mercredi
10 juillet 2002
En temps ordinaire, les réalités essentielles, celles qui permettent de comprendre le fonctionnement de la société, sont tenues éloignées des yeux de la majorité des gens par l’appareil de contrôle idéologique (médias, sports, modes, églises...). Parfois, ces réalités font irruption dans l’opinion publique. En quelques instants, cette dernière prend conscience, généralement de façon confuse et chaotique, des forces qui la travaillent souterrainement. C’est ce qu’on appelle une crise.
Nous venons de traverser une crise. Que s’est-il passé en effet avec cette série d’élections que nous venons de vivre ? Si on en reste au niveau de la politique politicienne, on observe que la campagne présidentielle a été cen-trée sur la peur de .. l’insécurité. Cela a permis au vote d’extrême droite de progresser modérément, à celui de droite de bien se maintenir (malgré les affaires en cours), tandis que le vote de gauche était laminé. Le résultat a été la présence de Le Pen au 2ème tour ce que beaucoup de gens (en particulier les jeunes) ont vécu comme une agression, un traumatisme. Ce choc émotionnel a été utilisé pour polariser le débat sur une autre peur, celle de Le Pen, et a assuré une réélection du sortant avec un score stalinien. L’émotion de l’entre deux tours étant retombée, les législatives se sont diluées dans la coupe du monde de football et la droi-te a fait une entrée hégémonique dans la nouvelle assemblée. Tout est rentré dans l’ordre. Chirac, avec la délicatesse de langage qu’on lui connaît, a parfaitement résumé la situation politique française d’une phrase lapidaire : "On les a bien niqués ! " (Canard Enchaîné, 12juin 2002), phrase qui vise tous ceux qui ont voté pour lui sans être de son bord.
Mais, tout ceci n’est que la surface des choses. Si l’on essaie de comprendre ce qui se passe dans la société, ce qui doit retenir l’attention, c’est la courbe progressivement grimpante de l’abstention depuis une quinzaine d’années. C’est une traduction du rejet du jeu politique. Ce rejet était jusqu’à présent plutôt lavé. La présidentielle a joué comme un révélateur, en deux temps, pour lui donner sa pleine signification.
Dans un premier temps, la féroce campagne de l’entre deux tours contre les abstentionnistes a mis en évidence pour tout le monde que l’abstention, loin d’être du simple "je m’enfoutis-me", était un acte politique de grande signification.
L’appel sordide de la gauche et de l’extrême-gauche à voter Chirac a ramené les plus indécis aux urnes pour un dimanche. Mais il a rendu tellement évidente la collusion de tous les partis que, dans un deuxième temps, il a accentué et rendu plus visible encore le rejet.
Les partis de gouvernement apparaissent maintenant à une frange importante de la population comme ce qu’ils sont : un bloc relativement monolithique qui poursuit, quelles que soient les nuances, les mêmes objec-tifs : défendre les privilèges d’une caste, maintenir d’une main de fer l’exploitation de "ceux d’en bas" auxquels les gouvernements successifs imposent licenciements, privatisations, flexibilité, délocalisations, augmentation des cadences,... et même une véritable misère pour ceux qui sont "tout à fait d’en bas".
En fin de compte, entre l’abstention, le vote blanc et les non inscrits (soit parce qu’ils ne veulent pas s’inscrire, soit parce qu’ils n’en ont pas le droit), plus de la moitié des adultes n’ont pas participé aux dernières élections. Avec un tel pourcentage, il est clair que ce qui s’exprime n’est plus seulement un refus de choisir entre des courants politiques mais bien un rejet de l’ensemble du jeu institutionnel, un rejet qui commence a être de plus en plus conscient.
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