Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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PERSPECTIVES
DE L’EMPIRE ROMAIN A LA MONDIALISATION : L’ANARCHISME EN HERITAGE

vendredi 1er novembre 2002

Nos ancêtres de tout le pourtour du Mare Nostrum (la Méditerranée), et largement au-delà, étaient dans les faits esclaves de Rome. Puis vinrent les invasions qui abattirent cet empire colossal. Tour à tour soldats ou laboureurs, chasseurs ou gibier, contraints souvent de se cacher dans les vastes forêts ou de s’emmurer pour échapper aux violences, les petites gens furent transformées en serfs par la féodalité, qui en mettant fin aux grandes migrations, les enracina au sol. Ils étaient devenus de simples objets, faisant partie du patrimoine des possédants de la terre, les féodaux.

Le deuxième millénaire débuta sous le signe des croisades, de l’union des victimes et de leur bourreaux. Nobles et moines persuadèrent leurs serfs de partir combattre l’infidèle et les préparèrent à mourir pour "la bonne cause". Mais la noblesse, qui dirigeait ces croisades, fut défaite par les musulmans. Alors, le sabre étant vaincu et le goupillon abandonné de son dieu, l’idée sembla renaître, comme l’écrit Michelet, que l’oppression n’a pas de légitimité. Le Serf relève la tête et brûle des châteaux... ce sont les premières Jacqueries. Les Jacques ne sont pas, comme les bandes de Bagaudes ou de Wisigoths qui firent voler en éclats l’empire romain, de simples pillards. Car dans les villes comme dans les champs, au delà de la violence vengeresse, les serfs lèvent le drapeau des franchises, de l’égalité, de la justice et de la liberté... c’est le renouveau du mouvement vers l’émancipation, dont on pourrait trouver les prémices dans maints événements de l’antiquité, tour à tour porté et défendu par les individus les plus divers. Il nous mène droit à notre actualité.

TRAJECTOIRE DU MOUVEMENT EMANCIPATEUR

La sédentarisation permet de voir naître au cours du millénaire qui s’achève différentes couches sociologique (paysannerie, artisans, bourgeois, ouvriers ensuite) prendre en main les espoirs de ce mouvement émancipateur avant de décliner. Le point commun de ces mouvements est la constante trahison des chefs politiques. C’est par exemple l’alliance de Louis XI et de Charles le Téméraire, pourtant mortels adversaires, pour massacrer le peuple de Liège.

Alors que la Renaissance met la culture à l’ordre du jour chez les princes et que les Lumières inondent la bourgeoisie, il faudra attendre le XIXème siècle pour voir le peuple se forger ses propres concepts théoriques. Proudhon reste le symbole de cette montée en puissance, mais lui, tout comme les autres socialistes de l’après révolution française, ne sont que les précurseurs de la grande prise de conscience populaire. Elle se fera peu à peu, avec l’apparition d’une classe ouvrière qui émerge en tant que telle, par étapes, en 1789, 1848, 1871, 1917, 1936 avec l’apparition d’un clivage croissant entre les bourgeois et les ouvriers, entre les partisans de la conquête du pouvoir politique, représentés en particulier par les marxistes et ceux qui revendiquent une révolution sociale, les anarchistes.

Contrairement à la prophétie marxiste, le début du siècle est secoué par deux grandes révolutions paysannes. En décembre 1914, Villa et Zapata entrent, victorieux, dans Mexico et s’assoient alternativement dans le fauteuil de Carranza, puis ils repartent l’un au Sud, l’autre au Nord, vers une défaite certaine dès lors qu’ils n’ont su aller plus loin que l’occupation éphémère des lieux du pouvoir. La révolution russe de 1917 est la riposte populaire au premier massacre mondial. L’Etat n’est pas détruit mais il est pris en main par le parti bolchevique. Les bolcheviques (marxistes-léninistes) avaient pour principal objectif de prendre la direction du mouvement et, grâce à cela, de conquérir l’Etat, d’accéder au pouvoir. Ils y réussissent pleinement. Le bilan final est le désastre que l’on sait. Le XXème siècle eqt l’histoire du déclin des partis communistes qui prônaient la dictature du prolétariat ? Ce déclin est lié à des causes historiques du même type que celui du déclin des révoltes paysannes et communales. Une seule classe sociologique, née d’une conjoncture économique particulière et instable, ne peut prétendre, à cause de cela même, supplanter un système qui repose, lui, sur une bases structurelle : la domination de l’homme sur l’homme . Cependant, les deux derniers siècles, émaillés de révolutions, ont permis aux descendants des esclaves et des serfs de se créer un projet de société, un imaginaire collectif (cette idée est largement développée par Castoriadis) qu’il leur appartient de perfectionner.

NAISSANCE DE L’ORGANISATION ANARCHISTE

Ce qui reste de tant de luttes, c’est justement la persistance du projet collectif émancipateur, basé effectivement sur une culture et des idées, porté par des individus appartenant, suivant les circonstances historiques, à telle ou telle couche sociologique de la société (paysans, artisans, ouvriers...), mais toujours issus au camp des opprimés. En face, se dresse de façon immuable le pouvoir religieux et politique, l’église et l’état, dont le rôle historique est la défense des privilèges d’un groupe sur une population.

A travers des scénarios assez voisins une fraction de cette population, sous diverses bannières, par nécessité ou par "mauvais esprit", s’est toujours retrouvée en première ligne dans la lutte contre ces pouvoirs. Ce sont là-bas les enfants perdus, ailleurs des guérilleros, ici des francs tireurs. Les Wallace, les Mandrin, les Empecinados, les Pougatchev, sont les chefs que le peuple s’est d’abord donné, à tort ou à raison, pour concrétiser sa révolte. Mais la lassitude de servir et de mourir pour des ambitieux pose la question de l’organisation sur le terrain de l’action. Elle va se poser aux rebelles et aux bandits, aux marginaux et aux insoumis, aux têtes brûlées comme aux têtes pensantes.

A partir du XVIIIème les grands mouvements populaires élisent leurs chefs, leurs guides. C’est de cette tradition que va naître le parti structuré et hiérarchisé, capable de prendre le pouvoir en se mettant à la tête des soulèvements et même en les créant. Mais, avec l’expérience, on s’aperçoit "qu’il n’y a pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César ni Tribun" et qu’une tête cela se coupe ou cela s’achète. En parallèle la naissance de l’industrialisation et de l’économie de masse va permettre aux exploités groupés dans les mines et les usines de se compter. De nombreux groupements, unions, fédérations vont naître de ce magma dont l’originelle diversité explique les différences dans les buts comme dans les tactiques. De l’alliance de militants activistes imaginée par Bakounine, plongés dans le milieu ouvrier, naîtront de puissantes organisations. Elles connaîtront des heures de gloire puis des jours sombres. Ce sont les débuts de l’anarcho-syndicalisme. En Argentine l’organisation ouvrière anarchiste (FORA) est arrivée à développer par elle-même et avec des objectifs sans compromission des luttes qui ébranlèrent le pouvoir, avant de subir une féroce répression. En Espagne, les militants et sympathisants de la CNT commencèrent à instaurer le communisme libertaire, c’est-à-dire une société autogérée libérée de l’Etat et de l’exploitation, mais ils se retrouvèrent piégés dans une guerre qui n’était pas leur guerre car l’objectif des deux camps (fasciste comme républicano-socialo-communiste) était avant tout d’en finir avec la révolution sociale. En France le mouvement syndical du début du XXème trouva sa source dans l’action de quelques anarchistes, dont Pelloutier qui créa le mouvement des Bourses du Travail, avant de se faire laminer par la guerre de 14 et d’être utilisé, pour certains regroupés autour de Monatte, par le parti communiste. A cette heure donc, une immense partie de ce travail d’émancipation et de libération a été récupérée ou anéantie par les politiciens de tous bords. Il faut en tirer les bilans.

L’ANARCHISME EN HERITAGE

De la lecture de ce qui précède, forcément concis, il ne faut pas déduire que tout cela a eu lieu de manière linéaire et progressive. Le mouvement émancipateur, comme la vie qui le porte, avance à tâtons, avec des hauts et des bas, avec ses erreurs et ses errements mais aussi avec ses coups de génie. Il n’y a pas de fin de l’Histoire, mais des moments différents.

A présent, nous sommes "citoyens" occidentaux, comme on a pu être "citoyen" romain, vivant du pain et des jeux, payés d’une richesse acquise par le système capitaliste sur le dos de l’humanité réduite pour les deux tiers à l’esclavage économique.

Plus tout à fait prolétaires (ils ont été "délocalisés"), notre existence est liée à notre force de travail mais aussi à l’intérêt que nos gouvernants trouvent à préserver la paix sociale près des lieux du pouvoir mondial. Nous sommes des plébéiens achetés par une démocratie clientéliste et notre niveau de vie au chômage reste supérieur à celui de nombre de travailleurs du tiers monde. Dans ce présent, l’idée émancipatrice reste une lueur timide et vacillante, elle doit redevenir une flamme et cette flamme un incendie. Ce que nous devons construire à l’aube du troisième millénaire, c’est le regroupement des individus à la fois porteurs de ce projet collectif et conscients de l’opposition de ce projet avec l’existence des pouvoirs institutionnels. La construction de cette organisation fondamentalement anarcho-syndicaliste par le fait qu’elle reprend la conception de lutte de classe (exploités contre exploiteurs) et de non-collaboration avec le pouvoir nous place donc dans la suite de la trajectoire initiée par les Jacqueries et toutes les luttes populaires d’émancipation.

Mais nous devons également tenir compte de l’utilisation qui a été faite du mouvement anarchiste. Nous avons été, même dans un passé récent, les bachi-bouzouks des politiciens de gauche et d’extrême gauche. Veillons à ce que cela ne se reproduise plus, à ne pas nous laisser écarter de nos objectifs, à ne pas laisser récupérer nos idées.

Libres de toute ambition individuelle, soyons ambitieux collectivement, pour le triomphe de la cause de l’émancipation universelle. Bref, soyons dignes de notre héritage .

Little Hérodote


CNT-AIT



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