Actualité de l’Anarcho-syndicalisme

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KOSOVO : PAS DE GUERRE ENTRE LES PEUPLES, PAS DE PAIX ENTRE LES CLASSES !

samedi 26 avril 2008

Le 17 février, la classe dirigeante kosovar, au service de l’impérialisme US, a déclaré la création d’un autre Etat dans les Balkans. Plusieurs semaines après cet acte et les événements qui l’ont suivi, nous pensons qu’assez de temps s’est écoulé pour essayer d’objectiver et de comprendre ces faits.

Le 17 février, la classe dirigeante kosovar, au service de l’impérialisme US, a déclaré la création d’un autre Etat dans les Balkans. Plusieurs semaines après cet acte et les événements qui l’ont suivi, nous pensons qu’assez de temps s’est écoulé pour essayer d’objectiver et de comprendre ces faits.

Il n’y a pas de doute que derrière cette déclaration d’indépendance par les patrons et les politiciens kosovars, malgré ce qu’ils présentent comme raisons, se cache leur souhait de formaliser et de tracer des positions à partir desquelles ils peuvent exploiter la population du Kosovo de façon beaucoup « indépendante ». Chaque Etat, y compris le nouveau Kosovo, a maintenu le système capitaliste par la force, parce que c’est l’ultime raison de son existence. Or dans ce système, un groupe de criminel dirige la vie de travailleurs et de paysans réduits à l’esclavage.

Le large soutien apporté par les citoyens du Kosovo à leurs politiciens et patrons trouve son origine dans le souvenir toujours vivace du régime d’apartheid que Milosevic a poussé à ses limites durant son règne. En utilisant le mythe du Kosovo médiéval comme drogue pour la population, Milosevic a, de la façon la plus brutale, exercé la politique au service de la classe dirigeante de Serbie. Avec sa politique nationaliste dirigée contre les Alabanais, Milosevic a été capable de détourner l’attention de l’émergence de problèmes sociaux, qui commençaient à menacer sérieusement la bureaucratie socialiste de l’ex-République socialiste fédérale de Yougoslavie. Nous nous souvenons de sa lutte brutale contre les travailleurs et étudiants albanais, sa diarrhée verbale à Gazimestan, mais aussi ses crimes perpétrés contre les civils albanais, les relégant à des citoyens de seconde zone. Aujourd’hui, les patrons et les politiciens serbes souhaitent répéter ce mauvais tour et, invulnérables, poursuivre leur vol et privatisation, en nous rendant tous fous avec leurs contes sans fin à propos du Kosovo.

Comme de nos jours, il est impossible dans ce cas de souligner suffisamment l’influence des grands pouvoirs dans les événements survenus récemment au Kosovo et dans les Balkans. La force capitaliste dominante actuelle, ce sont les Etats-Unis d’Amérique, au service de qui Milosevic travaillait depuis un bout de temps, et qui, de concert avec leurs alliés, l’ont même qualifié un moment de « facteur de paix et de stabilité dans les Balkans ». Aujourd’hui, les USA ont trouvé, dans la classe dirigeante du Kosovo, des serviteurs sur lesquels elle peut, manifestement, s’appuyer bien plus solidement. Et tandis que les politiciens albanais excitent la population par des discours où il est question de se libérer des griffes de l’Etat serbe, ils placent en fait les Albanais sous une nouvelle bride contrôlée par les tenants du pouvoir occidental.

En ce sens, il n’est pas possible de mettre en doute le caractère OTAN du nouvel Etat kosovar. Des documents, tels que le plan de Martti Ahtisaari d’Envoi spécial de l’ONU au Kosovo, qui a été soutenu par les USA et l’Union européenne, il apparaît clairement que la présence de troupes de l’OTAN au Kosovo est l’un des principaux préalables à l’« indépendance » du Kosovo. Précisément, dans ce contexte, il est important de suivre le développement de l’Etat kosovar, qui devient l’un des plus importants satellites des USA et de l’Union européenne dans les Balkans.

Lorsque nous parlons des conditions de vie des différentes communautés ethniques du Kosovo, il n’est pas incorrect de dire que la situation, comparée à celle de la période antérieure aux bombardements de la République fédérale de Yougoslavie en 1999, a été renversée. Aujourd’hui, il est impossible aux Serbes du Kosovo de se déplacer ou de vivre librement sans présence militaire ; leurs enfants ne peuvent pas aller paisiblement à l’école, les personnes âgées sont molestées par des nationalistes albanais, etc. Cette situation témoigne des conditions de vie catastrophiques qu’endurent les non-Albanais du Kosovo. Ces conditions de vie des Serbes, objectivement horrifiantes, sont instrumentalisées de la plus traîtresse des manières par la bourgeoisie serbe afin de poursuivre ses propres intérêts. Des institutions aussi criminelles que l’Eglise serbe orthodoxe exploitent cette situation catastrophique pour regagner ses positions médiévales. En confondant intentionnellement les intérêts de la population menacée avec les intérêts de l’Eglise, les prêtres sont de nouveau en train de maintenir et de soutenir une politique belliqueuse, comme à de nombreuses occasions au cours des vingt dernières années.

La bourgeoisie serbe travaille à diviser le Kosovo en manipulant la situation horrible dans laquelle la population serbe du Kosovo se trouve et encourage celle-ci à renoncer à sa loyauté envers les Albanais et tâche de la lier aux institutions de l’Etat serbe.

Le Kosovo est aujourd’hui un Etat dans lequel plus de 50 % de la population est au chômage. Et la pratique de la contrebande, les dons étrangers et l’aide des parents vivant dans d’autres pays constitue le mode principal de survie pour la population. Le temps montrera que la colère des travailleurs du Kosovo, causée par leurs conditions de vie horribles, se retournera très vite contre ces mêmes détenteurs du pouvoir après une diminution de l’hystérie engendrée par l’« indépendance » fraîchement gagnée. C’est par des patrons et politiciens albanais que cette colère a été dirigée contre l’Etat serbe et ce fait n’est que temporairement dissimulé sous le tapis par les promesses d’une vie meilleure dans un nouvel Etat. L’histoire confirmera de nouveau que les Etats n’ont jamais résolu de problèmes pour la classe ouvrière, mais en ont seulement créé.

Un autre facteur important qui doit être pris en considération si nous voulons saisir la situation dans son ensemble, c’est sans aucun doute le rôle de l’impérialisme russe. En défendant ses intérêts au niveau international, la Russie a trouvé dans l’épisode du Kosovo une occasion idéale de se lever contre le bloc de l’Union européenne et des Etats-Unis, ainsi qu’une occasion de renforcer ses positions dans les Balkans. En prenant en considération la constellation actuelle du pouvoir sur la scène parlementaire serbe, il ne serait pas étrange si l’équipe de Medvedev-Poutine réalisait quelque chose que Staline et l’impérialisme soviétique n’ont pas réussi à faire il y a cinquante ans. L’approche agressive de sociétés russes en Serbie, subornant des sociétés stratégiques comme l’Industrie pétrolière de Serbie (Naftne industrije Srbije - NIS), la construction d’importants gazoducs à travers la Serbie en réponse au gazoduc qui est sous le contrôle de l’Ouest, expriment clairement les intentions russes. D’autre part, cela nous confirme qu’il y a des forces très sérieuses au sein de la classe dirigeante serbe qui travaillent pour les intérêts russes et qui préféreraient voir la Serbie comme satellite de la Russie plutôt que comme satellite des Etats-Unis.

Lorsqu’elle parle de la proclamation de l’Etat kosovar, la classe dirigeante serbe répète très souvent l’expression « le vol de 15 % de notre territoire ». Nous posons la question : « Qu’est-ce qui est « notre territoire » ? » Quiconque a une vision claire comprend que quand les politiciens parlent de « notre territoire », ils parlent du territoire où l’Etat serbe peut recueillir les impôts des travailleurs. Ce même argent est ensuite empoché par les criminels au pouvoir. Pour la classe ouvrière, il n’est aucunement question de « notre » ou de « leur » territoire. Le monde entier est notre patrie.

La réaction du gouvernement serbe suite à la proclamation d’« indépendance » a consisté à organiser des manifestations contre l’« indépendance » à Belgrade et dans d’autres villes de Serbie, avec l’aide l’aide d’organisations néo-nazies. Et a consisté aussi à répéter indéfiniment des phrases sur le non respect de la justice internationale, comme si ce n’était pas évident que la justice internationale, comme toute autre « justice » bourgeoise, est juste une façade du système dans lequel la justice est au côté des plus forts.

La manifestation contre l’indépendance tenue à Belgrade le 21 février parle bien de la réalité de tous les nationalismes. Sans aucun doute le rassemblement, auquel plus de 250.000 personnes ont pris part, était un rassemblement dans lequel des groupes fascistes se sont sentis tout à fait à l’aise. La meilleure preuve de cela est le comportement des membres de l’organisation Obraz, définie comme cléro-fasciste (y compris par la police), qui était dans les premiers rangs de la manifestation. Mais, si elle a causé la tristesse des détenteurs du pouvoir serbes, cette manifestation a révélé une flamme qui brûle sous les couches de rhétorique nationaliste : c’est la flamme d’un mécontentement social manifesté par des milliers de personnes appauvries qui ont utilisé ce remake totalement raté et simulé de Gazimestan pour réaliser un shopping prolétaire à grande échelle. Les vrais héros de cette manifestation se sont dirigés vers les magasins du centre de Belgrade et, sans tenir compte de la nationalité des propriétaires des sociétés, ont réussi à se procurer de nouveaux vêtements, des chaussures et bien d’autres choses qu’ils ne peuvent habituellement pas se permettre.

Le gouvernement a essayé de minimiser le nombre de gens ayant participé aux expropriations. Et a tenté de faire une fausse distinction entre « les voleurs » et « les personnes » qui détruisaient les ambassades des Etats qui ont reconnu le Kosovo. Les libéraux hystériques ont commencé à écumer, appelant la Loi à réagir contre « les voyous ». Parmi une quantité énorme de déclarations similaires tenues par des politiciens serbes, la déclaration du ministre nationaliste clérical de l’Infrastructure, Velimir Ilic, s’est détachée. En essayant de gagner des points parmi les éléments chauvins radicaux de la manifestation (ceux qui ont participé à la manifestation pour détruire les sièges d’Etats « anti-serbes »), il a dit que « même la casse de fenêtres, c’est la démocratie ».

Les effets négatifs de ces événements en Serbie sont déjà visibles : le musèlement de toute voix qui met en doute la politique menée contre le Kosovo dans les intérêts de la classe dirigeante serbe ; et l’introduction d’une Loi Marshall informelle qui signifie l’interdiction par la police de tous les rassemblements qui ne sont pas directement ou indirectement organisés par les structures dirigeantes. Néanmoins, ces interdictions ouvrent un espace pour les forces libérales bourgeoises qui marquent des points sur le compte de l’autoritarisme du régime, en se présentant comme des victimes poursuivies en raison de leur caractère progressiste supposé.

Le conflit d’intérêts des deux partis dirigeants actuels, qui dans cette situation sont forcés de prendre des positions claires, a entrainé la chute du gouvernement, comme attendu.

De nouvelles élections sont présentées comme solution aux problèmes croissants. Et la vacance qui durera jusqu’à ce qu’à l’élection de nouveaux députés sera utilisée de telle sorte que la politique capitaliste brutale contre les travailleurs serbes puisse continuer, sous « un gouvernement technique ». Ce qui signifie l’augmentation des prix des aliments, de l’électricité, des carburants et de tous les autres produits de première nécessité.

L’élément sur lequel ils comptent, c’est la campagne électorale. Cette fois, probablement, elle sera plus folle et plus anormale tout ce que nous avons vu auparavant. Ils espèrent ainsi brouiller la vue des travailleurs. De nouveau, nous deviendrons les victimes collectives de designers imaginatifs au service de partis politiques, qui essayeront de nous vendre l’histoire du Kosovo et l’Union européenne dans des paquets différents.

Le point que l’on peut considérer comme un résultat positif important de cette période de turbulences est le fait qu’un grand segment du peuple a arrêté d’accepter l’idée qu’il n’y a aucune alternative à l’Union européenne et à l’OTAN. Même s’il est évident que les partis qui mettent aujourd’hui en doute l’orientation vers l’OTAN et l’UE font cela dans leur intérêt politique propre ; et s’il est aussi évident que ces tournants dans leur politique reposent en grande partie sur une réorientation vers la Russie, cela n’en reste pas moins important parce que cela ouvre un espace pour penser aux alternatives à ce système. Dans une telle situation, différentes alternatives au capitalisme émergent ; et de cette façon notre mouvement peut s’attendre également à une consolidation dans un futur proche.

Comme nous notons que les messages tranmis par les plus hautes instances de l’Etat ne considèrent pas la violence comme un comportement « extrémiste », l’Anarcho-Syndicaliste Initiative appelle les travailleurs de Serbie à employer cette opportunité, à radicaliser la situation sur leur lieu de travail et à employer ces temps obscurs pour améliorer leurs conditions de vie. La tâche placée devant tous les révolutionnaires de Serbie, c’est la destruction des derniers restes de mythomanie nationaliste et, par là, l’ouverture d’un espace pour l’escalade des conflits sociaux.

En même temps, c’est l’occasion de combattre durement les partisans les plus forts du capitalisme libéral de Serbie : ces luttes les empêcheront de se relever trop facilement dans un futur proche. C’est l’occasion pour les travailleurs de montrer fortement et clairement ce qu’ils pensent des institutions et des processus destructeurs qui ont laissé des centaines de milliers de personnes sans travail ni moyen de survie.

Il est actuellement de la plus haute importance de créer et de renforcer les relations existantes entre les travailleurs libertaires de Serbie et du Kosovo, comme de tous les Balkans, et de présenter une alternative claire à l’impérialisme américain et russe. Nous vous rappelons que, la seule fois où les habitants de l’ex-Yougoslavie ont réussi à réellement s’unir, ce fut durant le mouvement partisan antifasciste, basé sur des individus de toutes les nations. Ce mouvement réussit à mettre à bas les tenants du pouvoir nationaliste, qui étaient tous à la solde de pouvoirs étrangers. Aujourd’hui, nous avons besoin de créer, dans les Balkans, un bloc clairement contre l’impérialiste, contre l’OTAN, contre la domination russe. Ce bloc unirait des personnes de tous les Etats satellites, et écarterait tous les interprètes et agents des intérêts américains, européens et russes. L’égalité et la liberté de tous peuvent être atteintes seulement par une société basée sur le communisme libertaire autogestionnaire. La confédération des travailleurs des Balkans ou les communes libres !

C’est seulement en s’organisant en syndicats forts, révolutionnaires et non hiérarchiques, prêts à porter une lutte dure contre les patrons et les politiciens, que nous pourrons arriver à la formation d’un tel bloc. En luttant sur nos lieux de travail pour de meilleures conditions de vie et de travail, en radicalisant la situation et en augmentant la tension, nous pouvons créer les bases d’un mouvement capable d’aboutir à une société digne d’êtres humains.

Pour le communisme libertaire ! Pour l’Anarchie !

Initiative Anarcho-Syndicaliste, section serbe de l’AIT

12 mars 2008


CNT-AIT



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