Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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ÉLECTEUR, ÉCOUTE...

vendredi 3 mai 2002

Électeur, avant de passer au guichet pour solder ta place, écoute ce que disent les anarchistes, écoute attentivement et réfléchis.

Voter, c’est accepter la servitude.

Les anarchistes n’ont jamais eu de représentants siégeant dans les assemblées parlementaires. Les anarchistes n’ont pas de candidat. Au surplus, un candidat qui se présenterait comme anarchiste n’aurait pas une seule voix, puisque les anarchistes s’abstiennent de voter.

Ils refusent de se servir du bulletin de vote que la constitution met entre leurs mains. Ne suppose pas que ce soit pour ne pas faire comme les autres. Sache que les raisons pour lesquelles les anarchistes s’abstiennent sont multiples et graves. Ces raisons, les voici brièvement exposées.

L’anarchiste est et veut rester un homme libre. Il est clair que, comme tous ses frères en humanité, il est astreint à subir la loi : mais c’est à son corps défendant et quand il s’y soumet, ce n’est pas qu’il la respecte ni qu’il estime équitable de s’incliner devant elle ; c’est parce qu’il lui est impossible de s’y soustraire. Toutefois, il n’en accepte ni l’origine, ni le caractère, ni les fins. Tout au contraire, il en proclame et se fait fort d’en démontrer l’iniquité. A ses yeux, la loi n’est, à ce moment de l’histoire que nous vivons, que la reconnaissance et la consécration d’un régime social issu des usurpations et des spoliations passées et basé sur la domination d’une caste et l’exploitation d’une classe.

Ce régime ne peut vivre et continuer qu’en empruntant son apparente et temporaire légitimé au consentement populaire. Il est dans l’obligation de s’appuyer sur l’adhésion bénévole de ceux qui en sont les victimes : dans l’ordre politique, les citoyens ; dans l’ordre économique, les travailleurs.

C’est pourquoi, tous les quatre ans, le peuple est appelé à désigner par ses suffrages les individus à qui il entend confier le mandat de se prononcer sur toutes les questions que soulève l’existence même de la nation. Ces questions sont réglées par un ensemble de prescriptions et de défenses qui ont force de loi et la loi dispose, contre quiconque tente d’agir contre elle, et à plus forte raison, contre quiconque la viole, d’une telle puissance de répression que tout geste de révolte par lequel un homme proteste contre l’injustice de la loi et tente de s’y dérober est passible des plus dures pénalités.

Or, le Parlement est l’assemblée des individus à qui le suffrage dit universel a délégué le pouvoir d’édicter la loi et le devoir d’en assurer l’application. Le député et le sénateur sont avant tout les législateurs.

Comprends-tu, maintenant, électeur, l’exactitude de cette affirmation formulée par Elisée Reclus : Voter, c’est se donner un maître.

Et oui ! Un maître ; puisque voter c’est désigner un député, c’est confier à un élu le mandat de formuler la règle, et lui attribuer le pouvoir, pis encore, lui imposer le devoir de la faire respecter par la force. Un maître, puisque voter c’est renoncer à sa propre liberté et l’abdiquer en faveur de l’élu.

Toi qui votes, ne m’objecte pas que tu conserves quand même le droit de t’insurger. Mets-toi bien dans la tête que s’il t’arrive d’entrer en révolte contre l’Autorité, tu renies la signature que tu as donnée, tu violes l’engagement que tu as contracté, tu retires à ton représentant le mandat que tu lui a librement consenti. Tu l’as envoyé au Parlement avec le mission précise d’y participer, d’y collaborer à la discussion, au vote, à la promulgation de la loi et de veiller à la scrupuleuse application de celle-ci.

C’est le Parlement qui a la charge de modifier ou d’abroger les lois ; par ton suffrage exprimé, tu as participé à la composition de ce parlement ; par ton vote, tu lui as donné pleins pouvoirs ; le parti auquel tu appartiens a des représentants au sein de cette assemblée ; le programme que tu as affirmé par ton bulletin a des porte-parole à la Chambre. Il leur appartient - tu l’as voulu - d’amender, de corriger ou d’abroger les lois qui entravent ton indépendance politique et consacre ta servitude économique.

Enrage, proteste, indigne-toi, tu en as le droit. Mais c’est tout ce qu’il est permis de faire. Ne perds pas de vue que, en votant, tu as renoncé, ipso facto,à ton droit à la révolte, que tu as abdiqué en faveur des représentants de ton parti, que, pour tout dire en un mot, tu as cessé d’être libre.

Celui qui a comprit cette élémentaire vérité : l’anarchiste ne vote pas, parce qu’il veut être un homme libre, parce qu’il refuse d’enchaîner sa conscience, de ligoter sa volonté, parce qu’il entend garder, à tout instant et en toutes circonstances son droit à la révolte, à l’insurrection, à la révolution.

L’État, c’est l’ennemi ! Écoute encore...

En régime représentatif, le Parlement, c’est l’État. Théoriquement, il n’en est qu’une partie ; car en principe, il n’est nanti que du pouvoir législatif. Mais c’est le Parlement (Chambre et Sénat réunis) qui élit le Président de la République, entre les mains de qui est centralisé le pouvoir exécutif ; et si, théoriquement, c’est la Magistrature qui détient le pouvoir judiciaire, comme c’est le Parlement qui confectionne les lois et que le pouvoir judiciaire n’a que le mandat d’en appliquer les dispositions, on voit que, somme toute, directement ou indirectement, le Parlement est, en dernière analyse, omnipotent. C’est donc lui qui est l’État.

Or, l’État, disent les anarchistes, c’est la prise de possession du pouvoir par la classe dominante, au détriment de la classe dominée. C’est actuellement l’ensemble des institutions qui régissent la nation entre les mains des chargés d’affaires de la classe capitaliste et, plus spécialement, de la haute finance, de la puissante industrie, du grand commerce et de la vaste propriété terrienne.

C’est la citadelle d’où partent les ordres qui courbent la multitude ; c’est la gigantesque forteresse où siège la force armée : troupe, gendarmerie, police, dont la fonction est de persécuter, d’arrêter, d’emprisonner et en cas de révolte collective, de massacrer qui s’insurge.

C’est la monstre qui, insatiablement, se repaît du sang et des os de tous ceux qui, par leur travail, alimentent le budget qui s’enfle démesurément.

L’État, c’est l’ennemi contre lequel il faut lutter, lutter encore, lutter toujours, jusqu’à ce qu’il soit définitivement abattu.

Sébastien Faure.

Ce texte a été édité par le bureau anti-parlementaire en 1919.


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