jeudi
23 mai 2002
Comme un écho international au slogan "Pouvoir Assassin", poussé en Algérie par des centaines de milliers de poitrines, le cri de "Politiciens = Voleurs" claque depuis plusieurs semaines en Argentine avec une force considérable dont les médias français se gardent bien de donner toute la mesure. Ce pays, extrêmement proche de l’Europe du sud par sa culture et son économie, fut de 1930 à 1950, une des sept premières puissances économiques mondiales. En un demi siècle, sa population a été réduite à la misère par les différentes cliques qui se sont succédées au pouvoir : d’abord, les permanents syndicaux de la CGT, devenus les grands dignitaires du régime péroniste, ensuite les généraux tortionnaires, pour finir, les politiciens maffieux de la démocratie parlementaire. Inexorablement, l’Argentine a été dévalisée par le capitalisme et la corruption des dirigeants.
Leurs méfaits nous montre que personne, nulle part sur le globe, n’est à l’abri de tels retournements de situation économique et sociale.
En 1978, l’Argentine était encore (elle aussi) assez puissante pour organiser son Mundial . Elle est devenue à cette occasion (elle aussi) championne du monde de foot. C’était surtout une façon d’essayer d’anesthésier les gens en butte à la crise et au fascisme de l’Etat. Mais, malgré Diego Maradona, ils n’ont pas cru longtemps en la sécurité et à l’ordre imposés par les policiers et les militaires dont les coups d’Etat se sont succédés.
Après la comédie du retour à la démocratie (on se souvient du président de gauche Alfonsin décorant le tortionnaire Astiz), les argentins ont commencé à tirer les leçons des forfaits successifs commis par l’Etat et le patronat, et à manifester leur écœurement de la même façon que les populations de nos "démocraties" : en pratiquant un taux d’abstention de plus en plus en fort. Cela explique pourquoi, aujourd’hui, les parlementaires ne veulent plus recourir à des élections. Ils ont peur de se couvrir de ridicule car la population ne leur fait aucune confiance et les traite continuellement de voleurs.
Comme ces politiciens privilégiés touchent des salaires 100 fois supérieurs au revenu moyen, ils tiennent à leur sinécure, alors ils se nomment entre eux "Président de la république argentine" et se succèdent à un rythme effarant : 2,3,4, 5... présidents dans le mois.
Ces guignolades ne parviennent plus à cacher l’essentiel. Là, comme ailleurs, la révolte des misérables restera endémique pour reprendre plus fort dans une autre région du globe. Car les quelques mesures que prendront les "experts" économiques pour gérer une situation mondiale de plus en plus grave seront insuffisantes. Ni les réévaluations, ni les dévaluations, ni les taxes Tobin ni les taux, ni les nationalisations ou les privatisations, ni de nouvelles monnaies ou de vieilles charités ne combleront les fossés. Rien de cet arsenal foireux, destiné à jouer la montre sur les cadavres des victimes du capital n’empêchera que se lève la voix populaire, la voix libertaire. De toutes parts les inégalités de plus en plus criantes inspireront, là où l’on s’y attend le moins, les cris de Justice et Liberté !
Il faut le souligner, le soulèvement des descamisados argentins n’est pas issu du néant. Il trouve ses racines bien avant les émeutes de la faim des années 1990. Car l’Argentine a déjà connu des périodes de luttes terribles, toujours écrasées par le pouvoir, mais toujours renaissantes. Nous évoquions dans "Le Combat Syndicaliste" d’octobre 2001 l’épopée de la FORA. Mais il faut également rappeler l’exemplaire héroïsme des mères de la Place de Mai à Buenos Aires. Ces femmes qui avaient perdu leur fils dans les prisons étatiques ont commencé à dénoncer dès 1977 le pouvoir assassin. Au nombre d’une petite dizaine la première fois, elles ont osé défier les pires criminels. En manifestant en plein jour dans la capitale en ces heures noires face aux tanières gouvernementales des bourreaux, elles dressèrent l’esprit contre l’épouvante. Quelquefois, et pour le plus grand mal des puissants, le courage est contagieux, d’autres parentes de disparus grossirent le maigre défilé, et leur mouvement ne cessa de grandir. Méprisant, le pouvoir, les traitait de "folles", de “pauvres folles sans importance”. A la chute de la dictature, après la guerre des Malouines, le nouveau régime parlementaire osa proposer à ces "folles de la Place de Mai" de fortes sommes d’argent et des places dans les ministères. Dans ce monde où la norme est la corruption, folles elles étaient, et folles elles restèrent : pour continuer de jeter leurs terribles accusations contre les responsables politiques de la mort de leurs fils, elles refusèrent ce marché méprisable.
La jeunesse argentine qui, en quelques jours, est passée à l’action directe, à la réappropriation de richesses volées, au saccage du parlement ; avait derrière elle toute cette histoire grandiose et le soutient de toutes les victimes passées du terrorisme d’Etat. Et plus d’une fois, pour protéger les révoltés, on a vu des grands-mères avec leur seule force morale arrêter les assassins en uniforme. Ces événements, qui à n’en pas douter auront des répercussions sur tout le continent sud américain, survenus à la suite de la révolte des mineurs boliviens au printemps 2001, nous montrent, très simplement et très clairement, que la révolution internationale s’inscrit à l’ordre du jour.
A.R.S.A
Pour en savoir plus lire :
E. LOPEZ ARANGOLA
FORA,(Federacion obrera regional argentina)UNE ORGANISATION OUVRIèRE ANARCHISTE
Traduction, préface et notes Angel Rodriguez Sierra.
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