Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Les épigones français du negrisme

samedi 8 janvier 2005

Comme il est plus largement développé dans l’introduction de cette brochure, la branche française du negrisme a surtout sévi dans les revues Futur Antérieur puis Multitudes. D’autres revues, comme Chimères ou Vacarme, leur offrent régulièrement la parole, élargissant ainsi la sphère d’influence à un lectorat un peu plus large. Nous y avons puisé quelques extraits autour des concepts théoriques (revenu garanti, nouveau New Deal, multitude, la technologie informatique comme instrument de libération, pouvoir constituant) qu’ils tentent d’introduire ici, surfant sur chaque “mouvement social” ou lutte qui leur semble adéquate. Nous n’avons pu résister au plaisir d’y joindre deux extraits de pétitions signées avec la gauche de parti, notamment par Yann Moulier-Boutang, co-rédacteur de livres avec Negri depuis le début des années 90 et directeur de publication de la revue phare du negrisme en France, Multitudes, et un autre du prophète lui-même, sur les émeutes de Gênes en juillet 2001.

-  • C’est cette souplesse possible du net qui a été révélée par les expériences de novembre-décembre dernier [1995]. Tout se jouera maintenant sur la capacité à poser les questions politiques de communication et à produire des pratiques alternatives... Des pistes que de nouveaux projets tentent déjà d’expérimenter et d’approfondir. Une chose est certaine, c’est la réappropriation collective de la communication et de ses outils, de ses réseaux et de ses fonctions, par les acteurs des conflits sociaux, c’est-à-dire l’invention des instances d’une communication autonome, qui apporteront une réponse à toutes ces questions. En attendant, l’aventure continue... Alors, peut-être, cette boutade, “cette grève était la grève du fax, la prochaine sera la grève sur Internet” sera une réalité... Mais c’est une autre histoire, et elle s’écrit au présent. Aris Papatheodorou, “Cette grève était la grève du fax, la prochaine sera la grève sur Internet”, Futur Antérieur n°33-34, 1996/1

-  • Libéraux clament que la liberté de l’individu est du côté du marché, keynésiens et marxistes que l’égalité des groupes sociaux est du côté de l’allocation administrative des ressources. Nous aurions tendance à renverser radicalement les termes du problème en voyant dans l’intervention publique la possibilité de libération du potentiel productif dont est porteur l’individu du travail immatériel, et dans l’organisation du marché politique, le mécanisme de contrôle de l’égalité et de l’équité entre les groupes sociaux et les communautés en vue d’une véritable cure d’amaigrissement de la rente étatique servie aux corporations fordistes. Ce n’est que ce double programme iconoclaste qui pourra s’approcher de la démocratie économique, qui est sans doute le régime d’accumulation le “moins mauvais possible”. Yann Moulier-Boutang, La revanche des externalités, Futur Antérieur n°39-40, septembre 1997

-  • Le génie de Toni Negri et de ses amis fut alors [l’Italie de 1973 à 1977] d’anticiper sur ce qui est devenu un article de foi des années 90 : c’est l’appartenance à une grande métropole, à un bassin d’emploi et de vie, où les entreprises puisent à leur convenance, qui qualifie le jeune travailleur postfordiste, qui le condamne à des moments de chômage mais qui lui permet aussi des moments de repli hors de la sphère du travail directement productif, dans un rapport autonome au travail comme œuvre, comme activité subjective propre. (...) C’est une énergie à la fois désespérée et joyeuse qui s’est développée alors [l’Italie de 1973 à 1977] contre tous les tenants de l’Etat existant, pour signaler l’existence d’un nouveau pouvoir constituant, émergeant dans les usines, dans les universités, dans les quartiers et n’attendant qu’une organisation politique pour le formaliser et lui donner le succès, ce que n’était capable de faire aucun des groupes qui accompagnait le mouvement de ses analyses et de ses pratiques d’agitation. Maurizzio Lazzarato et Anne Querrien, “L’avenir dure longtemps”, a dit Louis Althusser, aujourd’hui Toni Negri est reparti à sa conquête, Futur Antérieur n°30-40, septembre 1977

-  • La gauche officielle ne gagnera pas les élections [présidentielles] sans nous. Parce que nous sommes la gauche réelle. (...) Et nous serons derrière elle, parce qu’elle a besoin de nous, des nouvelles formes de citoyenneté que nous avons inventées là où elle a manqué d’imagination, et des exigences que nous formulons là où elle s’est tue. Si la gauche officielle ne le veut pas, nous ferons tout pour l’obliger à le vouloir, parce que nous sommes une opposition réelle. Comme nos engagements respectifs nous l’apprennent, nous devons choisir entre ceux à qui on veut et peut s’opposer et ceux à qui on ne peut même plus parler tant ils sont devenus infréquentables. Nous sommes des électeurs de gauche, mais nous ne voulons plus l’être par défaut. Appel Nous sommes la gauche, signé par un paquet de crapules, le journal Vacarme, la revue Chimères, Yann Moulier-Boutang, 1997

-  • Mais à moins de vouloir faire de la France un pays de plein emploi à salaires de misère (ce qui creusera vertigineusement, à l’anglaise, la pauvreté et limitera la croissance durable), [le revenu universel de citoyenneté] est exactement ce dont l’économie a besoin : d’un choc salutaire augmentant le revenu disponible des ménages qui dépensent. Mais il est aussi une autre raison qui fait du revenu universel de citoyenneté la clé de transformation de l’économie vers le haut et non vers le bas. Il n’y aura pas de mobilité sectorielle, de “souplesse” des créations d’entreprises, d’investissement dans les secteurs à haute technologie, s’il n’y a pas un nouveau filet de protection qui protège le travail immatériel, ce travail non reconnu pleinement par la société, actuellement exploité sans vergogne par les entreprises pionnières. Tous ceux qui travaillent tantôt comme salariés, tantôt à leur compte, au rythme des charrettes, par à-coups ont besoin d’une garantie de revenu pour déployer leur force d’invention. Tous ceux qui contribuent à la productivité collective, à la création des nouveaux territoires productifs, au développement durable, à la qualité de la vie, à la santé de la population, sont aujourd’hui aussi productifs que le salarié du secteur marchand. (...) Si la Gauche veut réussir à transformer le travail, à redéfinir la législation du travail, à le répartir autrement, à retrouver les chemins du développement, elle devra en passer par là. Nous ne lui demandons pas de forger l’impossible de toutes pièces. Nous lui demandons d’ouvrir les yeux sur ce mouvement de fond. Yann Moulier-Boutang, Pour un nouveau New Deal, Chimères n°33, printemps 1998

-  • J’avais admiré la poésie millénariste de leurs [les Tute bianche] proclamations d’avant le G8, inspirée par Luther Blisset et les zapatistes, l’habileté tactique de leurs rapports avec les médias, leur recherche d’un accord au sein du GSF, leur façon de faire respecter leurs propres principes en respectant ceux des autres. (...) Aujourd’hui, il semble que se balbutie un mouvement de contestation du gouvernement mondial d’un intérêt infiniment plus vaste que la satisfaction du légitime, mais misérable besoin de tout casser. Authenticité de leur rébellion, débilité de la plupart de leurs objectifs : cette double constatation doit servir de base au nécessaire dialogue à conduire avec les BB [Black Blocs]. Serge Quadruppani, Les multiples visages de la révolte globale et la face assassine de Big Brother, 28 juillet 2001 in samizdat.net & complices, Gênes 19-20-21 juillet 2001 multitudes en marche contre l’Empire, éd. Reflex, juin 2002

-  • La multitude précaire de Gênes était féminine ; cette multitude que la violence de l’Etat et l’arrogance du G8 ont enfermée dans une orgie de répression. Il fut donc féminin d’éviter l’affrontement. Agnoletto et Casarini ont saisi cette sensibilité lors de l’assemblée au stade de Gênes, en refusant de poursuivre l’affrontement pendant la nuit, après l’assassinat de Carlo Giuliani. (...) Le mot d’ordre de la majorité des manifestants de Gênes fut donc de se soustraire à la violence : traduction du désir du prolétariat social et précaire de se soustraire à l’exploitation. (...) Mais la multitude est singulière et chaque être singulier avait une caméra : la multitude des photos se révèle alors une arme bien plus acérée qu’une matraque transformée en instrument de torture. A Gênes, tout le monde regardait, mais pas le moindre voyeur. A Gênes, Big Brother s’est libéré de ses maîtres, des miroirs, du narcissisme et de la perversion. Regarder c’était résister, c’était produire une image contre le contrôle, une parole contre le langage du pouvoir. Antonio Negri, Ainsi commença la chute de l’empire, Multitudes n°7, décembre 2001

-  • Aujourd’hui ceux qui cherchent à agir contre les suspensions d’allocations, l’emploi forcé, les formations non choisies, les radiations, ne se satisfont pas de cette autodéfense sociale. De telles pratiques nécessitent, pour se développer, un horizon général. Le refus ne va pas sans forme d’affirmation qui nous éloignent du catastrophique “la révolution ou rien”. Le revenu garanti est un moyen de construire de l’égoïsme collectif. Dire que c’est renforcer l’état, c’est se moquer du monde puisque l’état gère déjà (très hiérarchiquement) cette “petite circulation” du salaire, il s’agit justement de construire du contre-pouvoir sur ce terrain. Le revenu garanti n’est pas un paradis futur, ses formes présentes déterminent déjà l’existence. Il s’agit d’ouvrir tout l’espace du possible, dès maintenant, à la libre activité. Contre le travail, contre sa mesure par le salaire, et contre la richesse (marchande) qu’il promet, on dira qu’un autre monde est possible. Laurent Guilloteau, Il faut mater le précariat !, Multitudes n°8, mars-avril 2002

-  • Le mouvement de novembre-décembre 1995 avait tiré sa force du fax et des débuts d’internet. Depuis le 21 avril, Internet et le mobile permettent aux “tribus” et aux “nomades” tant vantés par les opérateurs de mobiles dans leurs campagnes publicitaires de descendre en masse sur le sentier de la guerre, la guerre contre la haine et l’intolérance. La gauche plurielle a perdu le droit d’être présente au deuxième tour de l’élection présidentielle en limitant le discours politique à la communication réservée dans son élaboration à l’élite du parti. Le peuple de gauche s’empare des outils de la communication pour développer la révolte, penser dans la rue, organiser la riposte, converser avec ses voisins, parler avec des inconnus. La communication directe et de masse au sein de la multitude décuple les forces qu’elle porte en elle, comme ce fut le cas pour Seattle et toutes les manifestations mondiales qui ont suivi. (...) Le 5 mai sera le vote de la multitude, un vote dont aucun bulletin n’aura le même sens même s’il porte le même nom. Après ? On verra. Anne Querrien, François Rosso, 21 avril 2002 : la révolte de la multitude, hns-info.net, 28 avril 2002

-  • Une mobilisation de toute la gauche et particulièrement de la jeunesse a écarté le risque désastreux de l’aventure Le Pen. C’est parce que nous y avons pris part pleinement que nous disons fermement que nous ne pouvons en rester à ce seul refus antifasciste. (...) C’est pourquoi nous appelons sans ambiguïté à battre la droite aux législatives. Il en va des espaces de libertés publiques pour toutes et tous, et tout spécialement pour les minorités, il en va des volontés de transformation profonde civile et fraternelle de la société. (...) La gauche doit faire advenir les nouveaux droits sociaux et culturels qui seuls peuvent rendre la vie de la cité vivable. Elle doit activer un débat constituant sur les changements institutionnels fondamentaux qui rendraient la vie politique attentive aux mouvements de la société et créerait les conditions permanentes d’une démocratie pleinement participative. (...) Nous appelons nos concitoyens à ne pas laisser se refermer les espaces de débats et d’initiatives ouverts dans la foulée de l’élection présidentielle et à en créer de nouveaux. Dans leur existence, ces initiatives sont constituantes. Sans elles, la gauche n’est pas toute la gauche et n’est plus vraiment de gauche. Appel Toute la gauche pour changer la gauche, 3 juin 2002, signé au lancement de l’appel conjointement par des crapules élues du PS, PC, les Verts et notamment les revues Chimères, Multitudes, Vacarme.


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