Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Fédéralisme et réseau

mercredi 15 janvier 2003

La coordination de ses activités est un problème fondamental pour tout groupe humain.

Au cours de l’histoire, différents modèles d’organisation ont émergé, mais, quelles qu’en soient les variantes, c’est un modèle hiérarchisé et centralisé qui domine actuellement la planète.

Ce modèle est en parfaite adéquation avec une société d’exploitation dans laquelle une poignée de dirigeants impose à la masse des plus faibles le maintien de ses privilèges en utilisant simultanément la violence physique (suivant les cas : guerres, famines, bavures policières, prisons, licenciements, camps, misère...) et la violence idéologique (médias, enseignement, "intellectuels" aux ordres, religions, publicité...). Du sommet de l’état à la cellule familiale en passant par les entreprises et les administrations, ce même modèle est tellement présent qu’il est inconsciemment intériorisé par les individus qui finissent par le trouver "naturel". Cette pression est tellement forte que même ceux qui aspirent à changer la société peuvent le reproduire.

LE FEDERALISME

Même s’ils n’échappent pas toujours à cette critique, il faut reconnaître qu’un des efforts constants des anarcho-syndicalistes et plus généralement des libertaires est de récuser ce modèle et de proposer des modes d’organisation qui permettent de conjuguer réflexion et action collective, progrès social et respect de chaque individu. Depuis plus d’un siècle, ils proposent en alternative le fédéralisme, c’est-à-dire un système qui repose sur la libre fédération entre elles des entités qui composent une société. Ce principe très général a déjà reçu des applications réellement intéressantes et sur une grande échelle à certaines périodes historiques -la Révolution espagnole pour n’en citer qu’une-, mais il mérite d’être approfondi, affiné, d’autant qu’il peut se décliner de façons très diverses. Une des questions qui se posent d’après nous aux anarcho-syndicalistes d’aujourd’hui est d’assurer une meilleure application de ce principe dans leur propre façon de s’organiser. En effet, les cadres organisationnels sur lesquels reposent habituellement leurs mouvements se sont figés voici plus de cinquante ans et sont de ce simple fait en-dessous de ce qu’ils pourraient être par rapport à l’évolution des concepts et des besoins. Pour nous, il ne s’agit nullement de "rénover" l’anarcho-syndicalisme au sens que ce mot a pris dans le vocabulaire politique (dans lequel "rénover" veut surtout dire vider une théorie de sa substance pour ne garder qu’une partie de son décorum), mais au contraire de régénérer les notions de base avec la volonté de donner aux idées et aux pratiques anarcho-syndicalistes la plus grande expansion. Loin des concessions que certains sont périodiquement tentés de faire pour être "reconnus" par la société dominante, pour "peser" sur elle, il s’agit pour nous au contraire de développer les moyens d’organisation qui permettraient de porter d’avantage la révolution dans son cœur.

LE RESEAU

Un des concepts que l’anarcho-syndicalisme peut utiliser pour pratiquer le fédéralisme est celui du réseau. Nous allons essayer dans ces quelques lignes d’apporter des éclaircissements sur ce que nous entendons par ce mot.

1_ Tout d’abord, qu’entendons-nous par organisation en réseau ?

L’objectif du fonctionnement en réseau pour une organisation anarcho-syndicaliste est de favoriser un mode d’organisation qui garantisse à chaque syndicat sa totale liberté d’expression et d’action tout en potentialisant la solidarité avec les autres.

La liberté d’action et d’expression (l’autonomie) de chaque syndicat, fonctionnant en assemblée générale de syndiqués, implique qu’aucune autre structure à quelque niveau que ce soit ne puisse avoir le moindre pouvoir de décision à la place du syndicat, même pour des tâches qui seraient qualifiées de "techniques". Ce qui n’est pas incompatible, loin s’en faut, avec le débat, la concertation, l’échange d’information, le partage de moyens.

La solidarité entre syndicats est une démarche volontaire et non une contrainte imposée par une majorité, quelle qu’elle soit. Elle résulte d’une proposition ou d’une demande d’aide d’un ou de plusieurs syndicats et de l’accord de tout qyndicat jugeant cette proposition recevable.

Ainsi, une confédération anarcho-syndicaliste fonctionnant en réseau serait constituée d’un ensemble de syndicats se reconnaissant dans un certain nombre de principes généraux communs, issus de débats ouverts et permanents. Toute autre structure regroupant des syndicats, à tout niveau, serait alors une instance de concertation, d’information, mais jamais une instance de décision. La cohérence de la confédération serait le produit de deux facteurs et de rien d’autre : la cohérence des relations entre les syndicats et leurs actions sur le terrain.

On le comprend aisément, ce type de fonctionnement génère une confédération dynamique. La réalité de la confédération est la résultante de l’action réelle et de l’inter-réaction des syndicats. Le réseau ne garantit pas contre toute prise de pouvoir, mais il limite fortement la prise de pouvoir car il n’existe alors aucun autre lieu de décision que le syndicat.

2 _ Le réseau s’oppose-t-il au fédéralisme ?

Très souvent, les militants libertaires ont une image partielle et déformée du réseau. Celle-ci provient d’une part de la période des années 70/80 pendant laquelle des groupes dits "autonomes" ont mené des expériences souvent forts critiquables (positionnement politique obscur, dérive autoritaire...). Même s’ils n’ont pas fait référence directement à ce concept, on parle parfois de ces groupes en terme de réseaux. Les critiques qu’on peut leur faire ne tiennent pas à leur pratique restreinte du réseau mais bien à leur manque d’analyse et d’objectifs politiques. D’autre part, le mot "réseau" est souvent utilisé pour décrire des relations cachées, semi-clandestines, entre des personnes ou des groupes. Il est clair que ces rapports occultes introduisent des possibilités de manipulation dans toute une organisation. Des militants qui échangent périodiquement des informations, des idées (quelle que soit la forme utilisée : déplacements, "tournées des popotes", téléphone...) constituent un réseau. En soi, de tels échanges n’ont rien de choquant, et d’ailleurs, ils sont peut-être inévitables. Ce qui est très critiquable, c’est l’utilisation qui peut en être faite (travail de sape, construction artificielle d’un rapport de force interne...). Or, cette utilisation ne découle pas du réseau mais de son caractère caché. En officialisant le réseau, en le mettant "sur la table", en rendant accessible les informations qui y circulent à tout adhérent, on ne garde que l’aspect dynamique du réseau en neutralisant les aspects pervers évoqués ci-dessus.

Enfin, pour certains militants, le réseau évoque inévitablement ... la pagaille. Or, un réseau, comme tout mode d’organisation, peut-être plus ou moins fortement structuré. Par exemple, rien ne s’oppose à ce que, dans un réseau, des protocoles fixent par consensus les modalités de circulation de l’information.

De fait, contrairement aux idées reçues, le réseau non seulement ne s’oppose pas au fédéralisme, mais il en constitue une des formes possibles. Il ne fait pas obstacle à la solidarité et il favorise l’échange car il est débarrassé des lourdeurs du passage obligé par des instances souvent difficiles à réunir pour diverses raisons. A la norme, édictée périodiquement par un congrès ou une instance après un débat plus ou moins formel, le réseau oppose la dynamique du débat permanent conduisant à un consensus qui seul permet l’action concertée efficace.

ANARCHO-SYNDICALISME & RESEAU

A partir d’une analyse de la société de classe actuelle et de ses fonctionnements (formes de domination, rôle du spectacle de la contestation, lutte des classes...), l’anarcho-syndicalisme définit des stratégies pour combattre et abattre le totalitarisme capitaliste et étatique (position idéologique de rupture avec le système, rejet des structures collaborant avec le pouvoir ou défendant un mode d’organisation autoritaire et hiérarchique, action directe, solidarité de classe, ...) et pour organiser la société future (autogestion, communisme libertaire...). Les moyens à utiliser doivent répondre à la réalité présente et être conformes aux objectifs à atteindre. C’est pourquoi le fédéralisme doit être une constante de nos organisations et le réseau peut se révéler une façon utile de le pratiquer.

Paul


A TITRE D EXEMPLE

Imaginons qu’un syndicat propose une action commune pour dénoncer le rôle joué par Attac dans la récupération des luttes par le pouvoir. Un syndicat émet cette proposition et le fait savoir aux autres. Chaque syndicat intéressé en discute en interne et lors de rencontres entre syndicats ou entre militants, puis se prononce. S’il est d’accord sur le principe, il énonce ce qu’il compte entreprendre, ce qu’il met à la disposition des autres, ce qu’il propose comme idée d’action, pour être un des acteurs de cette démarche. Le succès de cette action ne dépend que du nombre et du travail effectif des syndicats ayant répondu favorablement à cette proposition et ayant effectivement réalisé des actions dans ce sens.

Si un syndicat n’est pas d’accord, il ne participera pas à cette action. Il se posera la question : doit-il laisser les autres faire cette action qu’il n’approuve pas ? Doit-il la combattre car elle s’oppose, d’après lui, aux principes de bases de l’anarcho-syndicalisme ? Dans ce cas, il peut choisir la forme qui lui semble la plus adaptée : proposition de poursuite du débat sur le fond, arrêt de sa collaboration avec les syndicats menant cette action, retrait de la confédération...



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