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lundi 22 avril 2002

La liste MOTIVE-E-S, pour les élections municipales de Toulouse, présente deux particularités : l’une, d’avoir en présentoir un groupe de musette commerciale et l’autre, de n’avoir aucun programme. Intriguée, je me suis rendue à leur débat public du 18 décembre, aux allées de Barcelone.

Les chaises sont disposées en rond et les gens qui parlent sont au centre et non sur l’estrade : ça se veut convivial et les décorations de Noël préjugent bien du ton de la soirée. Constat clinique : il n’y a pas grand monde (la salle est juste pleine) et surtout quasiment pas de jeunes. C’est bien dommage, pour une liste qui défend ’la politique autrement’, l’implication citoyenne, la réappropriation du champ politique et machin truc, de voir que leur principal réservoir de voix (les jeunes, amateurs du groupe sus-cité) ne daigne pas se déplacer quand il s’agit de causer sérieusement. Pas de jeune, donc pas de jeune banlieusard, ni de banlieusard tout court, d’ailleurs, ce qui est encore plus dommage quand on voit l’effort déployé pour parsemer les textes de prénoms exotiques [1]. Mais c’est vrai que le débat a lieu en centre ville, ce qui n’est pas pratique pour tout le monde ... Enfin bon, écoutons ce qu’ils ont à nous dire.

Une présentation/genèse avec un historique du "mouvement" Zebda/tackticollectif et consorts, assez intéressant, notamment quant au rôle qu’a joué "SOS-racisme" dans la décomposition des mouvements de beurs du milieu des années 80. Puis vinrent quelques questions, dont une sur le désengagement soudain face à la LCR (avec qui ils faisaient chemin depuis quelques années). Réponse : "Oh, tu sais, on a besoin d’un temps pour se réapproprier (sic), on est des citoyens, on veut pas de professionnels de la politique, on n’est pas un parti...".

Bon, louable intention, pensais-je, bien que les motivations de cette rupture restent assez obscures (d’autant que ça ne les a pas empêchés de se présenter aux européennes avec LO et la LCR). Mais alors, à quoi ça sert de se présenter aux élections ? Puis les gens inscrits sur la liste se présentent. Nouvelle question sur le pourquoi de la distanciation d’avec la LCR, d’autant qu’il n’y a (officiellement) aucune stratégie pour le second tour. Cela cacherait-il des alliances inavouables [2] ? Réponse : "On verra plus tard (les grands axes de la soirée étant déjà établis), moi, les pactes, je m’en branle (re-sic), moi, j’ai fait l’intergalactique [3]" ... Et on a eu droit à une magnifique envolée lyrique remplie de "moi je, moi je, moi je". Bon, là encore, pourquoi pas, si c’est ça qu’ils appellent faire de la politique autrement (mais je comprends de moins en moins pourquoi ils se présentent aux élections). Disons que jusqu’ici, ça ressemblait plutôt à un club de la pseudo-contestation, rasoir mais inoffensif.

Puis les présentations continuent, c’est au tour des anciens combattants : Michel, vieux militant syndical, Fabien, militant d’AC !, Charles, qui fait de la politique depuis 1957, ancien du PSU, membre d’ARV, qui nous explique que, bon, la politique politicienne, ça ne les intéresse pas, mais qu’il faut quand même "faire" plus de cinq pour cent, sinon il va falloir payer les frais de campagne (il le sait parce qu’il a l’habitude de se présenter aux élections).

Donc, faire de la politique autrement, c’est faire de la politique avec les mêmes, mais sans programme ?

C’est quand les anciennes du MLF ont commencé à raconter leur vie et à entonner une chanson que je me suis barrée. Et puis le côté gentil éducateur/on-est-là-pour-t’aider-tu-peux-le-faire (voter) m’insupporte. J’ai donc raté l’explication du fonctionnement du collectif, les perspectives et tout ça, mais ça avait déjà été un peu abordé : à grand renfort d’assemblées générales, de commissions de travail, de non cumul des mandats et surtout de réappropriation du champ politique par les citoyens, discours creux ânonné comme on lirait un bréviaire pour la centième fois.

Les vraies questions (comment se réapproprier nos vies, prendre le contrôle direct des décisions qui nous concernent, de quels outils se munir, comment et surtout pourquoi s’organiser à la base ? ... ) on en était assez loin, les élections étant tour à tour un moyen pour un but mal défini et un but d’une utilité peu compréhensible.

Je m’étais dit que j’allais écrire un vache article pour bien faire comprendre que la prise en mains de la gestion de la cité n’a rien à voir avec un discours électoral déphasé, que l’action directe n’a rien à voir avec un rabâchage de ses slogans les plus courants, mais c’était tellement lamentable que c’est même pas la peine. Ceux qui y trouveront un nouvel outil social formidable feront une fois de plus la preuve que les élections sont vraiment un piège à cons.

Julie

**************** CNT AIT 7 rue St Remesy 31000 TOULOUSE

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[1] Ces remarques de sociologie générale ne concernent évidemment que le public, les candidats, qui se sont présentés à tour de rôle, étant une représentation plus complète du fameux citoyen visé : le cheminot à la retraite (sympa), le jeune beur (un des chanteurs du groupe) qui veut pouvoir bosser en intérim (sympa, tout le monde rigole quand il parle de chichon), la femme libérée (mais énervée), le militant associatif (sympa)...

[2] Les mauvaises langues parlent de projets gardés au secret, rumeurs renforcées par la présence de membres du parti socialiste ce soir-là.

[3] Rencontre internationale impulsée au Chiapas, alors à la mode, avec une semaine réservée aux européens et une semaine réservée aux non européens (sans commentaire).

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