bien d’autres attaques indécentes des gouvernements Raffarin ou Villepin, devraient être remis en cause”. Mais attention nous dit LO : c’est pas parce qu’on devrait les remettre en cause qu’ils doivent l’être. Surtout pas ! Ce serait même très dangereux car, prévient Lutte ouvrière : “accumuler des revendications en cours de route pourrait aussi rendre plus confus le message” ( !). Que cela puisse, au contraire, rendre plus clair pour tout un chacun que ce monde est à changer totalement n’effleure pas un trotskiste !

Bloquer, fausse bonne idée !

Mais, pour LO, il ne suffit pas de limiter le message à son strict minimum. Et il faut aussi limiter les actions. LO le dit, doucereusement certes, mais, bloquer des entreprises est une “fausse bonne idée”. Pourquoi ? Parce que, on ne sait jamais, peut-être que des ouvriers (des vrai de vrai ?) “cherche[ront] à forcer le barrage”. Et que l’on empêche le “travailleuse-travailleur” le plus obtus de rentrer à l’usine, ça, LO ne peut même pas l’imaginer. Trop dur. Trop dur de penser aussi que beaucoup de salariés, qui ne se risquent pas à faire grève par peur du licenciement, sont bien contents que leur entreprise soit bloquée “de l’extérieur”. Et trop dur aussi de ne pas diviser le monde en “bons” et en “méchants”.

Pourtant, depuis un certain coup de piolet [3] le monde a bien changé. Les étudiants, en dehors des filières de prestige, sont maintenant, en même temps, des travailleurs : CDD à temps partiel, intérim, stages en entreprise (souvent non payés) se succèdent pour eux... Bref, l’exploitation, ils connaissent. Pour ceux-là, étudiants le matin, salariés le soir, ou l’inverse, les entreprises à bloquer étaient toutes trouvées ! Et pas besoin de passer par les “camarades syndiqués” habituels. Cela pour une raison bien simple : aujourd’hui, il y a infiniment plus de travailleurs-étudiants que de travailleurs syndiqués ! Par voie de conséquence, l’interface entre le monde de l’entreprise et l’extérieur n’est plus constitué par les “directions” syndicales. D’autant plus que tout le monde sait que, “à l’insu de leur plein gré” ou pas, les “camarades syndiqués“ se sont retrouvés dans le camps du pouvoir et pas dans celui de la révolte. D’ailleurs, si le mouvement a trouvé une force inattendue, c’est parce qu’il s’est émancipé des syndicats et qu’il a pratiqué l’action directe.

Alors, suffisait-il de manifester derrière les syndicats, comme les militants de LO le prétendent ? Rien n’est plus faux. Premièrement, parce qu’en 2003 le nombre de manifestants était équivalent à celui d’aujourd’hui et qu’alors, ce même type de gouvernement n’avait pas vacillé d’un poil. Deuxièmement, parce que le principal résultat de ces journées d’action a été de remettre en selle les “partenaires sociaux” qui ont pu ainsi entonner dès le 10 avril l’air fameux du “on a gagné, rentrez chez vous”, cela alors qu’on pouvait aller bien au-delà du simple retrait du CPE. Troisièmement, parce que les blocages d’entreprises menés avec la volonté affirmée de paralyser l’économie -ce qui ne s’est absolument pas passé en 2003 ni dans les mouvements précédents- ont bel et bien mis le pouvoir en difficulté. L’intervention du MEDEF le 6 avril est là pour le prouver.

Arlette, la reine du tire-fesse

Pour finir, soulignons un des conseils que LO donne aux jeunes pour mener leur lutte : papoter autour du tire-fesse. Ça ne s’invente pas. Ce n’est pas de l’humour. C’est très sérieusement la proposition que font les “révolutionnaires” de LO : “... ceux qui partent en vacances... vont pouvoir en profiter pour discuter... même dans la file d’attente d’un tire-fesses ... on peut discuter politique”. Ha oui, ça, alors !

Les militants de LO peuvent partir se faire tirer les fesses au ski en papotant autant qu’ils le veulent. Ils ne manqueront pas à la lutte. Ils ont magistralement asséné la preuve que leur organisation, toute “révolutionnaire” qu’elle se prétende, n’est là, comme tous les partis, que pour châtrer les mouvements de révolte et garantir la survie du pouvoir.

Tiré du Combat Syndicaliste de Midi-Pyrénée n°95, par la CNT-AIT de Toulouse


[1] Voir la note 2 de l’article “Quelque chose vient de changer”

[2] Supplément daté du 10 avril 2006 au n°1966 de Lutte Ouvrière

[3] C’est d’un coup de piolet, porté par un agent de son ancien complice Staline, que Trotski perdit la vie dans sa forteresse du Mexique.

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