vendredi
25 juin 2004
Je fais grève parce que, rien qu’à l’idée de la tête de ceux avec qui je me retrouverais, je ne peux pas faire autrement et puis j’ai toujours l’illusion de défendre mon bout de gras. Mais c’est à contre-cœur.
J’en ai plus qu’assez des "journées d’action" et autre "temps forts" à la con. J’en ai marre des grèves rituelles qui servent d’exutoire momentanée à une rancœur profonde et de consolation pour ceux qui se satisfont d’avoir dit ce qu’ils pensent. Des actions (journée de grève, droit de retrait...) ont éclaté ici et là, localement et spontanément, quand la Dotation Globale Horaire a été rendue publique. Ces actions n’ont pas su, n’ont pas pu, n’ont pas voulu ( ?) se coordonner. Ce n’est pas cette journée, six semaines après, qui les unifiera et leur donnera plus d’ampleur. Auparavant, les syndicats nous avaient encouragé à cautionner la grande concertation nationale sur l’éducation, c’était le premier acte de leur rétablissement acrobatique après les grèves du printemps. Ramener les conflits dans l’ordre des disputes convenues.
Nous voilà, pour la première fois depuis le printemps, convoqués à revenir dans le cadre bien connu de la mobilisation rituelle ; on siffle, vous faites grève, et nous montrons en haut lieu que nous sommes des interlocuteurs représentatifs et responsables. S’il vous plait, ...merci.
Le moment est subtilement choisi. Nous sommes à l’heure de la "convergence". Cela, au moment même où la "convergence" est totalement sous contrôle. Les intermittents sont reconnus comme interlocuteurs responsables dans leur coordination nationale mêlant salariés et employeurs au service de l’art, cette marchandise qui fait passer toutes les autres (Arte est aussi con que Star-Ac et utilise proportionnellement autant d’intermittents "permanents" que la seconde, mais c’est la seconde que l’on perturbe : il faut éduquer le peuple). Les enseignants des ZEP, qui ne font plus que de la discipline, sont flattés dans le sens du poil et de leur pauvre ego par la "convergence" avec les "chercheurs", bien représentés par quelques prix Nobel français (les révolutionnaires de 1794 ont guillotiné Lavoisier). Un bref moment lucides, ceux-ci se trouvent à nouveau englués dans leurs illusions de la "transmission des savoirs" et du "service public d’éducation" alors que le plus "cancre" de leurs élèves est plus conscient qu’eux de la réalité et ne se prive pas de le faire savoir. Si en mai et juin 2003, les ZEP ont été en pointe, c’est que ces illusions se lézardaient avec la reconnaissance-dénégation d’un travail indifférent à son contenu et strictement réduit à la reproduction et au formatage social. Encore un effort pour ne plus regretter Jules Ferry, l’inventeur de l’école des pauvres, le fusilleur de la Commune et des douars.
Le moment du défoulement est particulièrement bien choisi pour canaliser et récupérer le désenchantement du monde vers l’allégeance citoyenne à l’Etat.
Chers collègues grévistes du printemps, enterrez votre grève dans les urnes funéraires à votre disposition. Populisme d’extrême droite, clientélisme d’extrême gauche, bon citoyen de gauche, responsable de droite, ... faites vos jeux !
Faites la grève le 12 mars 2004, votez bientôt (je ne sais pas quand et je m’en fous), rentrez chez vous. Et guettez le prochain coup de sifflet du contremaître.
Collège Paul Gauthier.
Tract distribué par des enseignants de Cavaillon lors de la manif du 12 mars à Avignon.
Lu sur l’excellent site de Traits Noirs
http://traitsnoirs.lautre.net/
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