Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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Article du CS Midi-Pyrénées n°76 été 2002

mercredi 28 août 2002

DCCNa + Nitrate = EXPLOSION

Alors que les travaux de reconstruction sont loin d’être achevés, le film des événements, a été reconstitué par les experts. Comme beaucoup de catastrophes industrielles, l’explosion d’AZF est la conséquence d’une chaîne d’incidents, qui, sur le papier, ne pouvaient pas se produire. Le 21 septembre 2001 au matin, un GRVS (Grand Récipient Vrac Solide, c’est-à-dire une sorte de grand sac en jargon AZF), provenant de la zone sud de l’usine (exactement du bâtiment ACD 335) s’éventre au cours d’une manipulation. Ce GRVS contenait du dichloroisocyanurate de sodium (DCCNa), un dérivé chloré servant à l’entretien des piscines. 500 kg s’en échappent. Ils sont pelletés et mis dans un autre GRVS qui quitte alors la zone sud (qui, toujours en langage AZF ; était sensée être "étanche", c’est-à-dire ne pas communiquer avec les autres zones) et finit sa course dans l’entrepôt 221.

A noter, et ceci explique peut-être cela, que d’une part les GRVS, lavés et réutilisés, ne sont pas nécessairement bien identifiés, et que d’autre part, de nombreux personnels intérimaires travaillent sur le site (souvent aux tâches les plus "sales", d’élimination des déchets) et ne peuvent avoir qu’une connaissance très superficielle de l’organisation de l’usine et des règles de sécurité. L’entrepôt 221 contenait 300 à 350 tonnes de nitrates déclassés et stockés en vrac (le contenu exact de cet entrepôt, après huit mois d’enquêtes par plusieurs organismes reste encore inconnu). Un quart d’heure après avoir reçu la demi-tonne de DCCNa, l’entrepôt 221 explose, et avec lui une bonne partie de la ville.

Le mélange DCCNa + nitrates est particulièrement dangereux. Chaque fois qu’il a été reconstitué en laboratoire, le résultat a été le même : une violente explosion.

Le PDG peut dormir sur ses deux oreilles

Aujourd’hui, on sait donc ce qui s’est passé. Mais alors, que fait la justice, direz-vous ? Certes, une information judiciaire pour "homicides et blessures involontaires et destruction et détérioration de bien d’autrui par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi" a été ouverte. Mais, elle ne remontera pas très haut, car comme l’écrit "La Dépêche" : "Seule certitude, la nouvelle loi Guigou de juillet 2000 qui limite la responsabilité pénale dans ce genre de dossier ne devrait pas permettre à la justice de remonter à la tête de TotalFinaElf". Merci encore une fois aux députés socialistes qui ont savamment édifié un rempart juridique pour protéger les PDG ... qui sont tout à faits capables de se protéger eux mêmes pourtant ! En effet, "ces sociétes (comme TotalFinaElf) ont la spécialité de cloisonner leurs affaires". Un exemple ? "Les marées noires. Dans ces cas là, le bateau est toujours sous la responsabilité d’une société indépendante, ce qui rend les investiga-tions trés délicates". Pour en revenir à Toulouse, "Il y a tout de même un certain nombre d’écrans avant d’en arriver au PDG. Car avant TotalFinaElf il y a Isochem, et avant Isochem, il y a Grande Paroisse". Bref, entre la loi de la gauche plurielle (loi Guigou), le cloisonnement systématique et les écrans, c’est pas demain que le patron de TotalFinaElf sera inquiété. Petite remarque, ces propos très pertinents sur le cloisonnement, les sociétés indépendantes et les écrans ne sont pas tenus par de dangereux anarchosyndicalistes mais par ... le procureur de la république. Bref, l’appareil d’état qu’il représente est tout à fait au courant de ces pratiques. Mais, c’est pas pour ça que cela va changer, faites-leur confiance ! Aussi, vous ne serez pas étonnés d’apprendre qu’au jour ou ces lignes sont écrites, ce sont surtout des lampistes qui sont mis en examen, plus le directeur du site de Toulouse. Lequel, avec ses proches collaborateurs, a choisi de ne pas donner d’explication au cours de sa garde à vue. Il avait été beaucoup plus loquace au début, affirmant, péremptoire, après l’explosion "qu’aucun des employés d’AZF n’avait fait la moindre erreur de manipulation". Le silence étourdissant des responsables du site toulousain donne aujourd’hui une idée assez claire de la "transparence" d’AZF. Rappelons qu’à La Mède (autre fleuron de Total, explosé en 92), c’est dans une décharge que les enquêteurs avaient du aller fouiller pour retrouver d’importants documents. Transparence, quand tu nous tiens... En tout cas, si l’on en juge par le ballet d’avocats parisiens venus défendre les mis en examen de Toulouse, la procédure s’annonce des plus longues (mais au fait, où en est-on du procès de l’Erika ?).

Quand aux "camarades syndiqués" (CGT SUD, CFDT...) ils commencent à sentir, mais un peu tard, qu’ils se sont jetés dans la gueule du loup. Au début, tout feu tout flamme (si l’on ose écrire), "aveuglés" par leur credo de "défense de l’emploi", ils ont défendu avec une totale vigueur la thèse patronale ("aucune erreur, aucune faute, l’usine était sûre"), laissant de ce fait lourdement sous entendre qu’il s’agissait d’un attentat. Ce qui explique qu’ils n’aient pas défendu la mémoire du salarié intérimaire assassiné par l’explosion et ignoblement accusé à tort.

Nous ne sommes pas les seuls à avoir cette impression que les syndicats ont parlé d’une seule et même voix avec leur patron. Ainsi, le collectif PJCNINA (Plus jamais ça, ni ici ni ailleurs), invité en décembre par la radio M’Toulouse pour débattre avec les représentants des salariés du pôle chimique s’est trouvé confronté à des dirigeants d’AZF et de la SNPE. Des représentants syndicaux représentés par leurs patrons ? Curieux, non ? Autre exemple, le 21 mars, six mois jour pour jour après la catastrophe, des salariés de la chimie et de l’armement, venus de toute la région, manifestaient, certainement avec la bénédiction de leurs patrons, puisqu’ils avaient pu emprunter à leurs entreprises, sans encombre, les tracto-pelles et les camions. Information non vérifiée mais sur laquelle nous serions preneurs de confirmation ou d’infirmation : on dit que la journée de manifestation à été payée aux manifestants.

De multiples agressions contre les victimes

Dans ce triste dossier d’ailleurs, d’autres dérapages ont été enregistrés. A plusieurs reprises, des victimes d’AZF ont été agressées. Exemple : le 19 mars 2002, des membres de PJCNINA, en délégation pacifique au siège d’AZF pour demander l’accélération des dos-siers d’indemnisation, se sont faits agressés physiquement à la sortie par des gros bras. Le 21 septembre au matin, ce sont des riverains, membres de l’association AVPRI, qui sont agressés physiquement alors qu’ils posaient en bordure de route des silhouettes de carton rappelant les morts de la catastrophe. Un est poursuivi jusque dans son jardin par ses agresseurs. Des commerçants ont été menacés s’ils ne retiraient pas de leur magasin les affiches appelant à la ferme-ture du pôle chimique, ceux qui ont résisté aux menaces, dans le quartier St Cyprien, ont eu leur vitrine barbouillée de peinture... On se demande qui a tellement intérêt à imposer silence aux opposants à la réouverture du pôle chimique, qu’il ne recule devant aucun moyen...

Mais revenons-en aux camarades syndiqués. Aujourd’hui, devant les premières mises en accusation de lampistes, ils s’insurgent : "Ce ne sont pas les salariés qui réfléchissent à l’organisation du travail Ce sont donc le PDG et les actionnaires qui sont les seuls responsables" clame à qui veut l’entendre Gisèle vidallet pour la CGT. Ah, bon, finalement, il y aurait donc des responsables ? Et la CFDT d’en rajouter une couche avec innocence "Quelle que soit la faute commise, un salarié ne fait qu’obéir au patron". Re-ah bon, en plus, il y aurait eu des fautes commises ? C’est que, après avoir laissé se propager la thèse de l’acte malveillant (c’est-à-dire de l’attentat), les dirigeants de TotalFinElf, pas fous, voyant que cette thèse imbécile est réduite en poussière par l’enquête, changent leur fusil d’épaule. Ont voit se profiler leur nouvelle ligne de défense : les dirigeants n’étaient au courant de rien, ce sont des ouvriers qui ont mal appliqué les consignes de sécurité, ce sont donc eux les responsables. Et le tour sera joué. Et les camarades syndiqués, lâchés par leur patron pour lequel ils ont tant oeuvré, commencent à se retrouver gros jean comme devant.

Katy Soulet


CNT-AIT



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